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Cheveu afro : le naturel reprend ses droits

  Mode & Beauté, #

" Le jour où je me suis coupé les cheveux à ras, j'étais sous le choc. Je me sentais comme enlaidie, privée d'un ornement de séduction. J'ai mis une semaine à accepter ma nouvelle tête ", avoue Rokhaya Diallo, douze ans après sa big chop (" grande coupe "). Chroniqueuse télé, essayiste (1) et militante antiraciste qui lutte contre toutes les formes de discrimination, elle n'avait pourtant aucun calcul politique en tête lorsqu'elle a dit adieu à sa chevelure défrisée. " J'étais fatiguée de me défriser les cheveux. Je ne voulais plus me faire souffrir avec tous ces produits chimiques. Passer aux cheveux naturels a changé ma vie, et cela colle davantage à ma personnalité. Finalement, c'est le retour positif des autres qui m'a confortée dans mon choix. " Libérée de la dictature du défrisage, Kokhaya Diallo a pris conscience du nouveau pouvoir, notamment médiatique, que lui conférait sa nouvelle coiffure. Elle en a d'ailleurs fait le sujet d'une bande-dessinée, dans laquelle l'héroïne - " un peu extrémiste du "nappy" " selon son auteure - tente de convaincre son entourage du bienfait de sa démarche.

Pour son amie de longue date Virginie Sassoon, auteure de l'essai Femmes noires sur papier glacé (2), Rokhaya envoie un message positif aux femmes noires ou métisses. " En France, il y a encore peu de modèles visibles pour incarner ce type de beauté. Lorsqu'elle passe à la télé, Rokhaya prouve aux filles qu'on peut être belle avec une peau foncée et des cheveux courts. "

Une affirmation identitaire... et éco-citoyenne

Symbole politique des années 1960 associé au mouvement américain des Black Panthers, puis signe visible des revendications afro-féministes, le cheveu crépu est, depuis, passé sous l'étendard des mouvements écologistes qui prônent le retour au naturel. " Le "nappy", contraction de "natural" et de "happy", inclut la notion de bien-être. C'est une démarche presque écolo-citoyenne avec, en toile de fond, une affirmation identitaire ", analyse Virginie Sassoon.

 

Pour la chanteuse malienne Inna Modja, qui porte ses cheveux au naturel depuis l'enfance, la question ne s'est jamais posée. " Dans ma famille, la majorité des femmes ne se défrisent pas les cheveux. Moi-même, je n'ai fait que deux défrisages dans ma vie. Je suis habituée à mes cheveux crépus et je sais m'en occuper. Je ne me suis jamais pris la tête avec ça. " Arrivée en France à l'âge de 19 ans, à une époque où l'afro était rare, elle a suscité une certaine curiosité avec sa boule de cheveux. " En France, beaucoup de gens, des Occidentaux mais aussi des Africains, voulaient toucher mes cheveux. À partir de là, je me suis rendu compte que ça ne passait pas inaperçu. " Souvent admirée, parfois mal perçue, la coiffure afro donne surtout, selon Inna Modja, l'opportunité de créer un lien et d'échanger avec les autres. Pour celle qui est égérie de la marque ethnique Mizani (groupe L'Oréal) depuis 2011, sa coiffure est devenue un outil de différenciation dans le monde de la mode, de la beauté et du spectacle.

La reconnaissance d'une beauté longtemps dénigrée

Élue " plus belle femme du monde " par le magazine américain People en 2014, l'actrice mexico-kenyane Lupita Nyong'o incarne une vision contemporaine de la beauté noire. Portée au firmament depuis son oscar de meilleure actrice pour un second rôle pour son interprétation dans le film 12 Years of Slave, l'actrice a pourtant longtemps souffert de sa couleur de peau, jugée trop foncée, même au Kenya. Avec leur carnation et leurs coiffures, les jolies filles comme Inna Modja, Lupita Nyong'o et le mannequin Alek Wek contribuent à la reconnaissance d'une beauté longtemps ignorée et méprisée. Nul besoin de remonter loin dans le temps pour retrouver les relents racistes de l'histoire coloniale. " En 2011, une publicité de Nivea montrait un homme noir d'allure sportive, le cheveu très court, tenant dans sa main une tête d'homme portant l'afro et la barbe, avec le slogan "Recivilisez-vous", rappelle Virginie Sassoon, spécialiste de la diversité dans les médias. La publicité a aussitôt été censurée. "

Tout aussi méprisant, le commentaire " journalistique " de Voici sur la coiffure afro d' Omar Sy, commentaire qui a fait chauffer les réseaux sociaux. " Cette parution se moque d'une caractéristique ethnique et de la coiffure, finalement quelconque, de nombreux hommes noirs comme Nelson Mandela ", rappelle Rokhaya Diallo. Encore sous-représentée dans l'espace public et médiatique, la beauté des femmes et des hommes noirs devient un enjeu : celui d'exister dans la société tels qu'ils sont.

"La coiffure de Beyoncé fait des ravages"

Prisé dans les milieux intellectuels et artistiques, le " nappy " n'est pas systématiquement au goût de la majorité des femmes, tous âges et milieux confondus. Enfermées dans des schémas de beauté, ces femmes noires ou métisses n'osent pas libérer leurs cheveux des tressages, des défrisages et des tissages. Par habitude et par méconnaissance de leur nature capillaire, elles s'imposent des traitements qui, à la longue, provoquent de vrais dégâts. Pro " nappy " depuis l'adolescence, Brigitte Louya ne décolère pas. " Les femmes sont convaincues qu'elles seront moins séduisantes avec leurs cheveux naturels. Elles se dévalorisent, s'automutilent au nom d'une soi-disant beauté. Elles ne se donnent aucune chance. " Pour cette infirmière d'entreprise de 45 ans qui travaille dans le secteur du BTP, porter l'afro n'a jamais posé de problème ni dans le travail, ni avec la gente masculine. " Les hommes me complimentent souvent pour ma coiffure. De toute façon, la majorité des Européens blancs n'aiment pas les coiffures artificielles. Pour eux, nos cheveux restent un mystère. "

Et quand Brigitte Louya entend que Beyoncé est une incarnation de la beauté noire, elle voit rouge. " Dans les quartiers populaires, la longue chevelure blonde et ondulée de Beyoncé fait des ravages. Toutes les jeunes filles veulent lui ressembler et les parents doivent débourser plusieurs centaines d'euros pour une coiffure comme ça. C'est un budget énorme pour ces familles. " Pour les parents comme pour les conjoints, les frais de coiffeur de ces dames posent un vrai problème. " J'ai déjà entendu des hommes noirs dire qu'ils préféraient les femmes blanches pour faire des économies sur la coiffure ", s'amuse Brigitte Louya.

Qu'elles portent leurs cheveux coiffés naturellement ou non, toutes les femmes ayant des cheveux frisés ou crépus rencontrent, en tout cas, un problème de taille : trouver la perle rare pour les coiffer. Les numéros des bonnes coiffeuses qui officient en salon ou à domicile ne se donnent pas facilement. À Paris, quelques rares adresses ont pignon sur rue, la majorité des coiffeurs se trouvant dans les quartiers africains de Château d'eau et de Château rouge. Mais la donne devrait bientôt changer avec l'ouverture, à l'automne prochain, de la première école de coiffure spécialisée dans les cheveux frisés, bouclés et crépus. Installé rue du Louvre, au cœur de la capitale, ce centre de formation permettra à la coiffure africaine de sortir de son ghetto culturel et de se démocratiser. Cette fois, c'est sûr, la révolution " nappy " peut commencer !

(1) Moi raciste ? Jamais !, de Rokhaya Diallo, Éd. Flammarion, 220 p., 14,90 €.
(2) Pari(s) d'amies, texte de Rokhaya Diallo et illustrations de Kim Consigny, Éd. Delcourt G. Productions, 144 p., 17, 95 €.
(3) Femmes noires sur papier glacé, de Virginie Sassoon, Éd. I.N.A., coll. Médias Essais, 193 p., 20 €.

 

Source : madame.lefigaro.fr


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