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Ces hommes de Boko Haram ne sont pas des musulmans

  Politique, #

 

Entretien

Le Monde.fr *

" Assiatou ", 15 ans, a vécu durant quarante-cinq jours capturée par Boko Haram. Au cours de ces six longues semaines, la jeune nigériane a subi le parcours désormais rodé - mariage forcé, viol, endoctrinement religieux - que font subir les hommes de la secte islamiste aux femmes qu'ils raflent lors de leurs expéditions sur les villes de cette partie septentrionale du Nigeria dont ils ont fait leur fief. La ville d'Assiatou s'appelle Damasak (Etat de Borno). L'adolescente qui témoigne sous couvert d'anonymat n'est pas la première à raconter son calvaire. Mais le dialogue qu'elle a pu nouer avec la journaliste Mina Kaci, présente plusieurs semaines avec elle à Niamey où elle a trouvé refuge, permet d'entrer dans le récit intime d'une victime de Boko Haram. Il en est sorti un livre Enlevée par Boko Haram. Le Monde Afrique a pu rencontrer Assiatou de passage à Paris. Vêtue de noir, la silhouette frêle, son visage est éclairé par un sourire. Coquette aussi, elle se met du rouge à lèvres avant le début de l'entretien.

Dans quelles conditions s'est produit votre enlèvement ?

C'était en novembre 2014. Nous avons entendu des tirs. Boho Haram était entré dans la ville. Ma mère est vite venue me chercher car elle savait qu'ils s'en prennent surtout aux jeunes filles scolarisées. Mais nous n'avons pas réussi à quitter la ville. Ils nous ont rattrapés et m'ont emmenée avec une quarantaine d'autres jeunes filles dans une maison confisquée à ses propriétaires.

Comment avez-vous pu vous échapper ?

Dès le premier jour, mon idée était de fuir mais il y avait toujours des gardes. J'ai attendu qu'ils repartent au combat. Je m'étais fait trois amies. Nous nous sommes échappées ensemble. Nous avons traversé la brousse puis le lac Tchad avant d'arriver au Niger où nous avons retrouvé nos familles.

Manifestations de femmes à Abuja le 14 janvier 2016 pour réclamer le retour des jeunes filles enlevées par Boko Haram en avril 2014. Crédits : AFP

C'est la première fois qu'une adolescente enlevée par Boko Haram raconte son histoire dans un livre. Pourquoi avez-vous décidé de témoigner ?

D'abord, pour me décharger de cette souffrance. Je dois en parler au monde entier pour attirer l'attention sur l'existence de Boko Haram. Ces hommes ne sont pas des musulmans. Je voudrais dénoncer leurs pratiques inhumaines. D'autres filles sont également enlevées. Avec ce livre, j'espère aussi financer mes études et aider ma famille qui a tout perdu en s'enfuyant à Niamey. Aujourd'hui, on vit dans une maison sans eau ni électricité.

Quelle perception avez-vous des hommes qui vous ont enlevée et mariée de force ?

Ce sont des musulmans si on considère qu'ils font leurs cinq prièrespar jour. Mais par leur comportement, ce ne sont pas des musulmans. Ce sont des criminels. Un bon musulman ne vole pas, ne pille pas et ne viole pas. Je n'avais jamais voulu de ce mariage. C'est pour ça que je ne peux pas l'appeler mon mari. En plus, ils se droguent. Je n'ai jamais vu " le criminel " en consommer mais je le voyais dans son regard. Il avait les yeux rouges.

Qu'est-ce qui vous a aidée à tenir pendant ces quarante-cinq jours de captivité ?

Ça a surtout été ma foi en Dieu. Je n'ai jamais cessé de prier pendant ces quarante-cinq jours et je n'ai jamais perdu espoir. Depuis le jour de mon enlèvement, je n'ai pensé qu'à fuir et c'est avec l' aide de Dieu que j'y suis arrivée.

Vous dites de votre livre que " si les femmes s'y mettent, elles aussi, c'est le signe que Boko Haram a gagné ". Parlez-nous de l'enrôlement des femmes dans l' armée de Boko Haram...

Certains hommes du groupe avaient déjà des femmes. " Le criminel " chez qui j'étais en avait une avec plusieurs enfants. C'est elle qui m'a ordonné de mettre le niqab alors que je ne portais que le voile. C'est aussi elle qui m'a montré des vidéos et des images horribles où on voyait des gens se faire tuer. Une fois, elle m'a tendu une arme sans munition mais je n'ai pas voulu la prendre. Elle a voulu m'apprendre à la manier. Elle voulait me convaincre de faire comme les autres. C'est comme ça qu'on devient des kamikazes. Dieu merci, j'ai eu la chance d'y échapper.

Même libre, vous sentez-vous encore en danger aujourd'hui ?

Je remercie le bon Dieu. Aujourd'hui, je vis à Niamey où il y a la paix. Mais je continue d'avoir peur d'être de nouveau capturée. Je préfère témoigner anonymement parce que je ne me sens pas encore en sécurité. Même ici en France.

Comment vous reconstruisez-vous ? Avez-vous pu être scolarisée de nouveau ?

Je suis en classe de CM2 cette année. Je me suis fait des amis qui viennent me voir à la maison et on joue ensemble. Mais au Nigeria, je n'avais pas appris le français. Là-bas, je parlais le kanuri, ma langue natale et le haoussa à l'école. Je dois commencer par apprendre la langue parce que le Niger est un pays francophone. Je voudrais réussir à l'école pour devenir médecin plus tard.

Avez-vous le projet de retourner au Nigeria un jour ?

Je pense souvent à Damasak, ma ville natale et je souhaiterais y retourner quand il y aura de nouveau la paix. Mais je ne pense pas que le calme revienne de sitôt.

Enlevée par Boko Haram, écrit par Assiatou et Mina Kaci, éd. Michel Lafon, 205 p., 17,95 euros.



Source : Le Monde.fr


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