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Bénin - Florent Couao-Zotti : "La vitalité d'une démocratie qui s'affirme"

  Politique, #

Le Bénin vient de vivre, pour la quatrième fois, une alternance démocratique au sommet de l'État à l'issue de l'élection présidentielle du 20 mars, marquant la fin du mandat constitutionnel du président de Yayi Boni. Pourtant, ce qui est acté comme un processus normal présentait des signes inquiétants d'un scrutin à haut risque. Nombre d'électeurs, à une semaine du premier tour, ne disposaient pas de cartes et l'institution chargée de veiller à la régularité du scrutin ; la Cena (Commission électorale nationale autonome) avouait son incapacité à couvrir l'ensemble du territoire. Même après qu'on lui eut accordé une semaine supplémentaire, elle n'a pu réussir à tirer d'affaires près d'un million de votants invités, dès lors, à utiliser, dans certains départements, les anciennes cartes d'électeurs et pour les jeunes ayant atteint la majorité, les pièces d'identité pour accomplir leurs devoirs civiques.

Choisir avec 40 % de candidats en plus

Le challenge, pour les Béninois, était de choisir sur les 33 candidats, celui qui devra présider à leurs destinées les 5 prochaines années. Trente-trois candidats, une augmentation de plus de 40 % si l'on se fie aux deux dernières élections. On ironise, qu'ayant " abaissé " la fonction présidentielle, le chef de l'État sortant a inspiré à tous l'envie de redonner à ce poste tout le lustre dont il devrait être couvert. Et n'eussent été les dizaines de candidats recalés, de désistements observés aux derniers moments, ça aurait été la foule du marché Dantokpa. Mais, dans cette pléthore de candidatures, il n'y en avait que cinq qui se détachaient. Celles, par exemple, de Lionel Derlin-Zinsou, Premier ministre de Boni Yayi et imposé par le chef de l'État à son parti ; de Sébastien Germain Ajavon, chef du patronat, roi de la volaille ; de Patrice Talon, le magnat du coton, ancien mentor du président Yayi, tombé en disgrâce et devenu son pire ennemi ; enfin, des deux technocrates, banquiers de formation, anciens ministres, Abdoulaye Bio Tchané et Pascal-Iréné Koukpaki.

© Unicef

Zinsou considéré comme le bras glamour de la France-Afrique

En soutenant Lionel Derlin-Zinsou avec la machine de son parti, les Forces cauris pour un Bénin émergeant, Boni Yayi voulait inscrire la candidature de son protégé dans la continuité de son action à la tête du pays. Mais il ignorait que cette initiative allait s'avérer catastrophique. Les Béninois, déjà outrés par sa gouvernance chaotique, ont trouvé indécent qu'un troisième mandat déguisé leur soit ainsi proposé. En outre, Lionel Zinsou, plus familier aux mondanités parisiennes qu'aux causeries des maquis cotonois était considéré comme le " bras glamour " de la France-Afrique, qu'il servirait, s'il venait au pouvoir, avec servilité. Un argument repris par ses adversaires politiques tout au long d'une campagne âpre où tout et son contraire aurait été entendu. Avec le ralliement des deux grands partis, le Parti du renouveau démocratique (qui contrôle Porto-Novo, la capitale du pays) et la Renaissance du Bénin (qui dirige Cotonou, la plus grande ville), le camp du pouvoir rêvait de l'emporter au premier tour. Mais le désir de changement des populations était tel que cet espoir ne pouvait guère prospérer. Celles-ci n'ont pas oublié les divers scandales financiers qui ont éclaboussé les deux mandats de Yayi Boni ; ni le favoritisme ethnique dans lequel s'est illustré le pouvoir à travers les concours frauduleux d'accès à la fonction publique. D'ailleurs, la seule présence d'un ancien ministre de Yayi dans le staff de Zinsou, soupçonné d'avoir détourné quatre milliards de fonds danois, en a rajouté au rejet de l'alliance dite " républicaine ".

Une campagne festive et colorée

Le Bénin, pendant quinze jours, a vécu au rythme d'une campagne festive, colorée avec des caravanes en musique le long des routes, des meetings sur des stades archicombles, des places publiques prises d'assaut par des militants enthousiastes. Les médias, omniprésents, relayaient paroles et initiatives des candidats, même si, sur les réseaux sociaux, on notait la désinformation, les montages grossiers, l'intoxication pour décrédibiliser l'adversaire. Mais ce qui a nettement fonctionné sur le terrain, c'était la distribution de l'argent, les largesses faites par les candidats principaux. Le camp présidentiel et les hommes d'affaires auraient arrosé abondamment l'électorat.

© AFP/PIUS UTOMI EKPEI

Le soir de 6 mars, à l'issue de la première manche, deux noms se détachaient. Le Premier ministre, Lionel Zinsou arrivait avec 28,44 % tandis que Patrice Talon, suivait avec 24, 80%. Sébastien Ajavon (23,03%) Abdoulaye Bio Tchané (8,79%) et Pascal-Iréné Koukpaki (5,85%) qui venaient après totalisaient près de 38 % pour peser dans la balance et devenir les faiseurs de rois. Ils ne seront pas seuls à soutenir Patrice Talon. Ayant formé la coalition de la " rupture " avec tous les autres candidats malheureux, ils vont offrir au magnat du coton toutes les faveurs du deuxième tour.

 

Un face-à-face décisif entre Zinsou et Talon

Mais les Béninois en voulaient davantage. Ils ont estimé important, pour enraciner davantage la démocratie, faire parler les deux élus de la deuxième manche, sur leurs programmes respectifs et leur vision du Bénin dans les cinq ans à venir. Le face-à-face radiotélévisé, organisé par la télévision nationale et relayé par l'ensemble des médias, révélera deux styles, deux manières d'être des deux hommes. Dans cette émission qui a tenu en haleine les foyers pendant deux heures, Patrice Talon s'est montré pugnace en s'attaquant au statut de néophyte politique de son adversaire qui, lui, a opposé ses connaissances des dossiers de l'État. Mais il semble que cet exercice n'a favorisé ni l'un ni l'autre, les électeurs étant déjà fort enracinés dans leurs convictions.

Trois jours après, le deuxième tour se tenait. Le soir, au vu des résultats compilés ici et là, se dessinait déjà la victoire de Patrice Talon. Sur les douze départements du pays, l'homme d'affaires arrivait en tête sur neuf, tandis que Lionel Zinsou ne faisait bonne figure que dans trois. D'ailleurs, vu l'ampleur de son retard, celui-ci s'est dépêché d'appeler son adversaire pour reconnaître sa défaite et lui présenter ses félicitations. Une élégance saluée par tous et qui démontre la stature d'homme d'État de l'ancien patron de PAI Partners. C'est aussi la vitalité d'une démocratie qui s'affirme encore plus, avec ses travers, certes, mais une démocratie qui met en avant un peuple humble et exigeant qui sait dicter ses préférences aux hommes politiques.

Patrice Talon l'emporte finalement avec 65,39 % contre 34,61 % pour son adversaire, Lionel Zinsou. Le quatrième président de l'ère démocratique, celui qui, il y a seulement quatre ans, fuyait le pays dans la malle arrière d'une voiture, prêtera serment le 6 avril prochain. Son ennemi qui a juré sa perte lui passera, ironie du sort, les charges.



Source : Le Point Afrique


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