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Amadou Hampaté Ba, le sage qui murmurait à l'oreille des jeunes Africains

  Culture & Loisirs, #

A l'heure où l'Afrique tout entière se retrouve sous la menace de l'hydre terroriste et qu'une partie de la jeunesse ne cache plus son désarroi, il n'est pas interdit de jeter un coup d'œil dans le rétroviseur pour retrouver le legs des anciens qui n'étaient pas avares en conseils et leçons de vie.

 

Six ans avant sa disparition, survenue en 1991, l' écrivain malien Amadou Hampaté Ba écrivit une Lettre à la jeunesse qui nous touche aujourd'hui de manière encore en plus vigoureuse. Dans le sillage de l'auteur d' Amkoullel, l'enfant peul, on apprend les vertus cardinales telles que l'ouverture d'esprit, la patience, la tolérance ou l'humilité.

L'auteur de ces lignes en sait quelque chose, lui qui, plus jeune, en a minoré l'œuvre, avant de la reprendre, l'âge venant, et de rendre un hommage digne de son rang au natif de Bandiagara.

 

Tour à tour conteur, poète, ethnologue ou ambassadeur, le " diplômé de la grande université de la Parole enseignée à l'ombre des baobabs " fut en dialogue constant avec les jeunes du continent. Qu'il se penche sur ses méditations religieuses ou qu'il sonde l'arbre généalogique de sa famille issue des Peuls du Macina, tout est ouvert chez Hampaté Ba, destiné à être partagé avec le plus grand nombre. Comme cette fameuse Lettre de 1985 adressée à la jeunesse, dont nous tirerons quelques enseignements.

" La beauté d'un tapis "

Notons d'abord que c'est en simple quêteur de lumière qu'il se présente et non en grand homme protégé par son savoir ou sa garde rapprochée : " Celui qui vous parle est l'un des premiers-nés du vingtième siècle. Il a donc vécu bien longtemps et, comme vous l'imaginez, vu et entendu beaucoup de choses de par le vaste monde. Il ne prétend pas pour autant être un maître en quoi que ce soit. Avant tout, il s'est voulu un éternel chercheur, un éternel élève, et aujourd'hui encore sa soif d'apprendre est aussi vive qu'aux premiers jours. "

 

Après avoir brossé ses longues années d'apprentissage et ses nombreux voyages tant en Afrique qu'en Europe et ailleurs dans le monde, il en arrive à sa première leçon : " Jeunes, efforcez-vous toujours de comprendre les hommes, et recherchez par tous les moyens la mutuelle compréhension ! Alors, nos différences, au lieu de nous séparer des autres, deviendront sources de complémentarité et d'enrichissement mutuel. " Et Amadou Hampaté Ba de nous sortir de son boubou l'une de ces images frappantes dont il avait le secret : " De même que la beauté d'un tapis tient à la variété de ses couleurs, la diversité des hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde. Combien ennuyeux et monotone serait un monde uniforme. "

De la reconnaissance de la complémentarité à l'esprit de tolérance et de solidarité, il n'y a qu'un pas, que le savant malien invite la jeunesse à franchir avec entrain : " Jeunes gens, derniers-nés du XXe siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu'elle fait peser sur l'humanité et passionnante par les possibilités qu'elle ouvre dans le domaine des connaissances et de la communication entre les hommes. "

Raison de plus pour renouer avec les immenses ressources culturelles et spirituelles propres à leurs peuples : la civilisation traditionnelle était avant tout une civilisation de responsabilité et de solidarité à tous les niveaux. Jamais on n'aurait laissé une femme, un enfant, un malade ou un vieillard vivre en marge de la société, comme une pièce détachée.

Nos peuples avaient, assène-t-il, une science fine des humains qui, eux, n'étaient pas séparés de l'environnement naturel comme c'est le cas aujourd'hui partout dans le monde. L'homme était également considéré comme responsable de l'équilibre du monde naturel environnant. Il lui était interdit de couper un arbre sans raison, de tuer un animal sans motif valable. La terre n'était pas sa propriété, mais un dépôt sacré confié par le Créateur et dont il n'était que le gérant.

 

La crise actuelle, protéiforme et planétaire, ne vient pas d'ailleurs. Elle est l'une des conséquences de ce divorce entre l'homme et la nature que les Terriens s'évertuent à dominer, quitte à en payer le prix le plus fort. Visionnaire, le Malien nous invite à questionner le mode de vie dominant et destructeur : le bon jardinier n'est pas celui qui déracine, mais celui qui, le moment venu, sait élaguer les branches mortes et, au besoin, procéder judicieusement à des greffes utiles. On pourrait continuer à dérouler les précieuses leçons prodiguées par le sage de Bandiagara. Il est temps de remettre cette précieuse entre toutes les mains, jeunes et moins jeunes. La suite est à lire et à méditer.

Abdourahman A. Waberi est né en 1965 dans l'actuelle République de Djibouti, il vit entre Paris et les Etats-Unis, où il a enseigné les littératures francophones aux Claremont Colleges (Californie). Il est aujourd'hui professeur à George-Washington University. Auteur, entre autres, de Aux Etats-Unis d'Afrique (JC Lattès, 2006), il a publié en 2015 La Divine Chanson (Zulma).



Source : Le Monde.fr


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