Société, # |
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" Mieux vaut souffrir à l'étranger, que de rester pauvre chez soi ". Ce proverbe Sénégalais, plein de sens, a conditionné bien des vies et a changé mille et une trajectoires d'hommes et de femmes. Voilà maintenant plus de cinq décennies que l'émigration " nourrit ", " construit " et " améliore " des vies dans les pays d'origine, principalement le Sénégal pour notre cas. D'une migration de travail, nous sommes passés à une migration de sédentarisation avec le regroupement familial et les unions entre " sénégalais " et " français issus de l'immigration ". Les Soninkés et les Manjacks peuvent se faire fort d'être les précurseurs de ces formes d'émigration au Sénégal. Les villes portuaires de l'hexagone comme Marseille, Le havre, Dunkerque, Toulon furent les terres d'accueil de ces émigrés. Plus tard, les peuls leur ont emboité le pas avant que d'autres ethnies du Sénégal ne fassent de l'émigration un tremplin pour subvenir aux besoins de leurs familles. Rappelons juste que les Soninkés émigraient déjà en Afrique avant les années 70. Congo, Zaïre, Cote d'ivoire, Guinée, Gabon, Angola... furent leurs " terres promises ". Les récurrentes guerres civiles ont poussé la majorité d'entre eux vers l'Europe N'émigrait pas qui voulait !
On " profilait " pour ne pas dire " passait au crible " chaque probable candidat à l'aventure afin de se faire une idée précise sur ses aptitudes à " émigrer ". L'émigration était un espoir. Et, cette espérance ne devrait pas reposer sur les épaules de n'importe qui. Le bon comportement, la bravoure, le dévouement aux parents, le degré d'humanisme étaient quelques paramètres essentiels que les familles prenaient en compte avant d'envoyer un fils à l'émigration. La famille lui dictait sa conscience. L'émigré voyageait avec des valeurs : bravoure, générosité, respect, entraide. Des valeurs qui lui permettaient de vivre en communauté avec ses pairs. C'est ainsi que les immigrés africains ont pu vivre en foyer où l'organisation était quasi-similaire à celle préétablie au pays.
Quand tu débarquais, les ressortissants de ton village se pliaient en quatre pour faciliter ton insertion. Tu avais droit à un dortoir et ton repas était assuré par le village ( entraide ).Mieux, par le système " bouche à oreille ", les ressortissants et les sympathisants de ton village d'origine te cherchaient du travail. Ainsi, dès que tu prenais tes marques, avant même que l'on vienne te voir pour contribuer aux frais de la vie en communauté, tu prenais les devants pour pérenniser ce mode de fonctionnement en apportant ton aide ( % de ton salaire).
Ceci permettait de faciliter la vie dans l'immigration. Une organisation impeccable à l'époque. Nous étions tellement bien organisés que l'on ne sentait pas " le mal du pays ". Les foyers étaient des villages africains en miniature. On arrivait à " se construire une vie " et à construire nos villages. L'union fait la force. C'est indéniable.
Les plus " âgés " voire les " papas/oncles " faisaient office de " gestionnaires de patrimoine et de carrière ". A la fin de mois, nous leur confions nos salaires. A l'époque, les gens étaient honnêtes et fiables. Ils nous conseillaient sur la manière d'utiliser notre argent pour être de " bons émigrés " pour nos villages. On enlevait les frais de bouche et d'entretien, les cotisations villageoises et le reste était envoyé aux parents. Personne ne pouvait supporter que le grenier familial soit vide. Mieux vaut dormir le ventre vide que de laisser la famille sans ration alimentaire au village. Telle était notre devise ".
Beaucoup se " moquent " de l'organisation préétablie et " foulent aux pieds " les principes. Ils se rebellent contre les lois de la vie en communauté. La cuisine, le " toussé " *Soninké* ( cotisation mensuelle pour le repas quotidien ), les caisses villageoises, les prélèvements familiaux pour le ration alimentaire du pays, etc... sont autant de points d'achoppement entre les générations. En un mot, le sacrifice n'est plus d'actualité. On arrive à l'histoire de " Chacun, Quelqu'un, Quiconque et Personne ". Au final, chacun s'appuie sur l'autre pour prendre en charge les besoins de la famille. Mais, personne ne fera ce que quiconque pouvait faire. Ils adoptent des attitudes " égoïstes " au détriment de l'équilibre familial du pays. " C'est moi d'abord, les parents peuvent attendre " résumerait-on !
Incroyable ! A notre époque, c'était inimaginable. Les femmes travaillaient pour leur propre compte afin d'aider leurs parents du village également. Avec toutes ces chances, ils sont devenus " pleurnichards ", " individualistes " et " égoïstes ".
Quid des petits-enfants qu'ils enterrent sans les avoir connus ? Depuis 1989, nous enterrons nos morts au pays grâce à des conventions signées entre les caisses villageoises et les pompes funèbres. Et que dire de nos frères " sans-papiers " que l'immigration " engloutit " ? Certains restent des années sans voir parents et proches. Des mariages qui se défont parce qu'on a eu la chance d'obtenir les papiers à temps au pays pour aller " marier " la promise. Pis, certains ne reverront jamais leurs parents, si ce n'est dans une tombe. Nos enfants grandissent derrière nous. Les femmes souffrent de la solitude. Nos maisons sont vides. Des gens véreux, hébergés pour les besoins de leur travail, des commerçants, des fonctionnaires prennent leurs aises chez nous jusqu'à commettre des actes irréparables. Plus de bras valides dans nos contrées avec comme conséquence le délaissement de l'agriculture, de la pêche et de l'élevage. Le changement de nos habitudes alimentaires est devenu une réalité. Le Soninké ne boit plus sa " bouillie " matinale. Le peul ne boit plus son lait frais du matin...
Nous devrions suivre le modèle de nos grands-parents. Ceux qui émigrent assurent la dépense quotidienne. Les résidents, à défaut de métiers rémunérateurs, s'activent dans l'agriculture pour assurer une certaine subsistance. Un célèbre chanteur Soninké avait raison de dire : " Nous ne devons pas tous émigrer. Si tout le monde part qui s'occupera du fagot de bois pour la cuisine ". C'est amusant ! Mais, sa " taquinerie " revêt un sens profond. Elles ne veulent pas quitter le semblant de confort occidental pour les dures conditions de vie de nos villages. Et pourtant, elles sont toutes venues de ses localités, jadis très délabrées, que nous avons équipées à coup de milliards : écoles, centre de santé, cabinet dentaire, échographie, restaurants, boulangeries, alimentations générales... Nos contrées ont changé de visage. C'est une réalité.
" Si on fait tout à la place de l'Etat, ce dernier minimisera nos besoins. Il ira porter secours à d'autres contrées démunies alors que nous avons autant besoin d'un soutien étatique ", disent-ils. Du régime socialiste au régime actuel en passant par le règne " sopiste ", aucun gouvernement n'a pris à bras le corps les revendications des émigrés. L'expertise des émigrés n'est pas très valorisée localement. Leurs projets ne sont pas soutenus. Les échecs des uns découragent les autres. Escroqués, " pigeonnés ", ils ne croient plus à l'investissement local. A cela, il faut ajouter les lourdeurs administratives au niveau du pays. On les considère comme des " vaches laitières ", de l'aéroport à leurs villages. Policiers, gendarmes, agents administratifs, chauffeurs de taxi, maçons, menuisiers, etc...tout le monde veut se faire de l'argent sur le dos de l' émigré. Ainsi, l'entreprenariat des sénégalais de l'extérieur se limite à l'immobilier. Un secteur très porteur mais " saturé ".
Il a frappé à toutes les portes sans aucun avis favorable. Il est réduit à faire du " Gorgoorlu " dans les chantiers des proches pour tirer son épingle du jeu. L'état est absent dans une certaine mesure. Fort de ce constat, il est quasi-normal de faire de l'émigration une priorité surtout que l'on voit très souvent ses anciens camarades ou cousins débarquer au pays avec des moyens conséquents. De plus, 90% des hommes de sa famille ont émigré. Barcelone ou Barzakh prend sa source de ce genre de frustrations. Quid du " sans diplômé " qui rêve toutes les nuits de se faire une place au soleil ? L'émigration devient une voie royale. Une issue de secours !
Sinon, il faut s'investir dans la politique pour faciliter son retour. Ils sont nombreux des jeunes étudiants qui sont rentrés via cette rampe. Au demeurant, c'est une très bonne. Ne dit-on pas que la fin justifie les moyens ? Il faut qu'on arrive à convaincre les jeunes que les millions dépensés pour prendre l'avion sans assurance de trouver un travail en occident doivent servir plutôt à démarrer une entreprise. Mais, il faut un accompagnement sérieux de l'Etat sinon personne n'osera mettre son argent au profit de l'économie sénégalaise. Il faut que l'Etat innove et mette en place des structures adéquates et des garanties nécessaires pour " capter " cette manne financière sous forme d'investissements locaux. " L'Afrique est l'avenir " nous chante-t-on ? Admettons ! Ce qui est sur sans politique concrète et efficace, l'émigration restera la seule issue de secours pour le jeune sénégalais. Par politique sérieuse, je pense à la fin de la corruption, du favoritisme, de la promotion des médiocres, du vol impuni des deniers publics et de la politique politicienne. Mettre les hommes qu'il faut à la place qu'il faut. Mobiliser les ressources du pays dans des secteurs clefs : agriculture/Elevage, éducation, infrastructures, recherche, création d'entreprises.. bakelinfo.com | |||
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