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Haïti : l'impossible reconstruction ?

  Politique, #

Cinq ans après le tremblement de terre qui a fait plus de 230 000 morts et dévasté la capitale, la reconstruction d'Haïti est menacée par l'instabilité politique. Lundi 12 janvier, date anniversaire du séisme, a aussi marqué un nouveau tournant dans la crise. Le mandat du Parlement, dont les membres n'ont pu être renouvelés en raison d'un retard de trois ans dans l'organisation des élections, a pris fin.

Les manifestations antigouvernementales ont provoqué la démission du premier ministre, Laurent Lamothe, en décembre 2014. Son successeur désigné, Evans Paul, n'est toujours pas entré en fonctions, faute d'accord entre l'exécutif et le Parlement. Dimanche 11 janvier, le président Michel Martelly, contesté dans la rue par des manifestations quasi quotidiennes, et une vingtaine de dirigeants politiques ont toutefois signé un accord prévoyant la tenue de nouvelles élections avant la fin de l'année 2015.

Dans ce climat d'affrontement et de vide de pouvoir, l'organisation des cérémonies de commémoration du séisme est passée au second plan. Le Mémorial du 12 janvier n'est toujours pas terminé à Titanyen, une zone désolée au nord de la capitale où des dizaines de milliers de corps ont été enfouis à la hâte dans les jours qui ont suivi le séisme. Les amoncellements de gravats ont disparu, mais ni le palais présidentiel, ni la cathédrale, ni aucun autre bâtiment emblématique de la capitale n'a été reconstruit.

60 000 expulsions forcées

" Beaucoup a été réalisé, mais bien du travail reste encore à faire ", a clamé le pape François à l'ouverture d'une conférence qu'il a convoquée, samedi 10 janvier à Rome, " pour maintenir l'attention sur un pays qui souffre encore des conséquences de cette catastrophe ".

Cinq ans après le désastre qui a détruit ou endommagé plus de 300 000 édifices, jeté plus de 1,5 million de personnes à la rue et provoqué des dégâts évalués à 7,8 milliards de dollars (6,6 milliards d'euros, soit 121 % du PIB de 2009), le bilan de la reconstruction est mitigé. Le mot d'ordre " reconstruire en mieux ", répété par l'ancien président des Etats-Unis Bill Clinton lorsqu'il était envoyé spécial de l'ONU pour Haïti, est largement resté un vœu pieux.

Selon Harry Adam, qui dirige l'unité publique de construction de logements, il reste un peu moins de 70 000 sans-abri dans les camps de fortune. " Malheureusement, l'intérêt de la communauté internationale est retombé alors que des dizaines de milliers de personnes sont toujours sans abri et vivent dans la misère ", déplore Chiara Liguori, responsable d'Amnesty International pour les Caraïbes.

" Malheureusement, l'intérêt de la communauté internationale est retombé alors que des dizaines de milliers de personnes sont toujours sans abri et vivent dans la misère ", déplore Chiara Liguori, d'Amnesty International

L'ONG vient de publier un rapport dénonçant les expulsions forcées de plus de 60 000 personnes qui avaient trouvé refuge dans les camps improvisés après le séisme. Les conditions de vie dans les 123 camps qui subsistent sont de plus en plus difficiles : un tiers des habitants n'ont pas accès à des latrines et une augmentation des cas de choléra y a été constatée ces derniers mois. L'épidémie a tué 8 000 Haïtiens.

Moins de 20 % des solutions de relogement proposées peuvent être considérées comme durables. Cinq cents millions de dollars, soit une grande partie des fonds d' aide au logement, ont été dépensés pour la construction de 114 000 " T-shelters ", des abris provisoires conçus pour durer de trois à cinq ans. Leur coût unitaire estimé à 1 500 dollars s'est élevé à 4 226 dollars et nombre d'entre eux sont en piteux état. " Les programmes temporaires partent d'une bonne intention, mais ils ne sont qu'un emplâtre sur une jambe de bois ", observe Chiara Liguori.

 

Pour vider les camps, un programme de subvention des loyers a été mis en place avec des financements internationaux. Mais " l'allocation de retour " de 500 dollars versée aux déplacés acceptant de quitter les camps et supposée couvrir un an de loyer a été jugée insuffisante par nombre d'entre eux. Surtout lorsque au bout de quelques mois, ils n'avaient toujours pas trouvé d' emploi ou de source de revenus dans ce pays où le taux de chômage dépasse 40 % et où 6 des 10 millions d'habitants vivent avec moins de 2,40 dollars par jour. Le problème foncier, marqué par l'absence de cadastre et de titres de propriété, et le manque de coordination entre les multiples intervenants - dont près d'une dizaine de milliers d'ONG peu après le séisme - ont entravé le relogement.

" Efficacité moindre que prévu de l'aide "

Plusieurs projets ont tourné au fiasco. Inauguré en 2011 par le président Martelly et Bill Clinton, le complexe Le Zorange est à l'abandon. Les infrastructures n'ont pas été construites et les maisonnettes n'ont jamais été terminées. Même constat à Morne-à-Cabrit au nord de Port-au-Prince. Ce projet de 3 000 logements sociaux, financé à hauteur de 44 millions de dollars par PetroCaribe, le fonds de coopération vénézuélien, a été inauguré en mai 2013. Sans services, trop difficile d'accès, sans emploi à proximité et avec des loyers trop élevés, ce projet est un échec. La plupart des logements, à l'abandon, ont été vandalisés.

Une cinquantaine de pays et d'organisations internationales ont promis 12,4 milliards de dollars d'aide humanitaire et de développement et d'annulation de dette après le séisme. Selon le dernier décompte des Nations unies, 80 % de ces fonds ont été déboursés. D'après une récente évaluation du cercle de réflexion américain Center for Economic and Policy Research, les grands bénéficiaires de l'aide des Etats-Unis n'ont pas été le gouvernement ou les entreprises haïtiennes, mais des compagnies américaines bien introduites à Washington.

Dans un rare document autocritique publié le 4 décembre 2014, le Fonds monétaire international reconnaît que la croissance attendue de la reconstruction n'a pas été au rendez- vous. Outre " la faible capacité d'absorption de l'Etat fragile " haïtien, le FMI constate " l'efficacité moindre que prévu de l'aide ".

Face à " la fatigue " et aux difficultés financières des bailleurs de fonds traditionnels d'Haïti, le Venezuela est devenu ces dernières années l'un des principaux donateurs à la République caraïbe par le biais de son programme PetroCaribe de fourniture de produits pétroliers à des conditions préférentielles. " La difficile situation macroéconomique au Venezuela " pourrait provoquer une remise en cause de ce programme et aggraver encore la crise haïtienne, craint le FMI.

lemonde.fr


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