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Énergie - Khalifa Sall : "La mise en œuvre sera toujours locale"

  Société, #

Khalifa Sall est le premier magistrat de la capitale sénégalaise mais aussi secrétaire général de l'Association internationale des maires francophones (AIMF) et président de 

Cités et Gouvernements locaux unis-Afrique (CGLU-Afrique). Il a répondu aux questions du site Le Point Afrique à Luanda, en Angola, en marge du second forum consacré à l'investissement dans les infrastructures urbaines qui s'est déroulé en avril 2015.

Le Point Afrique : Vous étiez à Paris il y a quelques semaines, invité par la maire de Paris et par l'ancien ministre Jean-Louis Borloo. Pouvez-vous nous expliquer comment vous liez ce projet de Jean-Louis Borloo à celui de Barack Obama sur l'électrification de l'Afrique ?

Khalifa Sall : Il faut tout d'abord s'en réjouir. Les Africains, par eux-mêmes, ont conçu un programme sur les questions énergétiques, qui avait été soumis à Copenhague, mais dont la mise en œuvre a posé problème. Aujourd'hui, ce sont les autres qui viennent vers nous pour nous accompagner, pour régler cette question essentielle de l'énergie. Que ce soient les Américains, avec le programme de l'électrification d'Obama "Powering Africa", que ce soit Jean-Louis Borloo, avec le programme de l'électrification de l'Afrique, c'est une question essentielle pour laquelle l'Afrique a des prédispositions. Nous avons l'eau, nous avons la nature, nous avons les ressources, et pourquoi ne recourt-on pas à l'expertise extérieure ? C'était ça, notre question à Paris. Nous l'avons dit à Jean-Louis Borloo.

Vous étiez assez sceptique à Paris. Vous discours n'était pas très positif à l'égard de M. Borloo ?

C'est vrai, cela avait transparu dans mes propos. Ce n'était presque pas contre M. Borloo. C'était par rapport à nous-mêmes. Avec tout ce dont nous disposons, nous avons besoin que les autres viennent nous pousser à agir ! Que ce soit l'offre américaine ou l'offre européenne, parce que M. Borloo porte une offre européenne, nous nous en réjouissons. C'est ça, la vérité. Ces offres peuvent nous pousser à faire des choix stratégiques, et c'est une excellence chose. Le scepticisme, c'était une sorte d'african susceptibility. Mais nous ne sommes pas contre les initiatives. Elles sont les bienvenues. Il faut uniquement que les Africains se les approprient. Ce qui m'a beaucoup plu dans l'initiative Borloo, comme celle des Américains, c'est qu'elles visent à impliquer et à responsabiliser les collectivités locales. C'est une très bonne approche pertinente et c'est surtout opportun. Parce que nous nous sommes tous rendu compte que le développement se passe au niveau global. Mais la mise en œuvre sera toujours locale. Donc impliquer et responsabiliser ceux qui seront dans la mise en œuvre au moment de la conception est une très bonne chose. En définitive, nous nous étions réjouis de la démarche de Mme La maire de Paris, Anne Hidalgo, et des bonnes dispositions de M. Jean-Louis Borloo. Nous avons accepté de soutenir l'initiative et de les accompagner.

Il y avait donc à Paris une vingtaine de maires francophones du continent. Comment travaillez-vous avec les autres maires lusophones, anglophones ?

Il n'y a aucun problème. Ma position et mon exemple sont un cas d'école, pour être le lien entre tout ça. Les autorités, conscientes de leur responsabilité dans le développement mondial, ont mis en place sur le plan international CGLU (Cités et Gouvernements locaux unis) qui a fédéré toutes les organisations des collectivités locales. Cette organisation a des antennes régionales africaines, européennes, asiatiques. Les membres de l'AIMF, les francophones africains, sont membres de CGLU mais aussi de CGLU-Afrique. Il y a une cohérence et une continuité qui fait qu'il n'y a jamais de dysfonctionnement. Nous sommes, à tous les niveaux, impliqués. Ici, à Luanda, nous saluons le président Dos Santos qui a décidé véritablement de booster le développement urbain et d'accompagner les collectivités locales. Le gouvernement angolais, dans le cadre de ce deuxième forum, réunit les autorités nationales et locales autour des questions urbaines et CGLU-Afrique est impliquée dans l'organisation. Il n'y a aucun problème de cohérence, il n'y a aucun problème conflictuel. Ce sont les mêmes acteurs qui se retrouvent à des nouveaux complémentaires et discutent des mêmes problèmes pour trouver les mêmes solutions.

Le premier forum sur l'investissement des infrastructures urbaines a eu lieu en Afrique du Sud, à Cape Town. Qu'est-ce que Luanda a apporté ?

D'abord, ce qui était important, c'est la prise de conscience. Parce que nous, autorités locales, nous avons besoin de sensibiliser nos autorités nationales. Parce que la décentralisation est une quête. Nous savons que c'est la solution dans la conduite du développement. Sensibiliser nos autorités nationales pour qu'il y ait une symbiose dans les actions, pour que les collectivités locales soient considérées comme les forces d'appoint des autorités nationales dans la mise en œuvre du développement. C'était ce qu'il fallait faire à Cape Town, surtout en matière d'infrastructures. Parce que la particularité de ce forum, c'est qu'il parle d'infrastructures urbaines. Quand il s'agit des collectivités locales, la responsabilité relève des collectivités locales. Mais on ne peut les faire efficacement qu'en accord et en rapport avec les autorités nationales. Cape Town a permis de poser les jalons dans une démarche qui est globale conçue par les États au niveau de l'Union africaine et tous les volets du Nepad. Cape Town a permis aux autorités locales de s'approprier la question, d'échanger sur leurs expériences, de se mettre en perspective. À Luanda, les choses sont devenues plus concrètes. On n'est plus dans la théorie. On pose le problème de l'électrification ou de l'énergie dans nos collectivités locales. C'est l'électrification, c'est l'éclairage public. C'est faire en sorte que chaque maison, chaque quartier soient éclairés. Cette question est multifonctionnelle, multidimensionnelle. La question de l'électrification est un problème de développement, c'est un problème de cadre de vie. Aujourd'hui, toutes les collectivités locales sont responsables de cette matière. Ce sont des investissements directs, des Partenariats public-privé. Mais tout dépend de l'organisation des collectivités locales pour nouer ces partenariats. Luanda est un pas de plus. Je peux parler de l'éclairage, de la mobilité, de l'éducation, de la santé, mais je ne dois pas négliger l'infrastructure humaine. Parce que c'est la première infrastructure dans nos collectivités. Le citoyen est au centre de ce dispositif.

À quelle place situez-vous le citoyen dans la relation entre environnement et économie ?

L'environnement, c'est le cadre et les conditions de vie. Si l'air est pollué, s'il n'y a pas de perspective durable de ces conditions de vie, nous ne pourrons pas aller très loin. Chaque franc qu'on investit maintenant dans le cadre de vie, dans l'infrastructure humaine, éducation, culture, sport, et tout ce qu'on fait dans le développement économique, doit tenir compte de la durabilité. Cela nous permet d'avoir un développement permanent. Lier l'investissement à l'environnement est important pour avoir un développement. Nous parlons maintenant de développement durable pour lier les deux.

Comment CGLU prend en compte les questions du changement climatique dans le processus de l'urbanisation ?

Le changement climatique impacte sur tout maintenant, pas seulement sur le cadre de vie, les personnes, les individus. Copenhague (La Conférence des Nations unies sur le changement climatique en 2009) a été une mauvaise expérience pour les élus locaux mondiaux. On avait été inaudible, invisible. On a été confiné dans des situations qui ont révolté tout le monde, de telle sorte que l'assemblée générale de CGLU au Mexique avait tiré la sonnette d'alarme pour dire : "Plus jamais ça !" Nous sommes ravis que, cette année, madame Anne Hidalgo ait décidé, en accord avec les autorités françaises, de faire une large place aux élus locaux dans le sommet de Paris. Anne Hidalgo a décidé d'inviter 1 000 maires du monde, en marge du sommet sur le climat.

Êtes-vous positif pour Paris ?

On peut toujours espérer. Dans ce genre de rencontre, il ne faut jamais perdre de vue l'égoïsme des États, pour ne pas dire plus. Chaque État viendra avec ses préoccupations et ses intérêts. Il y a les pays développés qui sont à un niveau d'amélioration de leur qualité de vie. Mais vous avez tous les pays intermédiaires et en développement qui, eux, veulent être au niveau des pays développés. Ils se disent : "Eux ont déjà pollué, pris leur part de pollution de l'atmosphère. Ils veulent que nous nous développions sans prendre la nôtre." Ce débat existe, quand vous voulez supprimer le charbon, quand vous voulez supprimer tous ces outils polluants de développement. À chaque fois, on a échoué sur des préoccupations de certaines grandes puissances par rapport à leurs réalités économiques, et par rapport aux préoccupations émises par d'autres qui véritablement souhaiteraient un accord plus global. Aujourd'hui, l'approche devrait peut-être être différenciée. On pourrait demander à chacun de contribuer proportionnellement en tenant compte de ses contraintes, de ses capacités. Au lieu de faire une approche plus globale. Si c'est le cas, on peut espérer que Paris soit une réussite. Paris peut être source d'espoir, parce que 2015 est une année déterminante, c'est la fin des OMD, c'est Habitat III, c'est le financement du développement à Addis Abeba. Il y a beaucoup de réunions, de rencontres internationales, qui discutent du développement de manière générale, et tout cela va un peu culminer à Paris, en décembre. Les multiples occasions sont là pour discuter, concilier, et pour aller vers un accord. En tout cas, les collectivités seront présentes et essayeront d'apporter leur contribution pour influer sur les travaux.


Source : afrique.lepoint.fr


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Urielle
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