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En images : la face cachée du "Deep South" des États-Unis

  Société, #

Konbini s’est entretenu avec Ivar Wigan, photographe ayant retranscrit la vitalité dionysiaque des gangsters et des strip-teaseuses du Sud des États-Unis. 

“The 305?  (2013) © Ivar Wigan

Le terme de “ghetto” renvoie généralement à un univers sombre, glauque et impitoyable. Ivar Wigan, lui, en fait ressortir un autre aspect bien moins connu à travers ses photographies où transparaît un débordement dionysiaque d’énergie. La rage de vivre, de jouir de l’instant présent habite chacun des individus qu’il a photographiés dans les quartiers malfamés du “Deep South” des États-Unis – Atlanta, Miami et La Nouvelle-Orléans.

Parce qu’il a su capturer l’intimité de personnes rejetées par la société traditionnelle – notamment des gangsters et des strip-teaseuses -, il a souvent été comparé à Nan Goldin. L’œuvre de cette dernière, à qui l’on doit notamment The Ballad of Sexual Dependency, l’avait d’ailleurs profondément marqué : c’est en la découvrant qu’il décida de devenir photographe. Cependant, la critique d’art Ana Finel-Honigman rappelle qu’un certain fossé sépare Wigan de l’artiste américaine :

Bien qu’il partage l’empathie de Goldin et sa profonde fascination pour l’existence éphémère, son travail est fondamentalement opposé au sien. Alors que Goldin a photographié des gens dont les démons personnels les ont poussés à mettre leur vie en l’air, les sujets de Wigan incarnent une vitalité exacerbée qui embrasse la vie elle-même.

Gangsters ou dieux vivants ?

Ivar Wigan a été fasciné par le tempérament des rebelles sans cause qu’il a croisé aux gré de ses voyages dans le Sud des States. Ces derniers ont d’ailleurs été largement segmentés, puisqu’il menait deux autres projets photographiques en parallèle : l’un consacré à une tribu nomade africaine appelée “Suri” ; l’autre à diverses personnalités saillantes des Caraïbes.

Aux États-Unis, il s’est aventuré là où peu d’autres ont osé pénétrer, et il y a découvert un style de vie hédoniste qui lui a rappelé celui des dieux vénérés par les Grecs durant l’Antiquité. D’où le nom de son exposition intitulée “The Gods”, qui se déroule à la galerie PM / AM de Londres jusqu’au 31 juillet. Intrigué par la série de clichés qui y est présentée, Konbini s’est entretenu avec lui.

Cette photographie intitulée “Pool Party”, et prise à Miami en 2010, est la première de toute la série “The Gods” © Ivar Wigan

K | D’où t’es venue l’idée de monter cette série de photos ?

L’idée a évolué. Je voyageais aux États-Unis en 2010 et j’ai fini dans une soirée à Miami où j’ai pris la première image de la série, “Pool Party”. Quand je suis rentré chez moi et que j’ai vu la pellicule, j’ai voulu créer une série d’images mettant en valeur d’autres aspects de cette culture. À partir de ce moment-là, j’ai voyagé régulièrement dans les États du Sud pour photographier les gens. J’y suis retourné, encore et encore, cherchant toujours des personnes à photographier ; cherchant toujours de la force et de la beauté – ce sont mes deux critères.

K | Comment as-tu réussi à te faire accepter dans ces milieux ?

Le Sud des États-Unis est connu pour sa population accueillante et chaleureuse. Je me suis fait des potes partout où je suis allé, et je suis toujours en contact avec beaucoup d’entre eux. Par contre ça n’arrive pas du jour au lendemain. Il faut passer du temps pour créer des liens. Au total, en prenant en compte tous mes différents voyages, j’ai passé plus d’un an là-bas.

Les clubs de strip-tease : un lieu de socialisation

K | Pourquoi as-tu étalonné ton projet sur cinq ans ?

Venant d’Europe, cette culture était très nouvelle et exotique pour moi. Ça prend du temps de vraiment connaître les gens et les endroits. Les strip clubsd’Atlanta étaient l’endroit le plus difficile à photographier. Les appareils photos sont interdits dans ces clubs, donc je n’ai pas pu prendre de clichés avant de connaître tous les danseurs, tous les agents de sécurité et tous les types bossant pour le management. Après être arrivé à Atlanta, il m’a fallu deux mois avant de sortir mon appareil pour la première fois.

K | Pourquoi t’être autant attardé sur ses clubs de strip-tease ?

Atlanta en a plus que n’importe quelle autre agglomération des États-Unis ; la ville est connue pour ça. Ils occupent une place prépondérante dans la culture là-bas, et sont largement acceptés : les hommes y emmènent leur femme pour dîner, et des groupes de filles vont y siroter des cocktails. Les gens vont y danser, y manger et y regarder les rencontres sportives qui passent à la télé. C’est assez différent de ce qu’on a en Europe.

“The Bloods” (2012) : Les hommes apparaissants sur la photo sont des membres des Bloods : l’un des gangs les plus célèbres des États-Unis © Ivar Wigan

“Des types assez effrayants”

K | Comment es-tu parvenu à photographier des membres des Bloods ?

C’était par hasard. J’étais en train de faire un shooting photo publicitaire dans les rues d’Atlanta pour un rappeur local avec qui j’étais ami. Une voiture s’est arrêtée et les vitres se sont baissées. On pouvait voir des membres des Bloods en train de nous regarder. J’étais un peu nerveux parce que ce sont des types assez effrayants, qui sont connus pour leur violence. Ils sont sortis et se sont rapprochés pour regarder et quand j’ai arrêté de prendre des photos celui avec des dreads a dit :

C’est quoi le problème avec nous ? Tu ne veux pas prendre de photos de nous ?

Je me suis retourné et je les ai pris en photo. Ils ne se s’en lassaient pas et lorsque j’arrêtais ils disaient : “Pourquoi tu arrêtes ? Prends-en d’autres.” Je leur ai demandé comment je pourrais les trouver pour leur donner les images et ils ont dit qu’ils étaient toujours dans le coin et faciles à dénicher.

Donc quelques semaines plus tard je suis revenu avec une série de photos imprimées pour leur donner mais ils avaient tous disparus. Personne ne savait où les trouver. Beaucoup de jeunes types ne tiennent pas longtemps dans la rue et finissent morts ou en prison. C’est pourquoi ceux qui survivent sont appelés “The Gods” (“Les Dieux”). Ce sont ceux qui ont réussi à s’en sortir.

Cette photo, intitulée “Python”, a été prise à Miami en 2013 © Ivar Wigan

K | Quelle a été l’expérience la plus folle que tu aies vécue alors que tu travaillais sur ce projet ?

Le mois dernier, j’étais de retour à Miami pour faire des photos. J’étais dans la rue à 5 heures du matin, entouré de beaucoup de gens, et j’ai reconnu le type à gauche de la photo intitulée “Python”, prise il y a deux ans à seulement quelques blocs de l’endroit où l’on se trouvait.

Je suis allé à sa rencontre, lui ai montré l’image sur mon téléphone, et il était ravi. Il m’a amené au bas de la rue pour retrouver ses amis et en peu de temps on était avec l’autre homme tatoué de la photo “Python”. Il m’ont traîné avec eux toute la nuit et on a bu de la tequila sur la plage. En 2013 je les avais rencontrés par hasard et on n’avait pas vraiment fait de virée ensemble, donc ça a été un grand moment pour moi de les rencontrer pour de vrai.

“Brooklyn Girls on Holiday” (2010) © Ivar Wigan

Intitulée “The Gods” (2012), cette photo donna son nom à l’exposition de la gallerie PM / AM. Elle a été prise dans un strip club d’Atlanta appelé “Queen City”. Le photographe est devenu ami avec la femme au premier plan, dont le surnom est Juicy © Ivar Wigan

Intitulée “Princess” (2012), cette photo a été prise dans la cuisine d’une strip-teaseuse d’Atlanta, ici en compagnie de son fils © Ivar Wigan

“The Hotel Geneva” (2010) © Ivar Wigan

Sur cette photographie, on peut voir une strip-teaseuse à la chevelure rose surnommée “Angel” dans une rue de la Nouvelle-Orléans. Elle inspira le nom donné au cliché : “Pink Panther” (2011) © Ivar Wigan



Source : www.konbini.com


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