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Côte d'Ivoire à l'honneur : Rue Princesse ressuscite au Tarmac

  Culture & Loisirs, #

Au cours d'une nuit chaude et trépidante de mai 2010, j'arpente la fameuse artère urbaine de Yopougon. Klaxons, odeur de viande fumée, cris, voix qui portent et éclats de rire ponctuent la cacophonie sonore de l'environnement.

Je me laisse alors séduire par un " sandwich-brochettes " avec -pas trop- de piment, que mon cousin TH m'offre ; je ferai alors la joie d'un petit marchand ambulant de Kleenex, en lui achetant trois paquets de mouchoirs pour la soirée, lui disant de garder la monnaie : " Merci Tantie "...

Ces mièvres souvenirs me reviennent lorsque je prends connaissance de la programmation de ce spectacle au Tarmac.

Qu'est que la rue Princesse ? Où se situe-elle ? Qu'est-ce qui en reste aujourd'hui ?

Yopougon est la plus grande commune d'Abidjan ; situé dans le nord de la capitale économique, entre la lagune Ebrié et la forêt Banco, le quartier d' Aya de Yopougon , constitue un monde excentré que les réalités ivoiriennes rattrapent toujours... Place de rêves, d'illusions, de joies mais aussi de drames, " Poy " - autre appellation de la ville - est le théâtre national où se confrontent avec âpreté pouvoir, politique, économie et autres enjeux sociaux.

Haut-lieu de divertissement, la rue Princesse est le symbole d'une " ambiance à l'ivoirienne ", et très vite, elle devient l'emplacement idéal pour les maquis, restaurants et autres boîtes de nuit, faisant de l'avenue une référence en matière de festivités, à l'échelle d'Abidjan.

Ces " Champs-Elysées ivoiriennes " attirent les plus curieux, du touriste lambda aux hommes politiques. Tous veulent voir ce qu'est la rue Princesse, et se confrontés à cette ambiance enivrante qui fait battre le cœur de Yop City.

C'est en 1997-1998 que la rue Princesse émerge réellement en s'impose en tant que véritable bastion de l' entertainment à l'ivoirienne avec l'éruption de toutes ses boîtes de nuits, commerces et maquis. Musique, sexe et drogue se conjuguent pour composer un décor nocturne digne des plus grands films d'action.

Le 5 août 2011, la rue Princesse est rasée et meurtrie au grand dam de ses commerçants et de habitants, laissant la rue du même nom à Paris (75006) retrouver ses lettres de noblesse.

Les bulldozers viennent démolir toute l'économique d'une ville dans la ville, tout un imaginaire, un idéal... En effet, il s'agit d'un symbole ivoirien contemporain qui est violemment balayé de la géographie de Yopougon, pour des raisons d'insalubrité.

Spectacle La Rue Princesse © Dieter Hartwig

 

Qu'est devenue (que deviendra) ce petit marchant de Kleenex ; que deviendront les autres petits garçons qui vendent des mouchoirs, le monsieur qui m'a fait mon sandwich, les Tanties qui mitonnent de bons petits plats, le personnel des boîtes de nuit, cette jeunesse qui s'était construit un repère géographique et culturelle à travers la commune de Yop City ?

La place touristique visitée par Jack Lang aux côtés de Laurent Gbagbo en 2008, s'écroule dans un dernier soupir en s'effaçant de la cartographie d'Abidjan...

La compagnie N'Soleh - créée par Massidi Adiatou en 1994 - décide alors de raviver cette ambiance qui a perdu de sa saveur dans la nouvelle rue Princesse " plus propre ". C'est lors d'une escapade nocturne dans le berceau des derniers styles musicaux et vestimentaires (Zouglou, Coupé Décalé, la SAPE), Jenny Mezile a l'idée de monter un spectacle : " Un soir, comme à l'accoutumée, Massidi et moi étions à la Rue Princesse et vers 1h du matin, je vois arriver une bande de sapeurs dont l'un, lunettes noires et cigare entre les dents, portait un manteau de vison, un jeans moulant, des bottes aux bouts pointus, un chapeau melon... La sueur dégoulinait sur son front. J'ai grave kiffé, trop classe le mec !

J'ai dû le dévisager toute la soirée, sa manière de boire, de fumer, de discuter un film... J'avais l'impression d'être dans un Pulp Fiction à l'africaine. Il venait de me donner l'idée de La Rue Princesse ! " (1)

La Rue Princesse a fait l'objet d'une tournée en Allemagne et en Suisse, en 2011.

On retrouvait déjà le chorégraphe Massidi Adiatou dans la pièce de théâtre Afropéenne s (2013 et 2014), pour laquelle il était danseur et chorégraphe.

Même si La Rue Princesse vient clôturer en beauté la saison 2014/2015 du Tarmac, pas de place pour de chaudes larmes. Le théâtre mythique qui a su s'imposer à Paris en proposant des pièces contemporaines francophones, fêtera Le 29 mai prochain ses 10 ans ! À cette occasion, la nouvelle saison 2015/2016 sera présentée.

Spectacle La Rue Princesse © Dieter Hartwig

Une fois rentrés à la maison, ma tante était très en colère contre nous : " Yopougon est dangereux ! Vous vous baladez comme ça la nuit ! Et si vous tombiez sur des bandits ?! "

Je m'attends à ressentir à nouveau cette adrénaline face d'un danger absent mais palpable à chaque pas ; cette ambiance écrasante causée par les bruits tout azimut, cette chaleur imbibée d'alcool et de sucreries que seules les climatiseurs des boîtes de nuit peuvent calmer.

Je suis impatiente de revivre l'espace d'une heure, ce soupçon du grand show à l'ivoirienne, dont j'ai eu un aperçu une nuit chaude de mai 2010 dans la rue Princesse de Poy.

(1) Jenny Mezile propos recueillis par Bernard Magnier, janvier et février 2015 extrait du DP La Rue Princesse / Le Tarmac.


Source : africanlinks.net


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VirginieEhonian
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