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Culture : de Paris à Gorée, le Musée Dapper se déploie hors les murs

  Culture & Loisirs, #

L'adresse parisienne est bien connue des amateurs d'arts du continent africain et de sa diaspora. Chaque saison, d'octobre à juillet, ils découvrent au Musée Dapper une nouvelle exposition donnant à admirer les pièces de la collection, celles venues d'autres musées et de prêts particuliers, rassemblées autour d'un thème sur deux niveaux d'exposition, comme actuellement "L'art de manger". 

Dans la première salle, l'art contemporain a bien trouvé sa place en écho aux arts de la tradition, comme l'illustrent les oeuvres de l'artiste franco-béninois Julien Vignikin, "Indigestion" ou "Le dîner des fantômes", qui actualisent le thème à l'honneur.

L'histoire du musée

Créé en 1983 par Michel Leveau, ouvert trois ans plus tard, le Musée Dapper, passé de 500 à 2000 m2, s'est enrichi, depuis l'année 2000 de son déménagement, d'une librairie, d'un chaleureux café, et d'un auditorium proposant spectacles, projections et rencontres en lien avec l'exposition. La mission que s'est donnée cet organisme privé s'étend désormais hors les murs de la rue Paul Valéry.

Sa nouvelle vie a commencé en 2012 à quelques 4.000 km de là, sur l'île de Gorée, au large de Dakar. Cette présence forte sur le continent est l'autre visage de la Fondation Olfert Dapper (nommée en référence à cet humaniste néerlandais auteur d'une Description de l'Afrique publiée en 1668) qui s'affirme dans la deuxième édition sénégalaise de "Dapper hors les murs".

Ancrer le musée à Gorée

Tout a commencé par les attaches anciennes que le fondateur du Musée, Michel Leveau disparu fin 2012, entretenait avec le Sénégal. "Son premier poste d'ingénieur sur le continent africain", explique son épouse Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du Musée Dapper, qui en perdant son mari, a perdu aussi son partenaire dans cette aventure passionnée des arts d'Afrique et des Caraïbes, mais pas sa détermination à poursuivre ce que son couple a forgé.

"Nous venions régulièrement à Gorée, et c'est un jour en nous promenant sur l'esplanade, avec les canons qui donnaient sur la mer, que l'idée est venue d'investir ce lieu pour y exposer des artistes contemporains", dit-elle. La tentation de jouer son rôle dans la création qui fait bouger le continent n'est pas nouvelle, mais la directrice se taisait, l'espace parisien étant inadapté et le risque jugé trop important de déstabiliser un public d'habitués.

L'accompagnement local de "Dapper, hors les murs"

Dès les premières approches locales, la doyenne de Gorée, et première femme magistrat du Sénégal apporte d'emblée son amical soutien à l'initiative d'ancrer le musée sur l'île. "Tous les deux ans au mois de Mai, Marie-José Crespin, invite les Goréens à ouvrir leur maison au public trois jours durant, et expose à cette occasion des artistes contemporains", précise Christiane Falgayrettes-Leveau.

L'accord du Maire de Gorée s'en suit. L'aventure commence. "Il fallait évidemment respecter cet espace, ce lieu de mémoire dont il ne s'agissait pas de faire une promenade des Anglais ! Après avoir nettoyé l'esplanade, nous avons invité pour la première édition des artistes des Caraïbes et de l'Océan Indien à s'exprimer sur leur rapport à l'esclavage et donc à l'Afrique", dit Christiane Falgayrettes-Leveau.

Résidences sur place, maquettes, études de faisabilité, "Michel Leveau, scénographe, mais aussi polytechnicien, a calculé la force des vents", poursuit la directrice. Tout doit être pensé au détail près dans un lieu de plein air, face à la mer, ouvert à la poussière, sans oublier la contrainte pour les artistes de trouver des matériaux sur place".

La réussite du défi

Ceux qui ont vu les oeuvres installées dans ce lieu si chargé de mémoire ont pu juger de la réussite impressionnante d'un défi reliant le passé et l'avenir par la force de l'art. Il rappelle ce que la Fondation Zinsou a réalisé à Ouidah, autre lieu historique de la traite, où elle a ouvert un musée africain d'art contemporain. En plus d'investir la grande esplanade, Dapper occupe le Centre socioculturel de Gorée en y exposant une partie de sa collection de masques et tisse un réseau avec les établissements scolaires pour les visites tout le temps de l'exposition.

Quelques jours avant l'inauguration de cette première sur le continent qu'il aimait, Michel Leveau s'éteint brutalement sur l'ile de Gorée, le 14 novembre 2012. Deux ans plus tard, l'esprit de famille s'est maintenu puisque l'une des filles du couple a rejoint l'équipe du Musée, et s'est beaucoup investie sur la seconde édition hors les murs qui s'est ouverte fin novembre dernier sous le signe de la francophonie, à l'occasion du sommet de Dakar, sur le thème "Formes et paroles".

"Formes et paroles" autour du sommet de l'OIF à Dakar

Avec la plasticienne Myriam Minhidou en co-commissaire, Christiane Falgayrettes Leveau, a réuni cinq artistes d'horizons très différents, Congo-Brazzaville, Vietnam, Canada... : "Nous leur avons demandé de travailler sur cette langue française qu'ils ont en commun mais aussi sur du multilinguisme puisqu'au français s'ajoutent bien souvent la pratique des langues nationales et de celle de leur propre communauté.

"Formes et paroles" se décline de nouveau au Centre socio-culturel avec une exposition de bande dessinée réunissant des talents venus de tous le continent. Ils se découvrent dans l'album- catalogue publié aux éditions Dapper (le Musée a, aussi, sa structure éditoriale) sous le titre "L'Afrique en partage".

Pour mesurer l'ambition de cette délocalisation, rien ne vaut la visite, bien sûr, mais celle qui est offerte virtuellement en donne une idée, qui montre l'installation du Sénégalais Ndary Lo faire la traversée en chaloupe, sans parler des briques nécessaires aux oeuvres de Nadia Myre ou de Bill Koulehany dont le transport a permis de juger la patience souriante des passagers.

Mais comment mesurer la réussite de l'aventure ?

"D'abord en termes de réussite de l'exposition même des oeuvres mêmes souligne la directrice de Dapper, en dépit des contingences matérielles. Ensuite dans la participation locale à coudre les fleurs de l'installation de Tran Trong Vu, par exemple, mais aussi à l'investissement d'étudiants de l'Institut supérieur de management de Dakar pour toute la partie communication. Quand on a vu arriver en chaloupe les 350 invités à l'inauguration, c'était vraiment Dakar qui arrive à Gorée".

Le lien avec la saison touristique

Si l'exposition "Hors les murs" se tient entre novembre et avril, c'est bien sûr, en accord avec la saison touristique. Celle-ci souffre depuis quelques années de la désaffection des visiteurs, comme sur l'ensemble du continent, et même si le Sénégal a vaincu Ebola. Qu'à cela ne tienne. "Il ne faut pas travailler en fonction du touriste occidental", rétorque Christiane Falgayrettes-Leveau. "Les Sénégalais viennent à Gorée en famille. La classe moyenne est intéressée, Dakar a sa Biennale artistique, nous ne sommes pas arrivées dans un désert culturel !".

La plus belle réussite de celle qu'on surnomme là-bas "Madame Dapper" était déjà arrivée ce jour où les femmes de Gorée, qui redoutaient de ne plus pouvoir étendre le linge sur la place face de l'église, se sont arrêtées longuement pour contempler l'installation de Ndary Lo. Derrière elles, Christiane Falgayrettes-Leveau les entendaient commenter : "C'est un artiste de chez nous. C'est beau". En voyant la directrice arriver, elles lui ont tout simplement dit : "Merci !"....


afrique.lepoint.fr


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