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Burundi - Khadja Nin : "Les premières victimes, les Burundais"

  Politique, #

Le rendez-vous est donné dans un hôtel parisien. Ce jour, le soleil a décidé de pointer son nez, l'occasion pour la chanteuse burundaise Khadja Nin de nous lancer cette plaisanterie : "Je vous ai ramené le soleil avec moi." Longtemps sur le devant de la scène musicale, l'artiste burundaise a désormais fait le choix d'une vie plus paisible, et cela lui réussit. Pour certains, elle est l'interprète de "Sombolera Mayi Son", titre de l'été 1996 de TF1 - première chaîne privée française - extrait de son second album, Ya Pili. C'est que ce titre a donné un sacré coup d'accélérateur à sa carrière musicale... L'artiste compte à son actif quatre albums. Pour d'autres, Khadja Nin est une personne de convictions qui n'hésite pas à mettre sa notoriété au service des autres. Chanteuse et engagée, Khadja Nin est aussi une femme avec des préoccupations, des rêves et des espoirs pour son continent, l'Afrique.

Le Point Afrique : Parmi les sujets qui vous tiennent très à cœur, il y a l'instruction scolaire. Pouvez-vous nous expliquer en quoi l'école est l'un de vos chevaux de bataille ?

Khadja Nin : L'école vous permet de comprendre comment fonctionne le monde. Cela ne vous garantit pas une réussite assurée, mais au moins elle fournit un moyen de s'en sortir. Dans un monde où l'écrit est omniprésent, comment voulez-vous que les gens qui ne savent ni lire ni écrire puissent comprendre le monde qui les entoure ? Si l'on reste comme cela, on continuera à nous exploiter jusqu'à la fin de nos jours. Se dire que nous sommes assis sur le continent le plus riche de la planète, mais aussi le plus pauvre, et comment expliquer que des pays qui n'ont aucune ressource naturelle, comme la Belgique, que je connais bien, s'enrichissent grâce à nous ? C'est que ce système que nous n'avons pas inventé (les Africains, NDLR) arrange tout le monde. Les fonds alloués pour la construction d'écoles et d'hôpitaux qui se volatilisent, la corruption, etc., sont des fléaux présents. Mais on assiste aujourd'hui à des générations de jeunes gens qui font le choix de rentrer au pays pour essayer d'entreprendre des actions pacifistes pour améliorer la vie de tous les jours. Par exemple, je connais un groupe de jeunes actifs burundais, dont la moyenne d'âge est de 40 ans, qui se nomme "Les Citoyens". Ils viennent d'ailleurs de lancer 24 émissions de radio en kirundi afin de conscientiser la population sur la paix et le développement. Quand je vois ces personnes que j'accompagne, je me dis : "Ils ont étudié à l'étranger et sont tous rentrés." Au Burundi, nous sommes au bord de la guerre, si notre président (Pierre Nkurunziza, NDLR) n'entend pas raison et qu'il se représente ( pour un troisième mandat, NDLR), on court tout droit vers une guerre dont les premières victimes seront les Burundais. Mais ces gens instruits à l'étranger restent tout de même au Burundi parce qu'ils veulent construire leur pays et il y a beaucoup d'Africains comme eux aujourd'hui. L'Eldorado occidental, il a vécu.

Durant votre carrière, vous avez été ambassadrice pour Unicef Belgique, membre de la troupe des Enfoirés, en France. Qu'est-ce qui vous a amené à faire une vidéo de sensibilisation au sujet du virus Ebola, en janvier dernier ?

J'étais dans mon village et comme tout le monde, j'écoutais les informations. J'en ai appris davantage sur la propagation du virus. Nous n'avons pas de moyens pour combattre ce virus et d'y faire face, pas d'équipements sanitaires nécessaires, pas de médecins formés. Je me suis rappelée, en tant qu'ex-ambassadrice de l'Unicef, que la prévention était un outil extraordinaire. Et dans le cadre d'Ebola, heureusement, cela a un rôle très important. D'ailleurs aujourd'hui, alors que le virus tend à régresser, c'est le moment où la prévention a un rôle presque médical. Je ne suis pas médecin, mais je ne peux pas rester sans rien faire. J'ai décidé d'écrire cette chanson, trouver des musiciens pour la jouer, des enfants pour la chanter, un réalisateur pour filmer. Je me suis dit : "Voilà ma contribution, j'espère que cela va servir."

La vidéo est en français, mais il existe une version en anglais et en bambara ?

Tout à fait. Pour que le message soit efficace, il fallait que les gens le comprennent de suite en l'écoutant. La vidéo en français a été faite car Ebola était présent en Guinée et le virus avait été détecté au Mali. Quant au bambara, c'est une langue avec beaucoup de locuteurs en Afrique de l'Ouest. Le message a pour ainsi dire un écho auprès des personnes qui parlent des langues similaires. La version anglaise est destinée aux pays anglophones, dont la Sierra Leone et le Liberia, durement touchés par le virus. Ce qui m'a conduit à faire une vidéo en trois langues différentes, c'est qu'à la radio il n'y a pas de sous-titres et tout le monde ne sait pas lire.

Cette vidéo signe-t-elle votre come-back en tant que chanteuse ?

Absolument pas. Dans la vidéo, ce sont les enfants qui chantent, ce n'est pas moi. J'ai fait chanter les enfants, pas seulement parce que je ne voulais pas chanter, mais je considère que les enfants sont un vecteur extraordinaire lorsque l'on veut sensibiliser les gens. Quand un enfant parle de choses sérieuses, il est beaucoup plus écouté qu'un adulte. Il n'est pas question pour moi de revenir, en tout cas pas en ligne de front... Peut-être derrière, dans les backstages (rires).

La musique vous manque-t-elle parfois ?

Comment voulez-vous qu'elle me manque puisque la musique se pratique tous les jours, où l'on veut, quand on veut et avec qui l'on veut. Nous (Khadja et les habitants de son village, au Mali, NDLR), on fait des fêtes au village. C'est incroyable comme on s'y amuse tellement bien. Non, la musique ne s'arrête jamais. Même nous (les artistes, NDLR) qui la faisons, nous ne la faisons pas pour nous et on ne s'adresse pas à des professionnels de la musique. On s'adresse au public. Je ne m'éloignerai jamais complètement de la musique, c'est une certitude.

Pourquoi vous êtes-vous retirée de la scène musicale ?

Cela fait 15 ans maintenant que je me suis retirée de la scène musicale. On n'a droit qu'à une seule vie, on en connaît le début, mais pas la longueur, et on doit essayer de faire tout ce que l'on a envie de faire. La musique quand on a la chance de la faire comme moi, tout de suite professionnellement, cela demande beaucoup de travail. Vous avez des responsabilités à gérer, par exemple, les différents contrats, la maison de disques, les séances en studios, les concerts, l'écriture de textes, les musiciens, etc. C'est énormément de travail et cela ne vous laisse pas beaucoup de temps pour faire autre chose. J'avais envie de rentrer sur le continent, de revenir chez moi, pour vivre autre chose.

Comment s'organise désormais la "nouvelle" vie de Khadja Nin ?

Bah ! En fait, la vie de Khadja Nin est magnifique (rires). Je vis entre l'Europe et l'Afrique, à raison de six mois dans chaque continent. En Afrique, je vis dans un village, quelque part dans le centre du Mali. On a une association - pas au sens d'ONG - de femmes villageoises et il y a beaucoup de travail, car les femmes en Afrique travaillent beaucoup. C'est notre association de femmes dans laquelle on cotise, on gère par exemple le moulin à mil, la pompe à eau, toutes les choses du quotidien dans la vie d'une villageoise. C'est entre nous.

Pourquoi avoir choisi le Mali comme nouvelle terre d'accueil ?

C'est le Mali qui m'a choisi. J'ai beaucoup voyagé à travers l'Afrique en voiture, mais en totale autonomie. J'ai parcouru, à l'époque, presque tous les pays d'Afrique de l'Ouest qui n'étaient pas en guerre, du nord au sud, d'est en ouest, en dormant à la belle étoile. J'ai vraiment découvert les pays ainsi que leurs populations. Je suis tombée amoureuse du Mali et des Maliens, mais je ne sais pas pourquoi, c'est comme l'amour, le vrai, on ne sait pas pourquoi on tombe amoureux. Je pense que les Maliens sont aussi tombés amoureux de moi. Du coup, on s'aime (rires). C'est un pays et un peuple magnifiques.

 

Source : afrique.lepoint.fr


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ashley
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