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" Body Talk ", l'art des féminismes en Afrique

  Culture & Loisirs, #

Installation de l'artiste ivoirienne Valérie Oka au centre d'art Wiels, à Bruxelles. 

" Tu crois vraiment que parce que je suis noire je baise mieux ? " Valérie Oka apostrophe ainsi les visiteurs de l'exposition " Body Talk ", regroupant six artistes africaines autour de la question du féminisme au centre d'art Wiels à Bruxelles. L'artiste ivoirienne n'est pas mécontente de son effet. " Ça vous semble choquant ? Pas plus tard qu'il y a une semaine, un jeune mec me disait : " Ah, qu'est-ce que j'aimerais me taper une Black ! ", rapporte-t-elle. Avant d'asséner : " C 'est hallucinant d'entendre encore des choses comme ça. Les stéréotypes coloniaux sur la femme noire comme sex-toy sont ancrés dans l'imaginaire ".

Fantasmé et convoité, souillé et malmené, le corps féminin reste un enjeu politique, par-delà les remugles du colonialisme. " J'ai toujours rêvé, par naïveté ou optimisme, de ne pas devoir faire des expositions spécifiques d'artistes femmes, confie la Sénégalaise Koyo Kouoh, commissaire de l'accrochage. Malheureusement, le statut de la femme en Afrique et en Occident n'est pas encore réglé. "

D'après les statistiques de l'ONU, le viol et la violence conjugale représenteraient un risque plus élevé pour une femme âgée de 15 à 44 ans, que le cancer, les accidents de la route et le paludisme réunis. La femme est une cible et une proie ; pire, une prise de guerre. Toujours selon les Nations unies, 250 000 à 500 000 femmes auraient été violées lors du génocide au Rwanda. Ce sort funeste se profile aujourd'hui pour les captives de la secte islamiste Boko Haram au Nigeria.

Des nuances du " féminisme africain "

Les artistes réunies au Wiels se savent privilégiées. " On m'autorise beaucoup de choses. Les gens se disent : " Bah, c'est une artiste". Je n'ai pas besoin de jouer la comédie ", reconnaît Valérie Oka. " Dans le monde de l'art, on vit dans un environnement protégé, abonde la Sud-Africaine Billie Zangewa. C'est plus difficile d'être une femme dans la rue, où il y a toujours une menace sourde. "

Pour autant, toutes n'abordent pas le sujet de manière frontale. " Le féminisme euro-américain n'a pas pris parce que les Africaines ont estimé qu'il ne tenait pas compte des réalités. Il était aussi interprété comme une autre forme de colonisation, explique Koyo Kouoh. Le féminisme africain est pro-mariage, pro-maternité, fondé sur des succès obtenus dans le calme, sans tambour ni trompettes. En Afrique, tout se négocie. Aller à la confrontation ne mène à rien. "

Chantre de la féminité plutôt que féministe radicale, Billie Zangewa en est convaincue. " C'est beaucoup plus efficace d'être subtile, estime-t-elle. Mon propos n'est pas de critiquer l'homme, mais de livrer une vision positive de la femme. " Dans ses assemblages raffinés de soieries, de nature souvent autobiographique, elle représente une Africaine élancée, cultivée, urbaine, écolo, bien dans sa peau.

Installation au centre d'art Wiels, à Bruxelles, où se tient l'exposition "Body Talk". Crédits : Billie Zangewa,"Body Talk" 

Toutes aussi triomphantes sont les Trois Grâces, figures d'autorité auxquelles rend hommage la Nigériane Marcia Kure : les guerrières amazones du royaume de Dahomey, Nandi, la mère du mythique roi zoulou Shaka, et Funmilayo Kuti, activiste nigériane, mère du célèbre musicien Fela. Pour leur donner chair, elle use de métaphores. Les chutes de moquette effilochées représentent la peau, traversée de cicatrices, fragile mais résistante. Les perruques afro aux couleurs pétantes soulignent, elles, la fierté d'être crépues. Les décors des boucliers rappellent enfin les scarifications dont se parent certaines Africaines.

 

Face à ces créatures combatives, le personnage de Rose, inventé par la Kenyane Miriam Syowia Kyambi, semble davantage pétri de doutes. Ne sachant trop sur quel pied danser, elle est partagée entre tradition rurale et modernité urbaine. Pour la Marocaine Zoulikha Bouabdellah, d'autres contradictions sont à l'œuvre, entre le caché et le montré, l'envers et l'endroit. Des tensions qu'illustrent ses collages, réalisés à partir de tableaux célèbres représentant des nus féminins. L'idée lui est venue en découvrant un achat du Louvre d'Abou Dhabi, des Nymphes au bain par Lagrenée. " Je ne crois pas vraiment au choc culturel, insiste la jeune femme. Bien sûr, en Afrique du Nord, on ne peut pas s'embrasser en public, ni se dénuder. Mais dans l'intimité, le corps et la jouissance sexuelle ne sont pas tabous. Peindre des nus ne fait pas partie de notre culture. Mais ça ne fait pas de nous des gens incapables de les apprécier ".

Body Talk, jusqu'au 3 mai, Wiels, 354, avenue Van Volxem, 1190 Bruxelles, www.wiels.org


lemonde.fr


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