À Dakar, le Virage est une plage de sable sans récifs prisée par les surfeurs. Les week-ends, elle est bondée. Depuis quelques mois, une structure originale et intrigante y est apparue. Comme si deux containers métalliques avaient glissé d'un paquebot chinois pour échouer sur le sable.

En réalité, c'est un magasin de surf itinérant. Dessiné par l'architecte Ivoirien Issa Diabate, c'est la dernière lubie de Yodit Eklund jeune surfeuse, entrepreneuse, ethio-norvégienne qui a monté Bantu Wax, sa marque de surf " Made in Africa ", il y a maintenant quatre ans.

" L'Afrique a plus de 25 000 kilmètres de côte et des vagues incroyables. C'est aussi le continent avec la population la plus jeune. J'ai pensé que ce serait cool de lancer une marque de surf africaine ", explique-t-elle.

" Bantu Wax " en grosses lettres noires et deux jeunes hommes en maillot de bain ornent le bord de la structure. " Bantu veut dire passage ou porte en wolof, souligne Yodit Eklund. Je veux que Bantu soit une passerelle entre le surf et l'Afrique ". Wax fait référence au tissu africain mais aussi à la cire dont les surfeurs recouvrent les planches pour ne pas glisser.

Le futur Kelly Slater sera Africain

Il y a cinquante ans, le légendaire documentaire " Endless Summer " de Bruce Brown plaçait l'Afrique sur la carte des spots de surf les plus renommés de la planète. Exit les " Beach Boys " et la Californie. Il existait d'autres côtes, d'autres vagues et une autre manière de vivre la culture de la planche. " Les surfeurs sont à la fois des explorateurs et des influenceurs. Mon espoir est qu'il nous aide à montrer un nouveau visage de l'Afrique ", explique un peu naïvement la jeune femme, qui reçoit sur une plage de Dakar.

Non loin de là, une vague recherchée par les amoureux de la glisse se casse au large de l'île de Ngor, surnommée l'île des surfeurs. Sur place, le jeune Moussa nous explique que lui, il a appris à surfer avant même de savoir nager. Enfant déjà, il montait sur une planche de bois pour traverser de la côte à l'île, lorsqu'il ne voulait pas attendre la pirogue régulière. Yodit Eklund sponsorise déjà de nombreux jeunes surfeurs locaux. Selon elle, le futur Kelly Slater (américain considéré comme l'un des plus grands surfeurs) sera, évidemment, Africain.

Virage à 360

Les maillots de Bantu Wax ont connu leurs premiers succès grâce au monde de la mode : il y a deux ans, leurs imprimés multicolores étaient présentés en exclusivité dans toutes les vitrines du grand magasin de luxe Barney's sur la Madison Avenue de New York. " Depuis, j'ai décidé qu'il y avait plus amusant que vendre des maillots à des vieilles dames friquées ", dit-elle en souriant. " Bientôt, 70 % du milliard d'Africains auront moins de 30 ans. Je voulais construire quelque chose qui les représente d'une manière que Kelly Slater, Quicksilver ou Billabong ne pourront jamais. " Virage à 360 degrés mais très contrôlé pour la jeune femme : aujourd'hui, elle fabrique combinaisons en néoprène et des planches. Elle habille aussi des stars du skateboard et du surf, héros jeunes et en mouvement plutôt que les mannequins de bois des vitrines huppées.

Pour sa deuxième boutique, Yodit Eklund a choisi Cape Town en Afrique du Sud. Ouverture prévue en octobre, l'été là-bas. Les prochaines destinations seront le Maroc à Taghazout et Assinie, non loin d'Abidjan en Côte d'Ivoire. " J e ne veux avoir des magasins qu'en Afrique pour l'instant. C'est là où je veux que Bantu Wax soit présente et visible ".

Saskia de Rothschild, contributrice Le Monde Afrique