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Diaspora - Élie Nkamgueu, un Afro-français qui s'assume

  Société, #

Autant à l'aise avec les patients de son cabinet de Champigny-sur-Marne que devant de futurs partenaires agissant au nom de l'État français, Élie Nkamgueu jongle allègrement entre plusieurs vies. Son secret : le travail... efficient, cela va s'en dire.

Sa vie professionnelle : celle d'un docteur...

D'abord, il y a sa première vie, celle du docteur. Elle démarre dans les années 1970. "Je suis arrivé en France après le bac et me suis inscrit à l'UFR d'odontologie de Reims pour poursuivre mes études supérieures. J'en suis sorti docteur en chirurgie dentaire en 1997. Guidé par la fibre entrepreneuriale en 2001, j'ai décidé de reprendre un cabinet et me dévoue quotidiennement pour la bonne santé et le rétablissement du sourire de mes patients", dit-il.

... qui s'installe en libéral

Très rapidement, le docteur Nkamgueu développe une clientèle fidèle malgré les réticences de certains devant le nom peint sur la porte du bureau. Il essuie des remarques, des questions pas tant sur son parcours que sur sa couleur de peau. Jusqu'au jour où un petit garçon de huit ans hurle à sa mère qui l'accompagne qu'il est venu pour voir un dentiste, mais que celui qui le reçoit est noir. Comment est-ce possible, a-t-il demandé ?

 

Le Dr Nkamgueu interpellé par la question d'un enfant

Ce comportement typique des enfants a fait écho chez Élie Nkamgueu qui s'est ainsi interrogé sur lui-même et la place qu'il occupait dans la société française. De cette prise de conscience brutale est née l'envie d'Élie d'aller plus loin. Avec des amis proches, en l'occurrence Élias Fosso et Victor Tantcheu, le voilà qui réfléchit aux voies et moyens à mettre en oeuvre pour donner une meilleure visibilité des talents afro-français dans le but de développer des synergies socioprofessionnelles.

Le voyage américain à la quête de la bonne inspiration

"On s'est dit qu'il serait bien de créer un club de l'élite, mais n'ayant pas d'expérience dans la vie associative ou dans la représentation d'une communauté, on s'est dit que la première des choses à faire, c'est d'aller aux États-Unis. Objectif : voir comment ce modèle s'est structuré pour passer en cinquante ans de l'esclavage au pouvoir, pour développer un marché et être aujourd'hui des grands acteurs économiques", indique-t-il. Le voilà donc qui prend la direction du Black Caucus composé des élus afro-américains du Congrès. Une expérience formidable qui permet à Élie Nkamgueu de rencontrer d'éminents représentants de la communauté noire. Ainsi de Jesse Jackson, mais aussi de sénateurs républicains et démocrates.

Le retour en France dans un contexte ouvert sur la diversité

Retour en France. Le contexte est à la multiplication d'événements et d'associations en faveur de la diversité. Désormais, la dénomination "Black" côtoie celle de "Noir". On est au milieu des années 2000, et de jeunes entrepreneurs d'origine africaine ou caribéenne ouvrent la porte à des changements majeurs au travers de clubs comme celui du XXIe siècle, le Club Averroes, le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), Africagora, Ani, outre mer Network, l'Afip, la Drim... Assez rapidement, ils réussissent à se fédérer par leur activisme. Mais voilà ! Élie Nkamgueu, après son voyage aux États-unis, parle un autre langage. Il est plus tourné vers l'économie. Il veut s'affirmer sans tomber dans un communautarisme qui exclurait. "Je dis toujours que si nos prédécesseurs à l'époque des Senghor, Aimé Césaire et beaucoup d'autres intellectuels noirs, si l'enjeu qu'ils avaient porté était plutôt économique, on aurait avancé de ce côté-là, mais pour eux à l'époque, et ce n'est pas de leur faute, le combat était plutôt de montrer que l'homme noir pense, l'homme noir écrit, comprend, réfléchit comme les autres", dit Élie Nkamgeu. Et de poursuivre : "Donc, c'est pour ça que leur objectif était plus intellectuel et culturel qu'économique. Cela dit, après avoir pensé, après avoir écrit, il faut bien vivre. De fait, maintenant les enjeux économiques sont là." "Le défi de notre génération est de faire quelque chose sur le plan économique", continue ce grand admirateur de Nelson Mandela et de Mohamed Yunus, celui-là même qui a, par sa banque Grameen, donné ses lettres de noblesse à la micro-finance.

Élie Nkamgueu à l'oeuvre dans le civil face à l'institutionnel

Bientôt dix ans que le club Efficience existe et on retrouve le docteur Élie Nkamgueu par un jeudi pluvieux dans les hauteurs de la tour Mirabeau, à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Il vient y nouer un partenariat. Élie Nkamgueu demeure constant dans son discours. "Quand on voit l'évolution de la société afro-française ici en France, on se rend bien compte, nous, au club, que la classe moyenne augmente énormément, avec un vrai pouvoir d'achat, mais il faut du temps pour constituer une force économique visible", déclare-t-il. Message reçu cinq sur cinq par ses interlocuteurs, Gilles Clavreul, préfet et délégué interministériel, ainsi que Reda Didi, délégué adjoint. Les deux hommes suivent avec beaucoup d'intérêt les actions du club. Il n'est pas exclu qu'ils lui accordent un soutien.

Pour le Dr Nkamgueu, creuser et encore creuser le sillon économique

Si cette reconnaissance institutionnelle est la bienvenue, le docteur Nkamgueu a par ailleurs mené une vraie réflexion sur le développement économique de la diaspora africaine en France. "Comme je l'explique souvent, il y a eu quatre différentes vagues d'immigration en France : celle des ouvriers arrivés après la Seconde Guerre mondiale pour construire la France. Ceux-là avaient laissé femmes et enfants en Afrique où ils envoyaient tous leurs gains ; ensuite, celle des étudiants. Elle a formé des intellectuels. Ceux-ci ont évolué. Ils avaient dans l'idée de rentrer dans leur pays d'origine et étaient à cheval entre deux sociétés. Résultat : ils n'ont pas pu constituer une force économique en France. Certains sont rentrés, d'autres sont restés, mais c'était plutôt des salariés. Maintenant, il y a une troisième vague de personnes qui partent à l'aventure. Leur motivation est économique. Ils viennent souvent avec une situation précaire et, comme ils sont directement au contact du business, ils achètent des fonds de commerce assez rapidement. Le problème est qu'ils restent fortement marqués par leur clandestinité et ont donc comme réflexe d'envoyer leur argent en Afrique. Ils sont plus dans l'économie informelle. C'est tout le contraire de la vague suivante, celle des étudiants qui, eux, sont bien insérés dans l'économie formelle. Ceux-ci se lancent souvent dans l'achat d'un bien immobilier en France et se retrouvent sans marge pour investir dans un business."

Conscient de la nécessité d'un patient travail de consolidation

Impliqué dans le renouveau du partenariat économique franco-africain dont la figure de proue est la fondation AfricaFrance présidée par le banquier Lionel Zinsou, le club Efficience en est la troisième étape de son développement. C'est l'étape la plus sensible, celle où il faut s'adresser aux populations les plus en difficulté. "Il faut comprendre que les difficultés de nos communautés en France viennent du fait que nos élites afro-françaises ne s'intéressent pas à la chose de la communauté. De fait, derrière notre action, on cherche à ramener cette élite à prendre conscience que c'est à elle de penser, de réfléchir sur les voies et moyens de donner les codes à la base pour qu'elle comprenne mieux la société dans laquelle on vit." Et de poursuivre : "Maintenant, dans une seconde étape, on peut se tourner vers la base avec des solutions trouvées et cultiver le mieux vivre ensemble." Marié et père de quatre enfants, en parfait équilibriste, le voilà qui enlève sous nos yeux sa cravate. Le moment de ranger son costume du matin, pour enfiler sa blouse blanche de docteur. Il est 14 h 30 et il ne parle déjà plus du club Efficience. Le docteur Nkamgueu se prépare à faire une radio des dents à l'une de ses patientes. Efficient !... Les deux vies du Dr Nkamgueu viennent encore de se croiser.



Source : afrique.lepoint.fr


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