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Festival - Rendez-vous chez nous : Ouagadougou à l'heure des arts de la rue

  Culture & Loisirs, #

Par notre envoyée spéciale à Ouagadougou, Marion Garreau

À mesure que le soleil se couchait sur Ouagadougou, les lanternes taillées dans des calebasses s'illuminaient place de la Femme. C'est notamment sur ce lieu emblématique du quartier artistique de la capitale du Burkina Faso que s'installe tous les jours depuis jeudi le festival international des arts de la rue Rendez-vous chez nous. Une septième édition prélancée par une parade dans la ville samedi 6 février, puis officiellement inaugurée mercredi 10 février au village voisin de Komsilga.

Les attentats terroristes du 15 janvier, qui ont fait 30 morts, n'auront pas eu raison de cette rencontre devenue incontournable au fil des ans. Selon ses organisateurs, le festival a bénéficié du soutien du nouveau gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré pour maintenir les festivités et renforcer la sécurité. Les équipes de gendarmerie et de police nationales ont été plus que doublées, avec par exemple le déploiement inédit de 30 à 50 personnes circulant en civil ou en tenue parmi les festivaliers. La présence de l'agence de sécurité privée présente chaque année a aussi été intensifiée. " On bénéficie en plus de la vigilance des habitants du quartier, dont beaucoup sont venus spontanément nous proposer leur aide, explique Élodie Dondaine, chargée de la coordination et de la communication sur le festival. Pour tous ceux qui nous attendent chaque année, c'était important d'assurer le maintien des activités. "

Dans le public, l'ombre des tragiques événements s'est envolée. Les enfants, regroupés en nombre dès la sortie de l'école, rigolent devant les deux clowns de la compagnie française Nez rouge sur fond blanc, avant de s'émerveiller à la vue de trois échassiers venus du Togo. La magie est au rendez-vous, et le piquant également. Avec simplicité, mais non sans finesse, la pièce intitulée La Terrible Histoire de Thomas Sankara retrace la vie de ce révolutionnaire assassiné en 1987, aujourd'hui le héros national dont se réclame la jeunesse engagée, contre l'ancien chef d'Etat Blaise Compaoré. Les petits pouffent et s'esclaffent devant le jeu de scène clownesque des deux saltimbanques. Les grands affichent un sourire amusé devant cette histoire pleine de soufflets face aux maux de la politique. Une poignée de jeunes collégiennes, qui ont fait là une halte sur le chemin du retour de l'école, s'amusent à anticiper les chapitres de la vie du général tout en découvrant quelques détails nouveaux.

Médiation culturelle

Sur la petite scène montée à l'opposé de la place, un conte narrant le parcours de la Kényane Wangari Maathai, première femme africaine à recevoir le prix Nobel de la paix en 2004, se joue et se danse devant des dizaines de femmes, qui interrompent plusieurs fois la pièce par leurs applaudissements et dont les yeux trahissent l'émotion et la fierté. Les femmes sont également à l'honneur à travers une exposition de portraits photographiques de femmes " intègres ", à savoir des combattantes de la démocratie, affichés en grand sur la façade d'un maquis (nom des bars au Burkina Faso) bordant la place. Une des nombreuses références au thème de cette édition, intégrité et transmission. À croire que Rendez-vous chez nous a toujours un temps d'avance sur l'actualité : alors que le thème de 2014, démocratie et citoyenneté, a été choisi quelques semaines avant l'insurrection populaire contre Blaise Compaoré, celui de cette année s'affiche, sans le vouloir, comme un pied de nez au terrorisme. Autre signal d'engagement, Rendez-vous chez nous a été cette année parrainé par Michel Kafando, ancien chef d'État et chargé en 2015 d'assurer la transition démocratique du pays.

Faire oeuvre de citoyenneté

Scandant une parole politique et dénonciatrice forte, le festival entend aussi oeuvrer à la démocratisation et à la décentralisation de l'art. Si la capitale burkinabè concentre le plus de festivaliers, la rencontre se passe également dans six villages ruraux et finira le 21 février à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays. Au-delà de proposer des spectacles de qualité à un public qui en est habituellement éloigné, c'est toute une médiation culturelle qui se met en place. Les équipes travaillent plusieurs semaines en amont avec les élèves des écoles. Ces derniers participent aussi à un concours de dessins et de rédactions sur le festival afin que soit engagée une discussion sur leur perception et le sens des spectacles. Les habitants du quartier, eux, sont invités à participer à des ateliers de scénographie ou de danse avant le démarrage du festival. Un ancrage populaire cher à Boniface Kagambega, le fondateur et directeur artistique du festival. " L'important dans Rendez-vous chez nous, c'est que cela se passe chez nous, là où on vit, c'est-à-dire dans la rue et sous les baobabs, explique ce comédien marionnettiste de 38 ans. En s'insérant dans l'espace public, on cherche à transformer le vécu du tous les jours pour le changer en rêve. " Une transformation opérée par plus de 40 artistes et compagnies venus de toute l'Afrique de l'Ouest, du Canada et de l'Europe.

Entre humour et ambiance de kermesse

Dans un univers burlesque, la pièce Cabaret pour l'intégrité dénonce avec dureté les tares de la France-Afrique, dessinée sous la métaphore d'un couple, tout comme les droits bafoués des femmes. Évelyne Fagnen, qui s'est posé la question de savoir ce qu'était l'intégrité au pays des hommes intègres, s'est immergée dans les taxis et maquis de Ouaga pour écrire son texte, ensuite retravaillé avec les quatre comédiens burkinabè de la pièce pour que l'engagement soit commun. " Entrez sans visa, ici tout est permis. On peut se moquer et éclater de rire ", annoncent les acteurs à l'ouverture de leur cabaret, lieu de raillerie en France, lieu où les hommes boivent la bière traditionnelle de mil et où la parole se libère au Burkina Faso. Rires de l'assistance devant l'autopsie d'un dictateur, mines grisées à l'évocation du viol d'une enfant. " Ce sont des sujets très durs qui poussent normalement à pleurer, mais qu'on prend ici avec le rire ; c'est une bonne manière pour les évoquer et sensibiliser tout le monde ", estime un spectateur, conquis.

Au milieu des odeurs de frites et de brochettes grillées se mélangent des enfants de tous âges, le milieu artistique burkinabè, les habitants des quartiers alentour ainsi que des expatriés et Européens venus travailler autour du festival. Les vendeuses ambulantes se glissent parmi les spectateurs. Plus les heures passent, plus les enfants et les plus âgés laissent place à la jeunesse. Les spectacles s'effacent devant les concerts. Là encore, l'engagement est là, avec des slameurs qui plaident pour le pardon face aux balles ou pour un accès de tous à l'école, le tout sous les ovations du public. Près de 2 000 personnes étaient présentes le premier soir, plus encore le second, et cela n'a cessé de croître durant tout le week-end. Samedi est venu le très attendu rappeur Smockey, fondateur du Balai citoyen, mouvement populaire engagé dans la chute de Blaise Compaoré. La fête a offert du bruit et des poings levés.



Source : afrique.lepoint.fr


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Sebastien
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