Devenez publicateur / Créez votre blog


 

Afropunk, au-delà du noir et du punk

  Culture & Loisirs, #

Afropunk. Le terme à lui seul sonne paradoxal. Contre-intuitif. Marier la culture noire américaine et ses racines africaines au vent de révolte trash du punk, ses crêtes, ses piercings, ses riffs désordonnés. Depuis douze ans pourtant, le mouvement se répand. Depuis son épicentre Brooklyn, ses ondes ont touché Paris en mai dernier, et visent désormais les côtes brésiliennes et africaines pour l'année prochaine. D'un simple documentaire amateur, réalisé au tournant des années 2000, est né un festival ralliant 90 000 personnes chaque année à New York, faisant briller un vivier d'artistes dans la lignée des Lenny Kravitz, D'Angelo ou Grace Jones.

Afropunk, c'est l'histoire d'une réconciliation. Et d'une quête d'identité au cœur de l'Amérique du III e millénaire.

Issu d'une famille américano-caribéenne, James Spooner aime le punk-rock, la musique de skateurs. Goût plutôt considéré comme déviant pour un " noir " - sa propre famille l'appelle d'ailleurs " frère blanc ". Le jeune James évolue alors dans un univers qu'il croit ne correspondre ni à sa couleur de peau, ni à sa culture, jusqu'à ce qu'il s'installe avec sa famille à New York à 14 ans.

Là, se découvre un monde. Des punks artistes, comme lui, noirs ou métis, comme lui. Du haut de ses 15 ans, il arpente concerts et bars, s'habille punk, respire punk, défrise ses cheveux pour être punk. Mais à 21 ans, un voyage à Sainte-Lucie à la rencontre de son père remet tout en question. Il revient aux Etats-Unis, rompt avec sa petite amie blanche, cesse de se défriser les cheveux.

Caméra en main, James décide alors de sillonner les Etats-Unis à la recherche de son identité, interrogeant les punks noirs lors de chaque concert, chaque soirée, chaque événement auquel il participe. Du chanteur au fan, de la fille brimée pour ses piercings aux skateurs noirs qu'on veut forcément renvoyer à la culture rap : il s'informe auprès de tous. L'ensemble des témoignages recueillis par le cinéaste autodidacte détonne.

En 2003, son film Afropunk : the Rock'n'Roll Nigger Expérience paraît et crée une onde de choc. La longue filiation entre le punk et les rockers noirs tel Chuck Berry, Jimi Hendrix ou Billy Preston, cinquième membre des Beatles, oublié par l'histoire se ressent. Les liens entre chants d'esclaves et crise de colère rock sont redécouverts. Les expériences, la passion pour le rock de cette communauté noire, sont entendues. Les critiques subies à cause de leur déviance explosent.

Lors du festival Afropunk, le 23 mai à Paris au Trianon. Crédits : Prisca Munkeni Monnier

L'engouement est tel que Matthew Morgan, professionnel de la musique, propose d'organiser un festival portant le même nom. Le manager d'artistes connaissant les problèmes identitaires des musiciens punks noirs venait de trouver une solution à un problème et James, un moyen de faire une propagande plus grande. L'artiste et le business man s'associent. En 2005, deux ans après, le premier festival Afropunk se tient au mythique Brooklyn Academy of Music (BAM). Un énorme concert, des punks qui s'enflamment, une scène riche. Et une revanche. Ou plutôt la reconquête.

 

Appelés " Bounty " ou " Coconut ", accusés ironiquement d'aimer une musique qui n'est pas la leur, les Afropunks revendiquent leur héritage. Et ce n'est qu'une étape.

" Matthew voulait plus pour Afropunk. Il avait une vision : créer une plate-forme qui permettait aux artistes de s'exprimer et d'être mis en avant ", confie Jocelyn Cooper, associée aujourd'hui de Matthew Morgan. La belle Afro-Américaine a rejoint le mouvement en 2008. Productrice de D'Angelo, et bien d'autres artistes chez Warner/Chappell ou Cash Money Records qui représentent Nicky Minaj, Drake..., elle aussi est un vétéran de l'industrie. Quand elle rencontre Matthew, les musiciens dans la trempe de D'Angelo, de Lenny Kravitz ou encore Grace Jones sont supposés rares. Elle ne se doute pas alors que le réseau afropunk était formé de centaines d'artistes punks encore méconnus.

" Pour moi c'était impossible ! Ca faisait déjà longtemps que j'étais dans le milieu. Alors au début, je ne l'ai pas cru. Puis il me les a montré. Cela m'a ouvert les yeux sur un monde auquel j'ai toujours été attirée. Dans le fond, tous les artistes que j'ai signés étaient dans ce genre de registre assez innovateur. Quand j'ai signé D'Angelo, le "neo-soul" n'existait pas. De plus, les afropunks ne se développaient pas seulement dans la musique mais dans tout ! La mode, l'art, le cinéma ! Je me suis dit qu'il fallait absolument que je fasse partie de tout ça ", se souvient Jocelyn. Afropunk, le mouvement devient afropunk la plate-forme.

" Vivre afropunk à Paris c'était comme le vivre pour la première fois ", confie Jocelyn.

Un documentaire, dix ans et des festivals plus tard, à 6 000 km de là, dans une autre capitale, Afropunk séduit. " Vivre afropunk à Paris c'était comme le vivre pour la première fois, avoue Jocelyn. Voir ce que nous avons construit Mathew et moi et l'impact que ça a eu. C'était extraordinaire ! L'énergie et le mélange des cultures, et cette africanité ! "

Ville multiculturelle et terreau artistique reconnu, Paris était une étape évidente dans l'aventure afropunk. Quand le festival est annoncé, cela fait déjà cinq ans que Lou Constant-Desportes, rédacteur en chef d'Afropunk Paris s'y est exilé. Une rencontre fortuite conduit à la collaboration avec Nous Productions, un des principaux producteurs de concerts et tourneurs en France et à l'internationale.

En cette journée printanière, non loin de Pigalle, la salle de concert du théâtre du Trianon reçoit une clientèle particulière. Ce 23 mai, les travées sont bondées de fashionistas venues de Suède, de blogueurs mode américains, de piercings outranciers, de tatouages dévorants et de crêtes et afros colorés, sur une peau ébène. A peine la foule remarque-t-elle en son sein le chanteur Lenny Kravitz qui n'a d'yeux que pour la scène. Sa fille Zoé, culotte en cuir sur bottes à larges plates-formes, la dévore et explose en Lola Wolf devant des centaines de têtes déchaînées.

Avant Zoé Kravitz, se sont succédés le texan Leon Bridges, du rap-pop-électro percutant avec le groupe Young Paris, la furieuse guitariste, Kaila Whyte et son groupe hardcore Youthman, The Bots, Patrice... La soirée s'achève avec l'idôle Keziah Jones. Le lendemain ce sera au tour des enfants de Will Smith, Willow et Jaden, d'affronter la foule.

Suite au succès de cette édition explosive, les dates prochaines du festival sont déjà annoncées. Les samedi 4 et dimanche 5 juin 2016, Afropunk investira à nouveau la capitale française. Avant d'élargir encore son horizon. " Après Paris, nous pensons au Brésil, sourit Jocelyn, mais surtout au continent Africain ! " Et l'Afrique du Sud est déjà en tête de liste...



Source : www.lemonde.fr


PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE

Pas de commentaire

Pas de commentaire
 
fifame
Partagé par : fifame@Bénin
VOIR SON BLOG 281 SUIVRE SES PUBLICATIONS LUI ECRIRE

SES STATS

281
Publications

117498
J'aime Facebook sur ses publications

1693
Commentaires sur ses publications

Devenez publicateur

Dernières Actualités

Pas d'article dans la liste.