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Centrafrique : "Ce qui fait souvent défaut, c'est le respect des engagements" ... Jean Willybiro-Sako

  Politique, #

Plusieurs fois ministre de la République centrafricaine (RCA), Jean Willybiro-Sako se confie au Point Afrique sur son appréciation de la situation qui prévaut dans son pays.

Le Point Afrique : Quel est votre bilan global sur le Forum de Bangui ?

Jean Willybiro-Sako : Le Forum de Bangui a été un grand succès pour un pays et son peuple à la recherche d'un dialogue franc et inclusif après cette grande crise qui a secoué le pays tout entier. Le Forum a connu une représentation effective de toutes les entités, de toutes les régions et de toutes les communautés. Il a débouché sur des engagements et résolutions forts pour la réconciliation de tous et un nouveau départ pour la RCA.

Les résultats sont-ils à la hauteur ?

En ce qui nous concerne, les résultats étaient à la hauteur des attentes, vu que les quatre ateliers ont travaillé dans la sérénité, dans un esprit constructif de citoyen, ce qui a favorisé l'adoption de propositions concrètes, dont certaines sont totalement novatrices, notamment dans le domaine de la nouvelle gouvernance du pays, le rejet de la culture de la violence et de l'impunité, la réhabilitation des forces de défense et de sécurité nationales et la relance de l'économie.

Y a-t-il, selon vous, des points manquants ou des points en dessous de ce que vous attendiez ?

Les travaux se sont basés sur les résultats des consultations à la base, c'est-à-dire que, en profondeur, tous les représentants des différentes communautés, des différentes régions et de la capitale ont pu donner leur analyse des causes de la crise et proposer de grands axes des actions à mener. Cette consultation a été exhaustive et complétée par les contributions pertinentes des participants au Forum et ceux venant de la diaspora. Il est difficile de penser à tout en si peu de temps, mais l'essentiel a été identifié et acté.Les anciens présidents Djotodia et Bozizé ont de fait été exclus du dialogue national. Faut-il les réintégrer avec leur parti respectif ? Si oui, à quelles conditions ?N'étant pas dans le comité d'organisation du Forum, je ne peux connaître les raisons qui ont fait que ces deux anciens chefs d'État étaient absents à ce Forum. Selon ses propres déclarations antérieures, l'ancien chef de l'État Djotodia avait déjà annoncé qu'il ne serait pas au Forum de Bangui ; quant au président Bozizé, je ne sais s'il avait annoncé sa décision de venir à Bangui ou non. Par solidarité en raison de son absence ou de son empêchement, son parti, le KNK, qui était à l'ouverture des travaux, s'en est finalement retiré. Étant dans la recherche d'une réconciliation véritable, je pense que le KNK, ce grand parti, devrait poursuivre les réflexions avec le soutien du président Bozizé et avec tous les autres Centrafricains et le gouvernement dans le seul but d'aboutir à la paix et à la recherche de solutions positives à la crise actuelle.

Comment évaluez-vous les résultats de l'atelier gouvernance ?

De l'avis de tous les participants et des observateurs extérieurs, et ce n'est pas parce que j'en ai été le président, l'atelier gouvernance a fait un travail remarquable, particulièrement par le niveau très relevé des débats, la sérénité et les importantes délibérations novatrices qui ont répondu aux questions sur la gouvernance administrative, la gouvernance politique, la gouvernance économique et la gouvernance démocratique. Cet atelier a donné des réponses à la problématique des futures élections, la fin de la transition et des propositions concrètes pour trouver des solutions à ces différentes questions et pour soutenir la création d'une Haute Autorité de la bonne gouvernance à insérer dans la prochaine Constitution, lequel organe sera véritablement la sentinelle du respect, par les différents dirigeants et les différentes institutions et grands services de l'État, des principes de la bonne gouvernance. Ce qui aiderait à recréer la confiance entre les Centrafricains et leurs dirigeants.

La prolongation de la transition est envisagée. Quand pensez-vous qu'il sera possible de faire les élections ?

La charte constitutionnelle qui régit la transition a prévu en son article 102 les solutions pour parer à ce vide qui peut survenir au cas où les élections ne seraient pas organisées en juillet et août 2015. Les participants au Forum ont souhaité que ces élections se tiennent d'ici fin 2015 si les conditions étaient réunies : entre autres, la sécurisation à temps du territoire, la mobilisation des financements. Pour l'heure, l'Assemblée nationale reconnaît que d'ici août il sera impossible d'organiser les élections, et en appelait à des actions de tous pour l'aider à s'acquitter de sa mission dans les meilleurs délais. Le Forum a décidé de la convocation d'une réunion élargie regroupant tous les principaux organes et institutions afin de trouver une date réaliste pour ces futures élections.

La présidente a été un peu contestée durant le Forum. Comment évaluez-vous son travail ?

Pendant le Forum, presque tous les participants ont salué le travail que la présidente de la transition a réalisé avec le gouvernement et aussi les conseils du CNT pour aboutir à une bonne organisation de cette grande assise. Elle gère une transition difficile, ce que tout le monde reconnaît, c'est ainsi que le Forum dans une de ses recommandations a estimé qu'il ne fallait pas en rajouter à l'instabilité institutionnelle actuelle, recommandant que tous les chefs des principales institutions de la transition (présidence de la République, CNT, gouvernement) soient maintenus à leurs postes jusqu'à ce que des solutions appropriées soient arrêtées.Concernant le désarmement et la réintégration des milices, êtes-vous optimiste ? Pensez-vous que les chefs contrôlent leurs troupes ?Pendant le Forum, le gouvernement et la représentation des différents groupes armés ont signé un accord pour le DDRR, le renoncement aux hostilités, l'engagement irréversible pour la paix, ce qui, avec le pacte républicain adopté, a été les points forts de ce Forum. C'est déjà un grand pas, mais ce qui fait souvent défaut dans notre pays, c'est le respect des engagements pris et des accords signés par les principaux responsables. Tous, nous devons œuvrer pour que cette fois, enfin, ces responsables respectent leurs engagements et l'imposent à leurs troupes.

La communauté internationale soutient-elle suffisamment la RCA ? Où en est-on du financement des élections, des programmes DDRR et de la reconstruction des forces de sécurité ?

Le soutien de la communauté internationale a été longuement évoqué tout au long de ce Forum, particulièrement sur les points que vous évoquez. Les attentes sont très grandes, vu qu'une sortie rapide de crise, la mise en œuvre effective du DDRR et l'organisation de bonnes élections dans les meilleurs délais sont vivement souhaitées. Les financements actuels sont insuffisants et la mobilisation des partenaires est un peu mitigée. Si on prend le cas des élections, à ce jour, seules 25 % des ressources sont actuellement disponibles, même si les engagements annoncés sont estimés à plus de 50 %.

Quel message souhaiteriez-vous passer au gouvernement français ? Qu'attendez-vous de la France ?

Au lendemain de la prise de pouvoir par la Seleka, la France a été l'un des premiers pays de la communauté internationale, à la suite des pays de la CEEAC, à appeler à voler au secours du peuple centrafricain, ce qui a contribué à améliorer la présence d'institutions telles que l'Union africaine, les Nations unies et l'Europe. Mais ces efforts doivent être maintenus, et même renforcés dans de nombreux domaines. Le plaidoyer de la France pour la poursuite des efforts de sécurisation, de reconstruction, de formation et d'équipement des forces de défense et de sécurité nationales, la mobilisation des partenaires pour la mise en œuvre effective et urgente des DDRR, le financement des élections, la relance de l'économie, sont des réponses aux attentes manifestées par de nombreux participants au Forum à travers leurs interpellations. Beaucoup ont aussi rappelé les accords existants qu'ils souhaiteraient voir abolis pour plus d'indépendance du pays, notamment dans le domaine économique.

Il y a des rumeurs de viols sur des enfants par des soldats français ? Savez-vous si cela semble fondé ? Qu'attendez-vous de la justice et de l'armée française ?

Les autorités françaises ont annoncé que la justice est saisie de cette affaire, et la justice centrafricaine a évoqué la coopération judiciaire entre nos deux États pour solliciter que les éléments du dossier lui soient communiqués pour sa propre enquête. Nous déplorons que de tels actes soient commis par ceux qui sont censés venir réduire la souffrance du peuple centrafricain. Ces crimes, s'ils sont avérés, méritent des sanctions à la dimension de ces actes odieux sur des mineurs fragilisés par la pauvreté et la précarité du moment.

Êtes-vous optimiste sur l'avenir du pays ?

De nature, quand il s'agit de l'avenir de mon pays, je reste optimiste, car je dis qu'un pays peut traverser des moments difficiles, mais il ne mourra jamais. Mais cela ne doit pas être un optimisme béat, mais un optimisme qui exige de la part de tous ceux et toutes celles qui aiment leur pays de s'investir résolument dans toutes les entreprises positives de réconciliation, d'apaisement des cœurs, de défense de l'unité nationale, de formulation des critiques objectives sur les insuffisances des actions des dirigeants et de contribution, par son exemple personnel, au sursaut patriotique dans tous les domaines.

Comment comptez-vous vous impliquer personnellement dans la reconstruction du pays ? Serez-vous candidat à un poste particulier ?

Je l'ai déjà annoncé et je m'emploierai totalement, comme je l'ai fait tout au long de ma longue carrière au service de l'État, à servir mon pays comme un citoyen engagé, digne et fier d'être le fils de ce beau pays qui mérite de retrouver très vite sa vraie place dans le concert des nations.

En présidant, par exemple, la future Haute Autorité de la bonne gouvernance ?

La structure n'est pas encore créée, donc, on n'a pas encore parlé de la nomination de son responsable. Ça dépendra. Je n'exclus rien.



Source : afrique.lepoint.fr


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Urielle
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