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Entre film d'horreur et satire, la recette gagnante du film événement " Get Out "

  Culture & Loisirs, #

Plein les yeux

Carton au box-office américain, " Get Out " compile et digère les influences de plusieurs décennies de cinéma. Passage en revue de ces œuvres qui ont inspiré le long-métrage.

Par Norine Raja

 

Un score de 100% sur le site de critiques " Rotten Tomatoes ", des articles dithyrambiques dans la presse, plus de 160 millions de dollars au box-office... Auréolé d'un parfum de succès suite à sa projection au festival de Sundance, Get Out a déjoué toutes les attentes en recevant un plébiscite autant public que critique à sa sortie en février dernier aux États-Unis. Le résultat d'un pitch malin : le temps d'un week-end, Rose ( présente Chris Washington ( Daniel Kaluuya de Black Mirror) à ses parents, sans s'attendre à ce que la couleur de peau du jeune homme provoque leur animosité. Une comédie horrifique en forme de métaphore sur les rapports inter-communautaires outre-Atlantique, brillamment exécutée par le réalisateur Jordan Peele qui a, pour l'occasion, puisé largement dans ses expériences cinéphiles. La preuve par quatre.

30% de " Devine qui vient dîner ? " de Stanley Kramer (1967)

Au cinéma aussi, tout est une question de timing. Quelques mois après l'abrogation par la Cour Suprême d'une loi interdisant le mariage entre Noirs et Blancs, voilà que Stanley Kramer transpose sur grand écran une idylle interraciale. Dans un quasi-huis clos, le réalisateur met en scène la première rencontre entre John Prentice, médecin afro-américain, et les parents de sa petite amie blanche Joey. Bien que le long-métrage n'échappe pas aux stéréotypes (la bonne, incarnation de la " angry black woman "), et rechigne à montrer toute effusion de tendresse entre ses jeunes héros, il met avec brio une Amérique pseudo-libérale face à ses contradictions. Les Drayton se targuent d'être un couple d'intellectuels tolérants et impliqués dans la lutte pour les droits civiques, mais cachent difficilement leurs réticences à cette union peu banale pour l'époque. Cinquante ans plus tard, le prélude de Get Out prouve que cette hypocrisie est encore prévalente, notamment dans les strates les plus progressistes de la société (un couple de médecins démocrates). Balayant l'inquiétude de Chris d'un revers de la main (ou plutôt d'un sourire moqueur), Rose affirme que ses parents ne sont pas racistes car " ils auraient voté pour Obama une troisième fois ". Lui, n'est pas dupe, et voit sans surprise ses craintes se concrétiser. Le symbole d'une société américaine loin d'avoir surpassé ses clivages.

 

30% des " Femmes de Stepford " de Brian Forbes (1975)

De American Beauty à Weeds, la pop culture a toujours entretenu une relation ambiguë, faite d'amour et de fascination, avec la banlieue américaine. Au fil du temps, ces maisons proprettes, ces voisins aux sourires Colgate et aux descendances parfaites, sont automatiquement devenus synonyme d'un monde de faux-semblants. Mais jamais un long-métrage n'a autant capturé ce sentiment d'aliénation, déterré le monstre enfoui sous ces belles bâtisses, que cette brillante adaptation du roman d' Ira Levin. Quelle ironie de voir ce couple de New-yorkais, Joanna ( Katharine Ross du Lauréat) et Walter Eberhhart ( Peter Masterson), quitter le rythme survolté de la ville pour un enfer aux allures de paysage de carte postale. Stepford est peuplée de ménagères dénuées de fougue et d'aspérités, dont les comédiens de The Truman show ou les domestiques robotiques de Get Out sont de flagrantes réminiscences. De cette garden party étouffante, à la scène d'introduction (parodie de slasher), l'œuvre de Jordan Peele est aussi empreinte d'une paranoïa toute Polanskienne (période Rosemary's Baby et Le Locataire) mise en relief par ces jeux de regards, regards méfiants, regards intrusifs. Un parfum conspirationniste digne de certains thrillers des années 70.

 

25 % de " La nuit des morts vivants " de George A. Romero (1968)

" Get Out s'appuie sur le registre de l'horreur pour explorer les relations raciales aux États-Unis, comme cela n'a jamais été fait depuis La nuit des morts-vivants. Après 47 ans, il était temps ", affirmait Jordan Peele à Variety. Si Romero n'a jamais été à l'aise avec l'interprétation politique de son long-métrage, difficile de l'envisager comme un simple film de zombies, tant le casting de l'acteur noir Duanne Jones a donné une toute autre résonance à l'œuvre. En particulier cette scène finale où Ben est exécuté à tort par des rednecks le prenant pour un monstre, un lynchage sanglant comme un écho à tant de persécutions et à l'assassinat de Martin Luther King quelques mois auparavant. De son expérience cinéphile, Jordan Peele a retenu un enseignement essentiel : le film de genre est parfois le meilleur écrin pour transmettre un discours engagé, divertir sans en avoir l'air comme le message anti-Reaganien de John Carpenter dans Invasion à Los Angeles, ou la dénonciation de la brutalité policière (au détour d'une scène sous haute tension) dans Get Out.

 

15% de " Scream " de Wes Craven

Un homme noir, se promenant seul dans un quartier riche, poursuivi par une ombre... Et cette ambiance pesante, souvent annonciatrice du massacre imminent d'une scream queen. Tout en subvertissant les codes des slashers (le personnage noir qui meurt en premier, la banlieue chic antre de l'enfer) Jordan Peele pose d'emblée les fondations de son film qui, comme tout œuvre post-moderne, est jalonnée de clins d'œil et de références, à l'instar de la saga culte de Wes Craven. La rencontre entre Jason Blum (producteur des derniers M. Night Shyamalan) et l'autre moitié du binôme Key & Peele, résulte aussi (sans surprise) en une comédie horrifique où l'humour côtoie sans cesse l'épouvante. Absurdité et grotesque sont partie prenante de la mise en scène, à tel point qu'on songe immédiatement au grinçant The Visit, jouant aussi de cette partition sur l'invité indésirable pour livrer une farce explosive.

 

" Get Out " de Jordan Peele, en salles le 3 mai 2017.



Source : Vanity Fair


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