"J'ai toujours rêvé d'être actrice !", s'exclame Karidja Touré. Née à Bondy en 1994 de parents ivoiriens, la jeune femme passe son enfance dans le XVe arrondissement parisien, souvent plantée devant Harry Potter et toutes ces "âneries girly" à la Disney Channel. "Aujourd'hui encore, je suis à fond dans Violetta", avoue-t-elle en baissant les yeux comme un enfant pris en faute. Timide, sauf au moment de réciter la tirade de Cyrano au CP, Karidja s'essaye pendant six ans au modern-jazz avant de se recentrer sur les cahiers. "J'avais un niveau scolaire moyen, poursuit-elle. J'adorais traîner avec mes amies, chanter dans ma chambre comme Beyoncé et faire du shopping."

Quand on lui refuse sa seconde générale, la jeune fille à la peau d'ébène s'oriente vers un bac pro qu'elle valide. Quelques jours plus tard, cadeau du ciel, tout bascule. "J'ai été abordée à la Foire du Trône par une directrice de casting qui cherchait une actrice pour le nouveau film de Céline Sciamma", se souvient l'intéressé. Peu portée sur le cinéma français, elle se renseigne et découvre Naissance des pieuvres et Tomboy, les deux premières réalisations de la cinéaste. Impressionnée, Karidja accepte alors d'incarner Marieme dans Bande de filles, présenté en mai dernier à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes.

"A la fois loin de Marieme et très proche"

Cette héroïne de 16 ans file droit vers un avenir qu'elle n'a pas choisi. Son quotidien sclérosant, régi par les diktats de garçons intransigeants, éclate quand elle rencontre trois filles volubiles et libres. "Je suis à la fois loin de Marieme et très proche, note la comédienne débutante. Par exemple, quand on est Noire ou arabe, c'est obligé de se faire suivre une fois dans sa vie avec des talkie-walkie dans des magasins comme Sephora, Zara ou H&M. Genre on va voler un truc quoi ! (rires)".

Pour l'aider à rentrer dans ce rôle plein de fureur et de vie, Céline Sciamma privilégiera le dialogue en amont afin d'installer un climat de confiance. Résultat ? "Tout s'est super bien passé ! C'était stylé, comme dans les films !". Karidja Touré ponctue cet aveu d'un grand éclat de rire. Sidérée de voir son visage sur les colonnes Morris et dans les stations de métro, elle garde néanmoins les pieds sur terre : "Je continue mes études de BTS assistant manager au cas où le cinéma s'arrête." Franchement, ça nous étonnerait !