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Allemagne, Chine, Égypte, Inde : attention afrophobie !

  Société, #

Par Agnès Faivre

" Afrophobie ", " racisme anti-Noir "... Ces derniers jours, on a vu ces termes fleurir sur la Toile, avec pour terreau une éruption d'affaires, de faits divers ou de faits sociaux traversant aussi bien l'Asie que l'Europe, l'arène diplomatique ou la planète football. Il y a eu les agressions contre des Africains en Inde, quelques jours après le meurtre par lapidation à Delhi d'un enseignant congolais le 20 mai dernier ; les insultes d'un responsable égyptien envers les Africains subsahariens qualifiés " de chiens et d'esclaves ", selon une diplomate kenyane ; la pub chinoise pour cette lessive qui lave tellement blanc qu'elle transforme un Africain en Asiatique ; et encore les propos peu amènes de la droite populiste allemande à l'égard de la star de la Mannschaft Jérôme Boateng (les gens " ne veulent pas l'avoir comme voisin "). Une profusion d'événements qui a provoqué un emballement sur les réseaux sociaux, mais aussi des tensions entre États. Et la propension de certains dirigeants ou d'une marque de lessive à minimiser les événements n'a rien arrangé.

Face au tollé, le déni de tout comportement raciste

Si des membres du gouvernement allemand ont d'emblée dénoncé une charge raciste contre le footballeur, le fabricant de lessive chinois Shangai Leishang Cosmetics a de son côté taxé les médias étrangers qui pointaient le caractère raciste de la réclame de " trop susceptibles ", avant de présenter ses excuses " pour le tort causé aux Africains en raison de la propagation de cette publicité ". Précisons que ladite publicité a été visionnée plus de sept millions de fois sur YouTube en trois jours. En Inde, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères V. K. Singh a quant à lui accusé les médias d'exagérer la gravité d'incidents " mineurs ", qualifiant les récentes agressions, jeudi 26 mai, de six Africains de " simples bagarres ". L'Égypte, enfin, a opposé déni et irritation aux accusations de racisme exprimées dans une note datée du 29 mai par l'ambassadrice du Kenya auprès du programme de l'ONU pour l'environnement, Yvonne Khamati.

" L'Égypte nie avoir insulté des pays africains ", titre The North Africa Post. " Le Caire a exprimé des doutes sur la véracité des allégations selon lesquelles un haut responsable égyptien aurait qualifié les pays africains de " chiens et esclaves " ", écrit le site d'information basé à Rabat. Selon le ministre égyptien de l'Environnement, aucun des deux membres de la délégation égyptienne n'était présent au moment du dérapage verbal supposé. Il ne faut pas instiller " le doute sur l'appartenance de l'Égypte à l'Afrique ", a-t-il ajouté. Évoquant une affaire qui " manque de preuves ", Le Caire promet toutefois d'enquêter. Et ne cache pas son courroux.

L'Égypte réclame des excuses

" L'Égypte exige des excuses pour les allégations de remarques racistes ", titre The Daily News Egypt. Le quotidien égyptien nous apprend que l'ambassade d'Égypte à Nairobi exprime son " rejet catégorique ", sa " déception " et sa " consternation " à propos du mémo rédigé par Khamati qui stipulait " le comportement irresponsable, non civilisé et insultant " du haut responsable égyptien. Cette note a " sali l'image de l'Égypte " qui " a toujours soutenu les États africains ", explique l'ambassadeur égyptien au quotidien kenyan The Nation. Le diplomate rejette par ailleurs cette demande du corps diplomatique africain : la démission " avec effet immédiat " du ministère égyptien de l'Environnement de la présidence de la Conférence ministérielle africaine sur l'environnement (CMAE). " L'Égypte dans la panade pour avoir traité les pays africains de chiens et d'esclaves ", titre le journal kenyan The Star. The North Africa Post conclut quant à lui sur " les plaintes de racisme et de discrimination longtemps exprimées par les Africains noirs et d'autres minorités " en Égypte.

Les diplomates africains montent au créneau en Inde

" Les ressortissants africains vivent dans un climat omniprésent de peur et d'insécurité ", lâchent, quant à eux, les chefs de missions africains (AGHM), un groupe d'ambassadeurs de 42 pays basé en Inde. Cette déclaration sans ambages intervient peu après le meurtre d'Oliver Masounda Kitada, un enseignant congolais de 29 ans mort le 20 mai après avoir été frappé à coups de pierre et de brique par trois hommes alors qu'il s'apprêtait à prendre un rickshaw à New Delhi. Soucieux de faire pression sur les autorités indiennes, les diplomates africains entendent " recommander à leurs gouvernements de ne pas envoyer de nouveaux étudiants en Inde tant que leur sécurité ne sera pas garantie ", a déclaré leur doyen, Alem Tsehage Woldemariam. Le groupe a également décidé de boycotter la célébration de l'Africa Day, qui commémore chaque année la création en 1963 de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et qui devait se tenir à New Delhi jeudi 26 mai à l'initiative du Conseil indien pour les relations culturelles. Il a prétexté " le deuil en mémoire de ses étudiants africains tués ces dernières années ", rapporte The Nation. Le quotidien kenyan rappelle qu'en février dernier une étudiante tanzanienne a péri après avoir été attaquée par une foule à Bangalore.

New Delhi ou la " traque des Africains "

Depuis ce boycott d'un événement national par des diplomates africains, " le gouvernement indien cherche à améliorer son image ", nous dit The Nation. Afin de peser dans ce processus, les étudiants africains ont également décidé de faire entendre leur voix. " Très inquiets de ces agressions répétées ", explique Bénin Monde Infos, ils ont organisé mardi 31 mai une marche de protestation contre le racisme à Jantar Mantar, dans le centre de New Delhi. Dans un article intitulé " Quand New Delhi devient une terre de terreur et de traque des Africains ", le webzine béninois rapporte que, " face à l'indignation soulevée par cette affaire ", la ministre indienne des Relations extérieures Sushma Swaraj " s'est engagée à assurer la sécurité de la communauté africaine résidant en Inde et à poursuivre les agresseurs ". Elle a aussi demandé à des membres du gouvernement de recevoir une délégation d'étudiants.

" Il est urgent que New Delhi fasse de son mieux afin de rétablir la confiance entre elle et le continent noir en ce sens que l'Afrique devient depuis quelque temps un partenaire stratégique pour l'Inde ", explique Bénin Monde Infos, qui revient sur l'intérêt de New Delhi pour les matières premières africaines, sur ses investissements au Nigeria, en Angola, sur son intérêt pour les mines en Afrique du Sud, mais aussi sur les bourses accordées en contrepartie à nombre d'étudiants originaires du Congo, du Kenya, du Nigeria ou de l'île Maurice. Pour ne pas mettre ces partenariats en péril, conclut le site béninois, " il faut calmer ces hooligans indiens afin que les 30 000 Africains de l'Inde et surtout les 4 000 que compte la capitale retrouvent la sérénité ".

Les Kinois en colère

La mort du Congolais Oliver Masounda Kitada a suscité des réactions beaucoup plus vives à Kinshasa. La capitale de la RD Congo abrite une communauté d'Indiens très implantée dans le secteur du commerce. Radio Okapi décrit " une tension perceptible ", mardi 24 mai, au marché central de Kinshasa, où " un groupe de jeunes gens circulait en scandant des menaces contre les commerçants expatriés ". Un Indien a même été passé à tabac à coup de pierre dans le quartier de la Gombe, relate quant à lui le journal Le Congolais. " Il faut que justice soit faite, et nous allons la faire à notre manière ", témoigne dans ses colonnes l'un des agresseurs. Pour lui, " le gouvernement de la République démocratique du Congo est incapable de trouver des solutions rapides à cette situation ", estime Le Congolais. " Ceux qui habitent avec nous tous les jours n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé ", a pourtant tenté d'expliquer le vice-ministre des Affaires étrangères, Antoine Boyamba, à l'occasion d'un appel au calme lancé sur Radio Okapi. L'ambassade indienne à Kinshasa a, de son côté, conseillé à ses ressortissants de " faire profil bas ", souligne le quotidien kenyan

Du racisme anti-Noirs

Dans un article à la mémoire d'Olivier Masounda Kitada, Le Congolais donne la parole à un étudiant à l'université Carnataca de New Delhi. Il revient sur les circonstances de l'incident tragique et décrit le climat d'hostilité auquel il est parfois exposé. " Pour un Africain, prendre un rickshaw à une heure tardive comme l'a fait Olivier, c'est très dangereux. J'ai souvent eu affaire à des conducteurs de ce type de véhicules qui refusaient de nous parler en anglais et de nous laisser monter. Parfois, nous avons aussi droit à des insultes du type dans la jungle, on ne monte pas dans un taxi. Et, si vous avez le malheur de vous énerver, les passants prennent très rarement votre défense ", témoigne-t-il. " Inquiétudes sur l'afrophobie ", titre le magazine en ligne panafricain Face 2 Face Africa. Les Africains en Inde subissent la " violence raciale ", écrit-il. Qualifiés dans les documents officiels de la police indienne de " kala ", un terme péjoratif qui désigne les Noirs et qui figure dans cette base de données d'injures raciales à laquelle renvoie Face 2 Face Africa, les étudiants africains en Inde sont victimes de nombreux stéréotypes : trafiquants de drogue pour les hommes, ou prostituées pour les femmes, explique en substance le magazine. " Les autorités indiennes feraient bien d'éduquer et de réorienter ses citoyens sur les questions de race et de diversité ", préconise-t-il. The Daily Maverick établit, quant à lui, un parallèle entre cette situation et les violences xénophobes en Afrique du Sud. Malgré les relations entre l'Inde et certains États africains, et les convergences de vues héritées du mouvement des non-alignés, ou issues d'une volonté commune de coopération sud-sud, " on a vu apparaître parallèlement et récemment un racisme anti-Africain dans les grandes villes, à Delhi et Bangalore " où se trouvent les plus grandes communautés d'Africains, explique dans les colonnes du quotidien sud-africain Nic Dawes, un responsable du Hindustan Times. L'homme de presse est sud-africain, et voit dans cette actualité indienne une occasion pour ses compatriotes de se regarder en miroir et de mener une " réflexion inconfortable ", sur les stéréotypes en vigueur (" les Nigérians sont des dealers de drogue ") en Afrique du Sud et sur le manque de volonté de la police et du gouvernement quand ils cèdent au " sentiment raciste ".



Source : Le Point Afrique


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