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Des "pinottes" américaines pour Haïti

  Société, #

En matière de fausse bonne idée, le département américain de l'Agriculture vient peut-être de se surpasser. Sous couvert d'aide alimentaire, il semble vouloir refiler un problème de surproduction d'arachides à Haïti. Explications.

Au cours des dernières années, la sécheresse a détruit beaucoup de récoltes à Haïti, provoquant des pénuries alimentaires. Les prix des denrées de base ont augmenté de près de 60 %, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). Un tiers de la population fait actuellement face à l'insécurité alimentaire.

Des mesures d'aide ont été mises en place. Par exemple, l'Unicef fournira à 200 000 enfants et femmes enceintes de la pâte d'arachide, un traitement d'urgence contre la malnutrition.

Les États-Unis ont saisi la balle au bond. À la fin mars, le département américain de l'Agriculture a annoncé l'envoi de 500 tonnes métriques d'arachides, rôties et empaquetées, pour 140 000 élèves dans les cantines scolaires, par l'intermédiaire de l'ONG Feed the Future.

Sauf que la mesure a toutes les allures d'un cadeau de Grec. Parce que le don est d'abord une façon de se débarrasser de surplus américains.

Il faut comprendre que le marché des arachides est subventionné aux États-Unis. En cas de surproduction, le département de l'Agriculture rachète une partie des surplus pour les stocker.

Devant la chute du prix de plusieurs denrées agricoles, des producteurs se sont naturellement tournés vers la culture des arachides plutôt que celle du coton, du blé ou du soya, qui n'offrent pas les mêmes avantages.

La production ayant largement dépassé la demande, les autorités fédérales sont maintenant aux prises avec des tonnes d'arachides sur les bras. Le gouvernement ne peut les liquider sur le marché, puisqu'il provoquerait assurément un effondrement des prix.

Il a donc décidé de les donner à Haïti. L'idée peut paraître séduisante... sauf qu'Haïti est aussi un producteur d'arachides, à plus de 21 000 tonnes par année. Et qu'en période de sécheresse, c'est l'une des plantes qui résistent le mieux.

En d'autres termes, Haïti ne manque pas d'arachides, une filière qui emploie 45 000 personnes là-bas. En inondant le marché haïtien avec ses cacahuètes, les États-Unis risquent de déstabiliser une économie agricole déjà fragilisée.

Ce qui est d'autant plus absurde que des ONG américaines... soutiennent l'agriculture haïtienne. Ce serait donc leur tirer dans le pied. Plusieurs organisations haïtiennes dénoncent le don avec véhémence, tout comme le Washington Post en éditorial .

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Régler un problème interne en le pelletant ailleurs? Le département américain de l'Agriculture s'en défend, précisant que les arachides complèteront un programme de nutrition quotidien. Il ajoute que le don ne représente qu'une infime proportion (2 %) de la production annuelle à Haïti.

La réaction des organisations locales est fort probablement démesurée. Mais on peut la comprendre, puisque l'affaire rappelle de mauvais souvenirs. En 1994, quand Bill Clinton a ramené le président Jean-Bertrand Aristide au pouvoir, il a conclu un accord pour inonder le marché haïtien de riz américain.

L'entente a tué l'industrie rizicole haïtienne, autrefois prospère, mais aujourd'hui noyée sous les exportations qui occupent 82 % du marché. Au point que Bill Clinton a lui-même reconnu son erreur et exprimé ses regrets. Chat échaudé...

Idem au début des années 1980, quand Washington a forcé Haïti à abattre tous ses cheptels de cochons noirs, pour empêcher une hypothétique épidémie de fièvre porcine africaine qui aurait pu atteindre les élevages américains.

Ils ont été remplacés par des cochons américains, qui demandent une alimentation spécifique et onéreuse, tandis que le cochon créole, lui, se nourrissait des restes de l'agriculture de subsistance des paysans pauvres.

Vous connaissez peut-être le proverbe: quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson. L'aide alimentaire est bien sûr nécessaire en période de crise. Mais si elle se transforme en dépendance commerciale, ou risque de détruire les capacités de production locale qui auraient pu contribuer à l'économie, c'est qu'elle n'atteint pas ses buts.



Source : L'actualité


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