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Bineta Diop : Nous voulons des solutions pour les femmes africaines

  Société, #

Activiste de la première heure pour les droits des femmes, la Sénégalaise Bineta Diop était présente à Addis Abeba à l'occasion du sommet annuel des chefs d'État africains qui s'est tenu cette semaine.

Le Point Afrique : Il y a un an, la présidente de la commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, vous nommait envoyée spéciale pour les femmes, la paix et la sécurité. Quel bilan pouvez-vous déjà dresser de votre travail ?

Bineta Diop : Lorsque Mme Zuma m'a mandatée, c'était pour que j'aille à la rencontre de ces femmes qui subissent l'impact des conflits violents, que je recueille leurs témoignages, leurs revendications, et que je devienne leur porte-parole. Nous voyons depuis plusieurs années que les conflits africains utilisent le corps de la femme comme champ de bataille. Donc, le premier travail que j'ai eu à accomplir était de lister les urgences et établir, après chaque déplacement, un état des lieux des violences faites aux femmes, et des mécanismes déjà existants permettant de répondre à nos besoins. Cette cartographie nous a permis, en un an, de définir des actions et nous donner des directions à suivre.

Quelles étaient les urgences ?

Lorsque j'ai pris mes fonctions, en janvier 2014, le conflit au Soudan du Sud venait d'éclater. Avec mon équipe, nous nous sommes rendus sur place pour enquêter, et nous avons sorti un rapport, qui fera l'objet d'une discussion à l'Union africaine.Ensuite, il y a eu le Nigeria, où la secte islamiste Boko Haram a enlevé plus de 200 fillettes en avril dernier. La mobilisation mondiale autour de cet événement a été formidable... puis est totalement retombée. Pourtant, les filles sont toujours portées disparues ! Je me suis rendue dans le nord du Nigeria, j'ai parlé aux rescapées, aux mères des victimes, afin de recueillir leurs revendications. À nouveau j'ai fait un rapport.Enfin, il y a eu la Somalie...

...où des membres de la force de l'Union africaine ont été accusés de violences sexuelles envers des femmes somaliennes...

Oui. Je suis allée là-bas, et mon message a été très clair : tolérance zéro. Il faut commencer par combattre l'impunité dans nos propres rangs, et mettre en place le plus vite possible un système qui permette de rendre justice aux victimes, suite à ce genre d'événement. Dans le même temps, je tiens à rappeler que parmi nos forces présentes en Somalie, il y a aussi des femmes, qui font un très bon travail, et qu'il faut saluer.

Cette année est celle de "L'émancipation économique des femmes". N'avez-vous pas peur que tous les conflits africains n'éclipsent ce thème, comme cela a été le cas l'année dernière avec "L'année de l'agriculture" ?

Les crises prédominent dans les débats, et il faut faire avec. L'agenda 2063 (des objectifs à atteindre avant le centenaire de l'Union africaine, NDLR) a pour objectif de faire taire les armes avant 2020. Il faut s'y employer. Et je suis convaincue que les femmes ont leur rôle à jouer dans l'achèvement de cet objectif. Tout est lié, et la question de l'agriculture reste elle aussi centrale. Les femmes représentent 70 % de la main-d'œuvre agricole du continent. Nous sommes convaincus qu'en aidant ces femmes à accéder à la terre, à se réunir en coopératives, les pays gagneront en stabilité.

Concrètement, après cette année d'observation, quelles solutions proposez-vous pour améliorer la condition de la femme en Afrique ?

Pour commencer, nous mettons en place des indicateurs qui nous permettent de connaître vraiment la situation des femmes sur le continent. Nous pourrons ensuite mieux répondre aux exigences. Nous voulons des solutions.

Quels modes d'action envisagez-vous ?

J'aimerais qu'on mette l'accent sur la prévention. Et ce, de plusieurs manières. Prenez toutes les élections à venir sur le continent cette année (18 au total, NDLR). Elles seront un test grandeur nature. Nous voudrions faire que les femmes voient l'avenir de leur pays comme une priorité. Et cela passera par des actions de sensibilisation. Cette année, nous ciblerons évidemment les pays à risques.

À part la politique et les élections, dans quels autres champs comptez-vous agir ?

Dans le domaine économique, il y a aussi de bons exemples à suivre. Par exemple l'Éthiopie, où des banques pour les femmes ont été créées. Au Kenya, des systèmes de quotas permettent aux femmes de se positionner sur des marchés publics d'envergure. La semaine dernière, avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, nous avons décidé de monter un fonds spécial qui faciliterait grandement l'accès au crédit pour les femmes. Et pas seulement au microcrédit, afin qu'elles participent pleinement au développement du continent. Évidemment, ce fonds pourra aider pour renforcer les capacités des femmes dans les zones de conflits et dans la reconstruction. Il doit être très vite mis en place.

De combien devrait-il être doté ?

Je souhaite que cela se chiffre en milliards de dollars...

Pourra-t-il être acté à l'issue du sommet ?

Dès le 31 janvier, pendant que les chefs d'États de l'Union africaine se réuniront, une équipe sera déjà en train d'y travailler. Cela ne veut pas dire qu'il y aura une annonce nécessairement à l'issue du sommet...

Il y a souvent un écart entre les déclarations d'intentions des chefs d'État, et l'application concrète des décisions prises...

Oui, et c'est un vrai problème. C'est pourquoi le Gimac ("Gender is my agenda campaign", un regroupement d'organisations non gouvernementales pour le droit des femmes, NDLR), qui se réunissait la semaine dernière, a décidé la mise en place d'un index. Le but n'est pas de pointer qui que ce soit du doigt. Mais plutôt d'établir un suivi, par domaine et par pays, des avancées de la condition de la femme.


afrique.lepoint.fr


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