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Du cheveu à retordre au salon " Boucles d'Ebène "

  Mode & Beauté, #

Quiconque pense qu'une journée dans un salon au titre capillaire est une frivole promenade de santé s'est clairement trompé d'endroit. Bien sûr, au salon Boucles d'Ebène (du 30 mai au 1er juin), à Paris, on a croisé Miss Nappy 2015 et les grandes marques les plus recherchées pour cheveux crépus et frisés. Mais la beauté ne semble être ici qu'une porte d'entrée vers des questions plus profondes.

Dimanche, 11 heures du matin. Sur la scène d'une grande salle du 104, un centre culturel situé au nord de Paris, Juliette Smeralda, donne une leçon d'estime de soi. Comment apprendre à son enfant à s'aimer avec ses cheveux crépus ? Que lui transmet-on quand on le coiffe ? Auteure de Peau noire, cheveu crépu, l'histoire d'une aliénation (éd. Jasor, 2005), la sociologue martiniquaise est devenue l'icône en France des " Nappy ", ce mouvement prônant le retour au naturel. Dans son livre, elle explique comment le défrisage chimique et le blanchiment de la peau sont la perpétuation de traumatismes issus de l'esclavage.

Revenir aux techniques des ancêtres

Ce matin-là, Juliette Smeralda rappelle à un public principalement composé de femmes et d'enfants les séances de coiffure douloureuses de leur enfance, quand leur mère démêlait violemment leur " paillasse ", maudissant la qualité du cheveu crépu. " Quand vous coiffez vos enfants comme ça, vous vous vengez sur eux. Vous êtes responsables du fait que vos enfants ne se sentent pas beaux. "

Pour la sociologue, il faut revenir aux techniques de coiffure des ancêtres africains. La foule approuve chaque parole comme un dimanche matin à Harlem. Racontant ensuite l'histoire d'une enfant métisse qui demande à sa mère pourquoi elle a du chocolat sur la peau, Juliette Smeralda affirme que l'enfant, dès l'âge de trois ans, sait qui est le dominant et le dominé chez ses parents et ne fait que reproduire la vision dominante. Et invite les parents à réfléchir à ce qu'ils transmettent à leur enfant afro-métisse.

Miss Nappy 2015 Crédits : Helene Dres

" On dit que le métissage est l'avenir de l'humanité, poursuit-elle. Je ne crois pas. Le métissage aujourd'hui, c'est le groupe dominant qui reproduit le monde à son image. " Silence dans le public qui semble moins acquis. " On est en danger, ajoute Juliette Smeralda. Et quand on est en danger, je ne me soucie pas d'être aimée ou de ne pas être aimée", lance-t-elle, avant de conclure par l'importance de trouver une autre voie face aux limites du modèle d'intégration. " Il ne s'agit pas de s'opposer aux blancs, précise-t-elle. Chaque groupe humain a créé sa culture. Il n'y a pas de raison de supprimer notre diversité pour se faire accepter. Ce que nous devons nous demander c'est : comment nous construisons l'enfant noir de demain ? "

Pour sa cinquième édition, le salon Boucles d'Ebène, créé par les deux sœurs guadeloupéennes, Aline et Marina Tacite, s'impose comme un lieu d'échanges et de réflexion sur la femme et l'homme afro-caribéen de demain. Avec un enjeu en toile de fond : comment, en tant qu'Afro-descendants, se construire une identité dans la France d'aujourd'hui ?

Illustrer toute la beauté du monde

Relayé pendant trois jours par trois chaînes de télévision et quantités de blog, le salon proposait des performances, des librairies, des défilés de mode, mais aussi une trentaine de conférences et d'ateliers animés par des spécialistes reconnus dans leur activité. On a parlé dépigmentation volontaire de la peau avec Abd Haq Bengeloune, créateur de la gamme Inoya conçue pour diminuer les tâches sur les peaux noires ; représentativité avec l'expo d'Hugues Lawson Body Les Jeunes Parisiens qui a photographié les bandes de jeunes qui écument la capitale dans toute leur diversité.

On a discuté reconstruction avec des produits comme le T444Z ou le baume bio de Copaïba conçus pour favoriser la repousse du cheveu abîmé par le défrisage chimique ; laïcité aussi avec Tamega Kamia qui a conçu le " Beauty P ", un foulard au motif traditionnel, en soie ou en satin, qui lui permet de porter le voile, sans abîmer ses cheveux et " sans que ça se voie ". On a aussi parlé vivre-ensemble, avec Fatou Sarr, la fondatrice de " True Colours Paris ", une marque pour toutes les carnations de peau qu'elle a imaginée en pensant à " ces copines qui ne peuvent pas se faire maquiller dans les mêmes endroits, la plupart des instituts de beauté étant spécialisés peaux blanches ou peaux noires ". On a aussi fait " waouh " devant les créations de la marque Mansaya et XuliBët, la marque de Lamine Badian Kouyaté, qui a habillé Grace Jones et Janet Jackson dans les années 90.

Enfin, on a été ému par le spectacle de Marguerite Mboulé et Lydie Alberto. L'odyssée en danse, en musique et en images, de l'être afro-caribéen à travers son corps. Une phrase prononcée par une voix off très sobre nous a marqués : " Nos corps et ce qu'ils disent du monde/ Nos corps et ce qu'ils disent au monde. " On se souviendra longtemps de la noblesse des danseurs, des enfants aux aînés, dont les " peaux-parchemins " illustrent " toutes les couleurs du monde ". On dirait même, au risque de ne pas être aimée par certains, toute la beauté du monde.


Source : www.lemonde.fr


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