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Barack Obama et l'Afrique, histoire d'une déception

  Politique, #

Ce jour-là, pour son premier discours en terre d'Afrique, Barack Obama avait promis de changer le monde. C'était le 4 juin 2009, au Caire. Le nouveau président américain, portant le nom d'un père kényan, n'était entré en fonction que depuis quelques mois à la Maison Blanche. Il arrivait à présent sur le continent de ses ancêtres pour annoncer un " nouveau départ ", en forme de réconciliation entre les Etats-Unis et une partie de la planète. Et il le faisait depuis la grande Université al-Azhar, " phare de l'érudition musulmane ", selon ses mots, et orgueil du continent africain.

Certes, il ne s'agissait que d'un discours prononcé en Afrique, et non d'un discours sur l'Afrique. Son objet était de promettre la fin du cycle des guerres de l'Amérique (Irak, Afghanistan, mais aussi Afrique, par ricochet) engagées par son prédécesseur, George W. Bush, tout en tendant la main au vaste " monde de l'islam ".

Mais ce n'est pas seulement à Bagdad qu'on l'avait entendu, et pris au sérieux. A Mogadiscio, en Somalie, par exemple, on suivait chaque phrase en direct, à la télévision, avec un mélange d'étonnement et d'émotion. Il semblait que, ce jour-là, un homme providentiel venait d'offrir plus qu'une pax americana au monde. Comme si le président Obama, en raison de ses origines, était le seul dirigeant de la première puissance mondiale capable de changer les règles du jeu à l'échelle planétaire, et d'instaurer de nouvelles lignes d'entente.

Tout à coup, la fraternité

Il y avait tout à coup de la fraternité, au meilleur sens du terme, dans l'air des relations internationales, et cela ne pouvait qu'inclure l'Afrique. A deux reprises dans sa jeunesse, Barack Obama avait voyagé au Kenya, à la découverte du pays de son père. Il s'y était senti parmi les siens. Son livre Les Rêves de mon père (ed. Presses de la cité, 2008) en témoigne avec précision. Tout y est : la question raciale, l'Afrique, le télescopage des identités et le sentiment de révolte devant les injustices. Tout cela vu par un jeune homme à l'intelligence acérée.

Pendant son premier mandat, Obama a disparu des radars africains. Il lui fallait faire face à la crise financière mondiale, lancer le désengagement militaire en Irak et en Afghanistan, entre autres...

Après son élection, tout un continent a donc commencé à attendre l'auteur de ce livre délicat et déchirant. En fait, il n'est jamais venu. Certes, le président Obama est revenu en Afrique. La première fois, c'était quelques mois seulement après le discours du Caire, déjà oublié. Une escale d'à peine vingt-quatre heures au Ghana. Eloquent, toujours, Barack Obama y affirmait, devant le Parlement : " Je ne vois pas les pays et les peuples d'Afrique comme des mondes lointains. Je vois l'Afrique comme partie fondamentale de notre monde interconnecté, comme un partenaire de l'Amérique dans la perspective du monde que nous voulons pour nos enfants. " Après cette envolée : rien. Il avait fallu plus de trois ans pour que la Maison Blanche publie enfin une stratégie des Etats-Unis vis-à-vis de l'Afrique subsaharienne. Elle reposait sur quatre axes d'une parfaite banalité : développement, processus de paix, démocratie, santé.

Or, en 2009, la Chine venait aussi de dépasser les Etats-Unis dans le volume de ses échanges avec le continent. Une nouvelle " ruée vers l'Afrique " était en cours, mais les Etats-Unis ne semblaient pas dans la course. Et pendant son premier mandat, le président américain a disparu des radars africains. Trop occupé ailleurs. Il lui fallait faire face à la crise financière mondiale, lancer le désengagement militaire en Irak et en Afghanistan, entre autres... Et surmonter un ouragan de mauvaise foi raciste aux Etats-Unis. Pour éviter d'enflammer un peu plus ce pays impossible, il devait se garder de passer pour un " angry black man " (homme noir en colère), et répéter qu'il n'était pas né au Kenya. Alors, out of Africa, le président, s'il espérait être réélu.

Cette absence était d'autant plus frappante que les deux présidents américains précédents avaient laissé une marque visible sur le continent. George W. Bush avait présidé à la mise en place d'un gigantesque plan de financement de lutte contre le VIH-SIDA, controversé par certains aspects, mais qui avait permis de mettre trois millions de personnes sous antirétroviraux. Bill Clinton, encore plus irritant, était devenu l'ami de Nelson Mandela et du président nigérian Olusegun Obasanjo (ils ont le même architecte pour leur bibliothèque). Il avait aussi mis en place l'AGOA (" African Growth and Opportunity Act "), un système ouvrant sans contrepartie le marché américain à une liste de marchandises en provenance de pays africains. Barack Obama a eu toutes les peines du monde récemment à faire renouveler ce programme : tout un symbole.

" Trop peu, trop tard "

Comme par défaut, la politique américaine engagée par son administration s'est fixée avec le temps deux priorités : les investissements et la sécurité. D'un côté, tentative éperdue de rattraper l'avance chinoise en Afrique. De l'autre, extension d'une guerre secrète ou discrète, menée à coups de drones, de conseillers militaires et d'opérations clandestines. Pour sceller ce drôle de pacte, un sommet géant USA-Afrique allait rassembler près de cinquante chefs d'Etat à Washington en août 2014 : il y avait trop de monde, et pas assez de temps pour des entretiens bilatéraux. Cela faisait une belle photo, mais ne créait pas de relations personnelles.

Lors de son discours devant l'Union africaine, le président américain se verra peut-être offrir sa dernière chance de convaincre un continent que les Etats-Unis le regardent en égal, et pas seulement comme un marché pour les iPad.

Le " partenariat " annoncé au Ghana est revenu dans les éléments de langage, mais ce n'est plus le germe d'un monde nouveau. Plutôt un business plan. En 2013, lors de son voyage dans trois pays d'Afrique, Barack Obama l'expliquait au campus de Soweto de l'université de Johannesburg, devant une assemblée de jeunes : " Si vous vous développez, c'est bon pour nous. Cela veut dire que vous nous achèterez des iPad. " Dans cet esprit, des initiatives ont été lancées ou poursuivies en 2013 : un grand sommet des affaires de la région, un plan pour l'agriculture, ou encore, Power Africa, dont l'ambition est d'associer le secteur privé pour contribuer à l'électrification du continent. Soixante millions de foyers devraient en bénéficier. Mais le projet peine à obtenir des résultats visibles, et son financement est laborieux.

L'Ethiopie, où se rend Barack Obama après sa visite au Kenya pour son dernier voyage de président américain en Afrique, est un pays à la croissance impressionnante (plus de 10 % sur une décennie), mais c'est aussi un point d'ancrage du dispositif antiterroriste des Etats-Unis. Est-ce donc cela, le renouveau du lien avec l'Afrique, confinée dans sa fonction de bac à sable pour des opérations " noires " dans la longue guerre des Etats-Unis, ou comme débouché pour ses produits ?

A Addis Abeba, Barack Obama doit donner des éléments de réponse à cette question, dans un discours qu'il prononcera devant l'Union africaine. La tour qui abrite l'organisation panafricaine a été construite, et offerte, par la Chine. Le président américain s'y verra peut-être offrir sa dernière chance de convaincre un continent que les Etats-Unis le regardent en égal, et pas seulement comme un marché pour les iPad.

" C'est trop peu, trop tard ", estime déjà Thomas Kwasi Tieku, de l'université de Western Ontario, auteur d'un livre sur Obama et l'Afrique ( US-Africa relationships in the age of Obama, Cornell University, non traduit, 2012), à propos de cet ultime voyage africain, en regrettant que le président Obama n'ait " rien fait de plus, fondamentalement, que Bill Clinton et George Bush ", avant de conclure : " Peut-être sa performance reflète-t-elle le fait que les présidents américains, comme individus, sont moins puissants que nous avons tendance à le croire. "



Source : www.lemonde.fr


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michel
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