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Amal Issa, la reine des parfums de Khartoum

  Société, #

Des fragrances s'échappent des fenêtres de sa petite maison du quartier Safia, dans le nord de Khartoum. Au rez-de-chaussée, Amal Issa a aménagé une alcôve en atelier de création de parfums. Sur les étagères se bousculent des flacons d'alchimiste qui renferment des odeurs puissantes, des mélanges subtils d'huiles et d'arômes qui fusionnent avec des bois de santal, d'acacia, du musc et des fleurs.

Cette femme ronde aux yeux pétillants esquisse un sourire large et tendre lorsqu'elle écorne les noms français de parfums et d'eaux de Cologne qu'elle utilise dans ses mélanges. À côté d'un petit stock de Bint el-Sudan, le mythique parfum le plus vendu du continent, surnommé le " Chanel N° 5 d'Afrique ", ses mains potelées décorées au henné saisissent des flacons de contrefaçon chinoise de Ramages, d'eaux de Cologne Rêve d'or, ou encore de Paris.

Tout un mythe du bon goût français vu de Khartoum et entretenu à sa façon par Amal Issa, également connue sous le titre de " reine des parfums ".

Tradition du parfum soudanais renouvélée

Elle feint d'être gênée, puis se montre flattée lorsqu'on évoque cette distinction remise lors d'un concours à Khartoum en 2011, où son parfum Jeudi soir a séduit le nez du jury. La première dame, Fatima Khalid Al-Bachir, était la marraine de l'événement. Amal Issa n'a que faire de la politique et de la communication au féminin du régime d'Omar Al-Bachir, qui dirige le Soudan d'une main de fer depuis le putsch de 1989.

La dictature ne semble pas avoir d'emprise sur son univers de charme, de sensualité. " Je puise dans l'art traditionnel des parfums du Soudan pour innover, je me considère comme une artiste, j'ai d'ailleurs créé plus de 120 parfums ", se justifie celle dont les bonnes manières panachent un raffinement arabo-africain et une simplicité populaire.

Une reine ne confie pas son âge. Elle glisse néanmoins sa date de naissance : 1957, une année après la proclamation de l'indépendance du Soudan. Dans un coin de son laboratoire exigu sont disposées ses dernières créations qu'elle s'apprête à expédier au souk d'Omdurman, près de Kharthoum, dans toute l'Afrique et au-delà. La plupart de ses clientes à l'étranger se trouvent dans les Emirats arabes unis et dans les cercles de dames de la bourgeoisie des pays voisins. Pour un flacon de 75 ml de sa création, compter 50 dollars.

Elle s'est bâti une réputation régionale, avec ses interventions sur les télévisions satellitaires arabes, ses ateliers de création et ses cours dont raffolent les jeunes femmes de la bonne société soudanaise. " J'exporte mes parfums jusqu'en Europe, notamment en Espagne. La réputation des parfums soudanais est internationale et très respectée, souligne-t-elle. J'incarne désormais cette tradition et me dois de l'honorer avec des parfums toujours de qualité et surprenants. "

 

Présidente du Centre de développement du business des femmes soudanaises, l'entrepreneure Samia Shabo, à la tête d'un petit empire de salons de beauté à Khartoum, flaire la bonne affaire. " Je vais aider la Reine à vendre ses parfums à l'étranger et à passer du stade de la création artisanale à la production semi-industrielle ", se réjouit la femme d'affaires, proche du pouvoir.

" C'est aphrodisiaque "

Avec pudeur et un brin d'hésitations, Amal Issa tend un bocal contenant une patte marron et grasse. Elle le referme aussitôt. " Ça, c'est le Delkha, c'est aphrodisiaque ", s'esclaffe-t-elle. A base de bois de santal, de musc et de fleur de sorgho, le delkha est enduit sur la peau halée des jeunes femmes avant le mariage, et après, pour suggérer des envies à l'époux. Tout un subtil rituel parfumé qui agrémente les parades amoureuses. Une tradition culturelle érotique ancestrale, parmi tant d'autres.

La reine prend son air espiègle et amusé lorsqu'elle convie dehors, dans sa petite cour sablonneuse. Son voile faseye au souffle du vent chaud. Sous un petit abri fait de planches de bois, elle pointe du doigt un étonnant trou.

 

Nombreuses sont les femmes de Khartoum à se rendre chez la reine, avant de se marier. Elles s'installent dans cette cabane de bois, emmitouflées dans une couverture, accroupies sur ce trou où brûlent du bois d'acacia notamment agrémenté d'encens.

Pouvoir vivre aisément

La fumée qui s'en dégage imbibe tout leur corps et imprègne la peau de cette odeur si particulière et excitante pour les époux. " Une tradition qui tend néanmoins à se perdre, les femmes soudanaises urbaines n'ont parfois plus le temps ou l'envie ", déplore la reine. La préparation d'aphrodisiaques pour les futures mariées lui nécessite parfois plusieurs mois. La recette n'a pas vraiment évolué et la Reine perpétue cette tradition, sans innover.

Avec ses parfums, ses mélanges, ses expérimentations olfactives, la reine espère un jour pouvoir vivre aisément. Son rêve est simple : visiter Paris, et rencontrer les grands parfumeurs. Amal Issa en rêve, de même que de pouvoir se procurer les versions originales des parfums français qu'elle utilise dans ses préparations.

lemonde.fr


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