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De Fort-de-France à Paris, l'avocat martiniquais Eddy Arneton se fait un nom

  Société, #

Dans un quartier huppé de la capitale, entre vitrines de grands magasins et hauts immeubles haussmanniens, le numéro 179 du boulevard Saint-Germain abrite le cabinet "Volga", du nom d'un quartier populaire de Fort-de-France, dont est originaire le père d'Eddy Arneton. Le fils, lui, n'a pas jugé utile d'inscrire son nom sur une plaque dorée en bas de l'immeuble.

"Ça ne me disait rien. Mes clients savent où me trouver", estime l'avocat martiniquais. "Peu adepte du réseau et des dîners en ville", à 38 ans, Eddy Arneton ne manque pas d'ambition, mais se sert davantage "du bouche-à-oreille".

Des affaires qui parlent...

Cravate ajustée, veste cintrée, d'un air sérieux et assuré, il nous reçoit dans son bureau au mobilier succinct. Des dossiers s'entassent aux pieds d'une grande cheminée dorée, ornée d'un portrait d'Obama posé entre deux codes civil et pénal, derrière une statue de Thémis, déesse de la justice dans la mythologie grecque. Froid et discret au premier abord, Eddy Arneton devient enthousiaste et bavard lorsqu'il s'agit d'évoquer son métier, toujours dans le souci du détail.

Grand banditisme, terrorisme, mais aussi histoires de patrons et d'ouvriers, la liste de ses affaires est un mélange varié, "à l'image de la société". Parmi ses clients : Teddy Valcy, un détenu guadeloupéen, la famille du co-pilote martiniquais Rémi Plesel disparu dans le crash du vol d'Air Asia, la famille d' Amadou Koume, mort dans un commissariat de police de Paris, des employés des magasins "Leclerc", ou encore l'artiste antillais Kalash qui n'hésitera pas à le remercier publiquement sur les réseaux sociaux.

... et des histoires humaines

Qu'ils soient victimes ou accusés, ses clients l'intriguent. "Comment en sont-ils arrivés là ?", s'interroge l'avocat qui "fouille" pour tenter de comprendre. "Au-delà de l'acte, il y a l'humain, des parcours de vie, des drames personnels", explique-t-il en se rappelant "le paradoxe d'un homme d'une extrême douceur accusé d'actes de torture et de barbarie". Il revoit aussi la détresse d'une famille face à la disparition d'une "jeune fille de 23 ans, belle et intelligente", victime d'un"ami" devenu "l'étrangleur antillais". "Une affaire d'une tristesse infinie, commente-t-il. Cet homme est entré comme un ami dans l'appartement de la jeune fille, et en est ressorti meurtrier". Des affaires dramatiques, difficiles, parfois touchantes, "qui peuvent nous renvoyer à notre vécu".

Acharné et parfois rebelle

Obstiné voire acharné, Eddy Arneton ne lâche rien, comme dans l'affaire Plesel où il défend la famille du copilote martiniquais décédé dans le crash du vol d'Air Asia en 2014. " J'ai rencontré sa mère, sa sœur, pour eux, je veux savoir ce qu'il s'est passé", assène l'avocat.

 

Un dossier est un être humain : il marche, il est fatigué, se couche, se réveille, il faut vivre avec.


Du premier rendez-vous à la plaidoirie, Eddy Arneton estime qu'"un dossier est un être humain". "Il marche, il est fatigué, se couche, se réveille, il faut vivre avec", décrit celui qui prend " plaisir à déceler les erreurs de procédures lors des instructions" : son côté révolté "respectueux" précise-t-il, en avouant sa "tendance chronique à la contradiction".

"Si j'estime qu'une chose est fausse ou injuste, je le dis ! Comme cette affaire Amadou Koumé" s'agace-t-il. "Tout laisse à penser que cet homme a été tué, étranglé par des policiers dans un commissariat du 10e arrondissement, pourtant tout est fait par l'appareil judiciaire pour que la famille n'ait pas d'information". (L'enquête est toujours en cours dans cette affaire, ndlr).

Des valeurs familiales et sportives

Batailler pour comprendre, défendre mais aussi pour réussir."On ne te donnera rien mon fils, il faut que tu ailles tout chercher", lui disait son père lorsqu'il était enfant. "Je ne suis pas du sérail parisien, ni martiniquais d'ailleurs. Je n'ai que mes valeurs familiales et sportives pour avancer", assure cet ancien karatéka qui se souvient encore de son premier championnat du monde au Mexique, en 1996. "J'ai toujours appris à me battre, jamais à me plaindre", précise-t-il.Adepte de la carapace "pour se protéger", Eddy Arneton sourit en comparant sa famille à celle des "tortues Ninja".

 

Je ne suis pas du sérail parisien, ni martiniquais, je n'ai que mes valeurs familiales et sportives pour avancer.

Né dans le 9-3, à Villemomble, de parents martiniquais arrivés en métropole au début des années 70, Eddy Arneton découvre la Martinique à l'âge de 2 ans. "Nous y étions venus en vacances et mon père a décidé de rester". La famille s'installe alors dans les hauteurs de Fort-de-France. Son père y estartisan taxi, sa mère "vend des sandwichs puis enchaîne les boulots et parvient à gravir les échelons", raconte-t-il, fièrement.

Inscrit au "Séminaire collège" à Fort-de-France, Eddy Arneton passe un bac L au lycée Bellevue. Attiré par la philo, rien ne le prédispose aux métiers du droit, si ce n'est l'intuition d'une tante qui le surnomme déjà "l'avocat", "pour cette tendance à ne pas accepter les choses telles qu'elles sont".

Marqué par les "seize de Basse-Pointe"

Au lycée, le jeune Arneton découvre dans la bibliothèque familiale des écrits sur l'affaire dite des "seize de basse Pointe". "Guy de Fabrique, un béké, est assassiné dans sa plantation en 1948, raconte-il. Seize coupeurs de canne arrêtés et un procès dépaysé à Bordeaux où ils seront tous innocentés. C'était devenu le procès de la politique menée en Martinique, une exposition de la misère de ces coupeurs. Au-delà de la couleur, on s'est rendu compte que la pauvreté n'avait pas de frontière", explique Eddy Arneton, pris d'admiration pour le Martiniquais Marcel Manville, l'un des avocats de l'affaire.

C'est le début d'un intérêt prononcé pour l'actualité judiciaire, "l'affaire Nicky m'a aussi marqué" se souvient-il. Un sérial killer qui terrorise la Martinique dans les années 80. "Il y a aussi eu Omar Raddad le jardinier accusé d'assassinat ou encore Rodney King, ce Noir américain passé à tabac par des policiers aux Etats-Unis", se rappelle Eddy Arneton.

Un parcours inattendu

Après un Deug de droit à la fac de Schoelcher et une maîtrise à l'Université Montesquieu à Bordeaux, le futur avocat qui n'aura de cesse de partager sa vie entre deux territoires, rentre en Martinique pour son DEA. A 26 ans, il intègre l'école du barreau de Paris.

Lors de premières expériences en cabinets, Eddy Arneton se rend vite compte que "le droit des affaires est stimulant, et le pénal passionnant". En 2009, il se mesure au "prestigieux" concours de la Conférence. "On dit que c'est le concours d'éloquence le plus difficile", précise-t-il, un brin prétentieux. Attiré par le défi, dans "une drôle de période où la création d'un ministère de l'intégration donne envie de s'exprimer dans un espace de liberté", il se lance et est élu secrétaire de la Conférence. Ce titre va surtout lui procurer un accès privilégié aux affaires pénales.

Entre Fort-de-France et Paris

En 2010, il ouvre son cabinet à Paris et deux ans plus tard en Martinique, "suite logique et naturelle". Même s'il suscite l'admiration de sa famille, Eddy Arneton n'est pas "l'avocat de telle ou telle affaire lorsqu'il franchit la porte de chez (ses) parents". De quoi garder les pieds sur terre et se remettre parfois en question. "Quand je vois un homme partir en prison pour un vol alimentaire, oui, je m'interroge, sur l'utilité de ma profession, mon rôle et la justice en général".

Les droits des prisonniers

Des interrogations qui suscitent aussi l'indignation. "Comme avec Teddy Valcy, ce détenu guadeloupéen maintenu à l'isolement sans raison", l'un de ses combats les plus acharnés. "Quand on parle des prisons, les gens regardent ailleurs, c'est pourtant dans ces lieux qu'il faut s'interroger sur la société", défend celui qui est décrit comme "un relais solide de l'OIP en Outre-mer" (Observatoire international des prisons,ndlr). "Les détenus sont des êtres humains amenés à vivre un jour, avec nous, en société", rappelle-t-il.

Comparé à Ursulet

Parfois comparé à l'avocat martiniquais Alex Ursulet, Eddy Arneton répond : "Il a montré à sa façon que les Ultramarins n'ont pas vocation à courber l'échine ni à chanter et danser dents en avant - ça fait rire les oiseaux -. Il refuse avec force toute forme de - doudouisme -, ça me plaît, admet-il. Mais, je m'inspire davantage de Marcel Manville, et quoi qu'il en soit ma trajectoire m'est propre". Une trajectoire influencée aussi par d'autres avocats tels que Gaston Monerville, Robert Badinter et des lectures de Frantz Fanon, Bret Easton Ellis ou encore Sénèque et Albert Camus.

Toujours "flatté d'obtenir la confiance d'un client", Eddy Arneton fait partie de ces avocats qui connaissent leurs dossiers sur le bout des doigts. "Un comédien à ses textes, un musicien à ses partitions, un chanteur à ses paroles, un avocat à ses dossiers", confie ce passionné qui n'hésite toutefois pas à interrompre l'entretien pour répondre au téléphone à son fils de trois ans et demi. Attaché à ses valeurs, il n'oublie pas d'où il vient, et sait où il va.



Source : www.la1ere.fr


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michel
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