Société, # |
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Tes textes sont particulièrement durs sur le titre 99 %. On y entend : "Dépecez les corps et donnez les os sans remords à ma chienne", à quoi doit-on une telle âpreté ? Casey - Tu ne peux pas isoler des mots comme cela hors de leur contexte. Ce morceau, c'est juste un délire, si tu ne sais pas ce que c'est que l'ego trip, qui consiste à se pavaner, à se la raconter, tu ne peux pas comprendre.
Mais il n'y pas cette violence dans Ego Trippin, des Ultra Magnetic MC's, titre emblématique de cet exercice de style, plein d'allant, jovial. Chez vous, l'espoir semble absent. On n'est pas les seuls à avoir ce type d'écriture mais les gens qui ont une tonalité un peu différente ont juste plus de mal à exister. On n'a pas le même sens de l'humour que les autres. Quant à l'espoir, peut-être que ça en concerne quelques-uns mais pas nous. Il suffit d'allumer la télévision, où quand on voit passer un Noir, on dit que c'est un immigré. Alors que je sais que j'ai mes papiers.
Tous les Français sont issus de l'immigration, pourquoi y aurait-il une tare à cela ? La France a un problème avec ses Noirs et ses Arabes. A quel moment tu deviens français ? Il faut en parler de ça. Il faut mettre un nom sur ce désir de suprématie blanche, sur cette question de plus en plus lancinante: "Est-ce qu'on donne bien la priorité aux ßlancs ?" Comme le pays va de plus en plus mal, il faudra bien taper sur quelqu'un. Sauf qu'on est nous aussi des Occidentaux. Les Français connaissent peu les Dom-Tom, ont tendance à ne pas réaliser que les Antillais sont descendants d'esclaves, que la Caraïbe a fait partie du Nouveau Monde pendant cinq siècles. La France de Radio Courtoisie, qui vénère des tyrans du Carolingien ou du Mérovingien, on sait bien que c'est fichu. Si on continue avec ces références, on ne va pas s'en sortir. On devrait s'inspirer des Etats-Unis, qui, depuis près de trente ans, ont fait des Blancs un objet d'étude, avec les "Whiteness Studies". Etudier les bouleversements psychologiques que cela peut engendrer chez l'Européen d'avoir été pendant quatre à cinq siècles à la pointe du progrès et de ne plus l'être aujourd'hui. Plus l'Occidental blanc a l'impression de perdre ses privilèges, plus il devient agressif.
Cela renvoie à ta participation à la tribune qui s'opposait à l'utilisation du terme "racisme anti-blanc" par le Mrap. Que penses-tu de l'ex-patron de Charlie Hebdo Philippe Val qui écrit dans son livre Malaise dans l'inculture que la colonisation a donné aux Arabes, aux Africains, aux Indochinois le goût de la démocratie et de la culture ? Pourquoi s'intéresser à ce genre de discours ? Si tu as envie de les intellectualiser, libre à toi, mais ce sont des propos de comptoir. Zemmour ne cessait d'en proférer avant qu'ils ne le mettent sur la touche. Sous prétexte que Val serait de gauche, tu retombes dans ton clivage les gentils/les méchants, qui n'a aucun sens pour nous. Moi, tout ce que j'entends, c'est un Européen qui a mal à sa race. Depuis quelques années, ces concepts se sont multipliés, qu'il s'agisse de la "tyrannie de la repentance" ou du discours sécuritaire que la gauche a très bien su s'approprier. Mais par ailleurs, depuis les années 60, est-ce qu'on demande réellement leur point de vue aux Noirs et aux Arabes ? Un discours critique sur le colonialisme ou le devenir des quartiers n'est accepté que lorsqu'il émane de quelqu'un d'autre. Venant de notre part, c'est tout de suite assimilé à de la hargne, à un désir de revanche. On ne veut pas écouter ce qu'on a à dire.
La Rumeur, dont tu es proche, n'ont-ils pourtant pas eu l'occasion de médiatiser leur propos ? Uniquement parce qu'ils ont eu un procès. S'indigner quand des rappeurs sont attaqués en justice, cela fait du bien à la bonne conscience de gauche. La cause des sans-papiers est à cet égard bien pratique. On aime l'Afrique du "boubou", du puits, parce qu'on peut être le phare de sa nuit. Alors que dans le même temps, des gamins comme Zyed et Bouna ont été automatiquement considérés comme des délinquants.
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