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Comment dompter les jungles urbaines africaines ?

  Société, #

Kinshasa, la capitale de la République populaire du Congo (RDC), compte sur cinq robots en aluminium pour tenter de contrôler la circulation. Conçus et réalisés par Thérèse Izay et son équipe de femmes ingénieures locales, ils ont été placés aux intersections clés de cette ville de 9 millions d'habitants.

En plus de feux de signalisation, ils sont dotés de caméras pour attraper ceux qui commettent des infractions. Soucieux de montrer leurs énormes capacités dans ce domaine, les Africains font volontiers le pari des nouvelles technologies, qui plus est quand il s'agit de moderniser leurs villes.

Un des projets les plus ambitieux dans ce domaine, la Konza Techno City, devrait voir le jour en 2030. Initiative du gouvernement kényan gérée par la Konza Technopolis Development Authority, elle mise sur la place privilégiée que Nairobi a gagnée sur l'échiquier technologique africain, en s'imposant comme l'un des pôles les plus dynamiques du continent.

Les grosses entreprises américaines y sont présentes. Un groupe de chercheurs vient de lancer sur Google Maps la première carte d'un réseau informel de transport urbain. Elle permet aux habitants de Nairobi de calculer leur temps de parcours quand ils utilisent les matatus, ces minibus privés qui sillonnent la ville de façon anarchique. IBM, quant à lui, a mis Watson, sa technologie d'analyse la plus avancée, au service de l'Afrique dans un programme baptisé Lucy, du nom de notre ancêtre à tous, exhumée... sur le continent.

L' Europe n'est pas en reste, avec la fondation suédoise Mistra, dont le programme de développement durable Urban Futures contribue à améliorer les conditions de vie dans les villes. Zarina Patel, responsable du projet pour Le Cap, en Afrique du Sud, m'a expliqué que son premier travail consiste à " réduire la distance entre les politiques décidées en haut lieu et ce qui se fait dans la pratique ". Le genre de travail qui s'inscrit dans la durée.

Même les Chinois sont sur le coup. Cela va de la construction d'ensembles d'habitations comme le Great Wall Apartments, qui se trouve au bout de la Beijing Road, en périphérie de Nairobi, à la tentative de reproduire des mini-Shenzhen, des zones économiques spéciales copiées sur le modèle qui a si bien réussi à la Chine. Le site du think tank GoWestProject.com en compile une impressionnante série de photos.

Efforts et tentatives ne manquent donc pas pour améliorer la condition urbaine des Africains, qui se demandent, malgré tout, en quoi les smart cities peuvent les aider, ou même si elles les concernent.

Les villes intelligentes sont " des villes qui dépassent l'aspect "boulimique de techno", estime Karim Sy, fondateur de Jokkolabs, réseau basé au Sénégal et consacré à l'innovation sociale. Elles se préparent à gérer le monde de demain : transition énergétique, écologie, etc. Elles s'inquiètent du BNB (bonheur national brut) de leurs habitants en se posant la question du bien-vivre ensemble ". Pour lui, trop de projets privilégient l'effet d'annonce et se situent " plus dans une logique industrielle de "numérisation des villes" que d'intelligence pure ".

Quand je demande à David Simon, universitaire sud-africain qui participe au programme Urban Futures de la fondation Mistra, ce que pourraient être des villes intelligemment africaines, il répond : " Ça devrait être ce que les gens demandent, parce que celles qui sont conçues par les entreprises technologiques sont vides et enlèvent le pouvoir aux habitants plutôt que de le leur donner. Ça peut, peut-être, marcher dans la ville nouvelle de Masdar [Abou Dhabi] construite pour les élites arabes, mais pas pour les 7 milliards d'habitants de la planète. "

Le drame de l'Afrique, en matière de villes, c'est qu'elle doit faire face à ses difficultés spécifiques. La population du continent devrait doubler et dépasser les 2 milliards d'habitants en 2050. Et le taux annuel de croissance urbaine (3,6 %) est le double de la moyenne mondiale. C'est d'autant plus grave qu'aujourd'hui, 62 % de la population de l'Afrique subsaharienne vit dans des bidonvilles. La question de l'organisation urbaine se double d'un problème de revenus et de sécurité alimentaire.

Windhoek ( Namibie), une des plus petites capitales du continent, encourage les actions coopératives et solidaires et favorise l'agriculture urbaine. David Simon considère cette dernière comme " vitale pour les pauvres, afin de s'alimenter comme de commercialiser les produits ". Mais dans beaucoup de pays, poursuit-il, " on détruit les potagers et on arrête les gens qui vendent des tomates ou des bananes sur le trottoir ". Cela tient à la fois à l'héritage colonial et à " la défense des intérêts des puissances établies, commerçants, centres commerciaux ou importateurs ".

Pour résoudre de tels problèmes, il faut, selon lui, que " ceux qui occupent des positions de pouvoir, fonctionnaires ou élus, se donnent les moyens de mieux comprendre les besoins et les aspirations de la majorité des habitants des villes et comment les mécanismes de planification et de gouvernement doivent changer ". C'est toute la question de la gouvernance qu'il pose, mais pas au niveau des pays.

Pour s'en convaincre, direction Lagos. Avec ses 21 millions d'habitants, la capitale économique du Nigeria est la septième agglomération la plus peuplée du monde, et la plus grande d'Afrique, au coude-à-coude avec Le Caire. Et pourtant, si l'on en croit un article publié dans le New York Times par le professeur Seth Kaplan de l'université Johns Hopkins, la ville a " constamment amélioré sa gouvernance pendant plus d'une décennie. [Elle] a amélioré les transports publics, nettoyé les rues, mis le climat d'affaires à niveau et amélioré la vie de ses habitants ".

La raison en serait simple : les maires sont plus proches de leurs citoyens que les présidents. Ils font plus attention à eux et, dans le cas du Nigeria, ils sont moins obsédés par les bénéfices personnels qu'ils peuvent tirer des énormes quantités d'argent issues de la vente du pétrole. Dans l'espace urbain, où clans, tribus et groupes ethniques sont mélangés, il leur est plus difficile de faire appel au clientélisme, aux loyautés et aux affiliations religieuses traditionnelles. Améliorer les services aux citoyens donne de bonnes chances d'être réélu.

Alors la question n'est peut-être pas de savoir si les villes sont intelligentes ou si elles peuvent le devenir, mais bien de constater qu'un grand nombre de problèmes de l'Afrique peuvent être abordés dans de meilleures conditions quand on les traite au niveau des villes. Selon Kaplan, " l'exemple de Lagos montre que les pays peuvent commencer à mieux fonctionner quand leurs villes sont mieux gouvernées et quand elles prospèrent ". Ça vaut pour l'ensemble du continent.



Source : www.lemonde.fr


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