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Afrique - Littérature : une année avec Sony Labou Tansi

  Culture & Loisirs, #

Hassane Hassi Kouyaté, le metteur en scène de Sony Congo, explique sa démarche en mémoire de Sony Labou Tansi.

"J'exige le courage tragique de se marrer en connaissance de cause." Cette phrase de Sony Labou Tasi nous rappelle, quelques semaines après le 7 janvier, qu'il y a toujours une phrase de l'écrivain congolais à se mettre en bouche et au coeur pour commencer, ponctuer ou terminer sa journée.

Elle fait partie des citations choisies par Bernard Magnier, compagnon de Sony et spécialiste des littératures africaines, dans sa pièce Sony Congo ou la chouette petite vie bien osée de Sony Labou Tansi à découvrir au Tarmac jusqu'au 14 février.

Elle propose une véritable initiation à l'oeuvre, mise en scène par Hassane Hassi Kouyaté dans l'esprit d'un théâtre documentaire pour tous : faire connaître, donner envie, transmettre sont les mots d'ordre de ce spectacle didactique nourri d'archives et d'extraits de l'oeuvre dans une sobriété qui laisse toute sa place à la parole de Sony, interprété par Marcel Mankita, tandis que Chris Niangouna endosse le rôle du passeur.

C'est sur cette entrée en si riche matière que décolle cette année 2015 où sera fêtée, en France et au Congo notamment, l' œuvre romanesque, théâtrale et poétique, l'une des plus importantes et novatrices du continent d'un dévoreur de mots disparu voici 20 ans, le 14 juin 1995, à Brazzaville. Il n'avait pas 50 ans.

Sony Labou Tansi, parcours d'un enfant modeste

Sony Labou Tansi naît Marcel Ntsoni le 5 juillet 1947, à Kimwanza, petit village de ce qui était encore le Congo belge. Son père en est originaire, tandis que la famille maternelle vient du Congo français. Enfant d'un milieu modeste, il reçoit un enseignement en langue kikongo.

À l'âge de 12 ans, il poursuit sa scolarité au Congo français et apprend la langue du colon au collège, où il gère la bibliothèque et écrit déjà dans le fond de la classe. Devenu enseignant d'anglais, il passe ses nuits à couvrir ses cahiers dans "la rage de nommer" : "Je me laisse aller dans un tourbillon de demi-mots avant d'en dire un qui soit plein", avec l'ambition de "créer une autre littérature, celle des croisements. Des rencontres, de l'homme contagieux."

Elle sera multiforme, insolente, innovante.

Amoureux du théâtre

"À ceux qui cherchent un homme engagé, je propose un homme engageant", écrivait-il encore dans l'avertissement à son roman phare, La Vie et demie, cette bombe littéraire parue au Seuil en 1979 traduite et étudiée depuis partout dans le monde. Ce roman, dont il avait perdu le manuscrit dans un train et qu'il doit entièrement réécrire, le révèle en France. Il sera suivi de L'État honteux en 1981 ( Machin La Hernie est le titre de la version originale que publiera intégralement La Revue noire dans son si précieux coffret d'inédits), L'Ante-peuple, grand prix littéraire de l'Afrique noire, Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez en 1985 et encore Les Yeux du volcan. Tout un autre pan de sa création s'exprimera sur scène. "Je suis en train de tomber amoureux du théâtre.

Serait-ce là ma véritable spécialité ?" Sony a fondé à Brazzaville en 1979 le Rocado Zulu Théâtre, jouant en français et en kikongo un répertoire congolais, mais aussi Césaire ou L'Avare. Il est l'auteur de plus d'une dizaine de pièces, dont Je soussigné cardiaque et La Parenthèse de sang. Le dramaturge crée ses spectacles dans son pays et les fait tourner en Afrique et en Europe, où il est souvent accueilli à Limoges.

Il est aussi l'auteur de lettres ouvertes, notamment "Aux Africains sous couvert du parti unique", s'engageant de plus en plus à la fin de sa vie dans l'action politique. Le sida l'emportera en 1995, il meurt au Congo trois jours après son épouse.

Son dernier roman, Le Commencement des douleurs, paraît alors au Seuil. Commence aussi un travail incessant de recherche et de sauvegarde de ses manuscrits en pleine guerre civile, permettant peu à peu de mettre au jour tout ce que l'écrivain a laissé derrière lui.

Brazzaville-Limoges, aller-retour

Ce vingtième anniversaire de sa mort s'annonce comme une année phare dans la redécouverte et la découverte de l'oeuvre. Dès le printemps, la publication aux Solitaires intempestifs de La Chair et l'Idée met en perspective l'homme de théâtre et découvre plusieurs inédits, dont La Troisième France (poésie) et La Gueule de rechange (théâtre).

On en saura davantage en assistant samedi 14 février à la journée du Tarmac, où, en présence de ses compatriotes les écrivains Henri Lopes, Alain Mabanckou et Emmanuel Dongala, spécialistes amis et passeurs feront le point sur un programme qui se partage essentiellement entre Brazzaville et Limoges.

Monique Blin, qui a programmé les pièces de Sony Labou Tansi très tôt au Festival des francophonies de Limoges, qu'elle a dirigé de 1986 à 2000, évoquera le dramaturge et l'ami.

L'édition 2015 de ce festival de théâtre francophone verra en septembre la création annoncée, par Jean-Paul Delore et Dieudonné Niangouna, d'une pièce adaptée de Machin la Hernie ainsi que la parution du premier volume (poésie) sur les trois que compteront les Oeuvres complètes aux éditions Planète libre (CNRS), à partir du grand chantier éditorial mené par l'équipe de l'Item spécialisée dans les manuscrits francophones.

Sony Labou Tansi est à ce titre un exemple significatif du sort menacé des manuscrits dans certaines régions du monde, et on lira avec intérêt l'expérience de Nicolas Martin-Granel sur le terrain, à Brazzaville, où furent peu à peu sauvées des pages et des pages de l'oeuvre.

Il faut voir ces manuscrits magnifiques en partie accueillis par la Bibliothèque francophone de Limoges dans le fonds réservé à l'écrivain pour prendre la mesure de cet enjeu.

À Brazzaville, l'Institut français accueille dès le mois de mai l'exposition Sony Labou Tansi Brazzaville-Limoges, aller-retour, proposée par Bernard Magnier, et qui, comme son nom l'indique, sera de retour à Limoges à l'automne.

Et au Congo, Dieudonné Niangouna, l'homme de théâtre que l'on sait, est en train de "fomenter" la douzième édition foisonnante de son festival de théâtre Mantsina (du 10 au 30 décembre 2015) sous le signe de l'écrivain Sony sur scène.

D'une génération l'autre, celui que Tchicaya U Tam'si nommait "le porteur de notre rêve", continue de souffler ses mots : "Tu poseras/Ta bouche/Sur mon âme/Je mettrai/Ma force/Sur ta bouche."


afrique.lepoint.fr


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