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Haïti - Trouillot : "La France nous a fait violence"

  Politique, #

Alors que François Hollande est en visite en Haïti, l'écrivain Lyonel Trouillot attend de la France qu'elle fasse son mea culpa sur le colonialisme.

 

 

 

François Hollande est en Haïti. Ce ne sera pas, espérons-le, une visite par défaut ni un simple retour de politesse au président Martelly. Mais bien une action politique dont la portée ne voudra pas être que symbolique : l'acte fondateur de quelque chose de nouveau, de plus humain et d'efficace dans la relation entre les deux pays.

 

L'occasion peut-être de penser ce qu'en Haïti la France n'a pas su faire, dire ni entendre. L'occasion d'exprimer la volonté de réparer, au moins au sens de corriger, mieux faire. Car la France nous a fait violence. Il lui faudra, déjà sur le passé colonial, reconnaître pour crime ce qui ne fut qu'un crime. Ne plus adopter l'oubli comme stratégie d'autodéfense. Ne plus chercher de justification à la barbarie coloniale. La reconnaître comme telle. Car comment peut-on demander à celui qui a souffert de banaliser sa propre souffrance et lui proposer des liens d'amitié ? L'amitié n'est possible que dans la pleine reconnaissance de ses torts, ce qui permet enfin de parler d'autre chose.

Silence ou injure

Le traitement de la figure de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de l'État haïtien, dans l'historiographie française, marqué par le silence ou l'injure, témoigne de cette difficulté de comprendre Haïti. La France a joué Toussaint Louverture contre Dessalines. L'un est devenu, longtemps après sa mort, un général français et martyr de la liberté. Une figure acceptable, inscrite au panthéon. L'autre n'est toujours pas reconnu pour ce qu'il fut, l'un des premiers dirigeants politiques de l'Amérique postcoloniale et le symbole de la rupture avec l'inacceptable. Nier Dessalines ou le banaliser, c'est nier et banaliser la naissance d'Haïti à elle-même.

Et puis cette langue qui est restée en Haïti et fonctionne encore comme outil d'exclusion dans une société où le déficit de citoyenneté demeure une évidence. Deux langues (le créole et le français) pour une minorité, et une langue (le créole) pour la majorité. La double peine : la seule langue de la majorité des Haïtiens encore dévaluée malgré quelques progrès, et la deuxième langue des Haïtiens privilège d'un petit groupe. La France a peu aidé à changer cette situation. Elle pourrait pourtant, devrait peut-être, agir dans ce domaine : contribuer à la formation des maîtres, vers un enseignement et des usages plus dynamiques du français...

Deux visions de la France

Et puis la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, terres voisines avec lesquelles renforcer les liens, les normaliser dans le sens d'une coopération entre les éléments de cette grande Caraïbe.

Et ce retrait étonnant, décevant même, sur le plan de la politique culturelle. Des abandons et des choix pas toujours judicieux. Là où, justement, il conviendrait peut-être d'aller vers des activités qui touchent plus que le petit groupe de privilégiés. Je ne peux, à titre d'exemple, m'empêcher de penser au festival Étonnants Voyageurs que la France regarde avec réticence, alors que le gouvernement haïtien maintient sa participation financière. Dix villes haïtiennes. Deux mille écoliers plus le grand public. La chance pour eux tous de rencontrer des écrivains venus de partout. Afin que ce ne soit pas toujours les mêmes, les "connectés", qui aient accès aux biens et services culturels.

Il y a en Haïti deux visions de la France, celle des élites et celle des masses populaires. C'est sur celle des masses populaires qu'il faudra agir pour qu'elles voient enfin en la France une amie.

 



Source : www.lepoint.fr


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