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Humour - Tatiana Rojo : "Mettre en avant l'Afrique du terroir"

  Culture & Loisirs, #

Petit bout de femme au bagout indomptable, Tatiana Rojo surfe sur la vague du succès avec son one-woman-show " Amou Tati, la dame de fer ". Dans ce spectacle dédié à sa mère et mis en scène par Eric Checco, la comédienne campe près d'une douzaine de personnages loufoques qui, entre la Côte d'Ivoire et la France, mettent en lumière son propre vécu. Le spectacle débute sur le marché d'Adjamé, à Abidjan. On y retrouve Michelle, vendeuse de tubercules de manioc et d'aubergines, mère de quatre filles. Pauvre et mère célibataire mais pieuse et bonne vivante, cette femme nous entraîne au cœur de situations cocasses qui mettent en scène le choc de générations entre elle-même et ses quatre filles : Nachou, Antou, Bella et Amou Tati. Quatre jeunes ivoiriennes pour quatre destins qui se jouent entre leur ville natale et leurs rêves d'Occident. Les saynètes sont hilarantes et se veulent un hommage à toutes les mères du monde. Présentée à deux reprises au Festival d'Avignon, " Amou Tati, la dame de fer " fait un malheur, portée par Tatiana Rojo, née au Havre d'une mère ivoirienne et d'un père gabonais, et qui, entre petit et grand écran, fait aussi le bonheur des salles de théâtre*.

Le Point Afrique : dans votre one woman show, vous décrivez le quotidien d'une mère et les aspirations de ses quatre filles, dont l'une se prénomme Amou Tati. Qui est véritablement la dame de fer dans ce spectacle ?

Tatiana Rojo : la dame de fer est un peu l'ensemble de ces femmes. C'est la voix qui permet à cette mère et ses filles de se relever et de tenir bon malgré les déconvenues. La dame de fer est aussi ma mère à qui j'ai dédié ce spectacle. Je le rappelle à chaque fin de show peu importe où je joue que ce soit en Guyane ou à Cuba. Je n'ai pas eu la chance de donner à ma mère tout ce que j'aurais voulu car elle est décédée au moment où j'ai vraiment commencé à plus ou moins percer. Ma mère est mon héroïne. C'était une femme avec un caractère dur mais elle était pleine d'amour et de tendresse. Même en ayant les pieds dans un trou, elle nous a permis, à moi et mes sœurs, de regarder vers le ciel. Nous n'étions pas riches mais elle nous a poussées à espérer. Pour elle, nous n'étions pas n'importe qui. Nous n'avions pas droit au découragement. Elle priait du matin au soir. Quand j'ai débuté le spectacle sous le nom " Amou Tati à l'état brut ", je ne pouvais pas me lancer sur scène sans avoir ma mère au téléphone. Aujourd'hui, c'est un peu dur de continuer à jouer ce spectacle sans elle. Ma mère est le plus beau cadeau que j'ai reçu mais que j'ai aussi perdu.

Amou Tati est votre nom de scène... D'où vous vient-il ?

En effet, Amou est mon nom de scène mas aussi mon véritable nom. Dans ma langue maternelle, le bété, " amou " signifie " moi ". " Tati " est le diminutif de Tatiana. Ainsi, " Amou Tati " signifie littéralement " Moi, Tati ". Avec ce titre, j'indique que les personnages du spectacle me représentent. Ils reflètent le naturel, ce côté brut de décoffrage que l'on peut avoir au fond de soi. C'est une locution qui rappelle la façon d'avoir confiance en soi et de se mettre en avant au pays. Aussi, il faut y mettre le ton : " Amou Tati ! " (rires).

Dans " Amou Tati la dame de fer " vous jouez sur différents accents, tantôt ivoirien, tantôt franchouillard, et endossez plusieurs rôles... Quel est votre personnage favori ?

J'ai une préférence pour Amou Tati, la " marcheuse ". Car, c'est tout moi. Mon premier conjoint m'a tellement fait marcher ! (rires) " Amou Tati, la dame de fer ", c'est Amou Tati qui raconte sa mère. Après le premier spectacle, il fallait comprendre d'où venait la détermination de cette jeune femme. Eric Checco, mon metteur en scène a pensé qu'il serait plus intéressant d'intégrer une dramaturgie au spectacle. Ainsi, la mère se retrouve au centre de l'intrigue et l'ensemble de ses filles, mes multiples vies, gravitent autour d'elles. Car il ne faut pas oublier que la mère a toujours eu ce dilemme : payer son loyer ou faire en sorte que ses filles soient à l'aise. Elle a préféré ne pas le payer, laissant sa dette grossir. Tout cela pour le bien de ses filles. Résultat, les filles s'en sont sorties et cela la rend heureuse plus que tout autre chose. La dame de fer a quelque chose d'universel. Elle aurait pu être une mère arabe ou une mère juive.

Vous dansez également...

J'ai appris à danser à l'école. J'arrivais du Havre et je me suis retrouvée à danser au bal de chaque fin d'année scolaire à San Pedro. Je dansais tellement mal ! ( rires ). Les gens venaient exclusivement regarder la " blanche-noire " que j'étais sur la piste. Par la suite, j'ai observé, et c'est comme cela que j'ai appris. Je ne suis pas une grande danseuse. Il ne faut pas croire tout ce que vous voyez sur scène (rires). Je ne fais qu'imiter.

Ce spectacle pose la question du choc des cultures entre la Côte d'Ivoire et la France. Et c'est un peu votre histoire. Pensez-vous que l'humour est la façon la plus simple d'appréhender cette problématique ?

On demande souvent aux comédiens d'être politiciens et aux politiciens d'être comédiens. Même si je suis quelqu'un d'engagé, mon travail est de monter sur scène et de raconter mon histoire. Une histoire qui pourrait faire changer les choses. Quand mon personnage dit, par exemple, que le cacao ne pousse pas à Genève mais qu'en Suisse, ils sont tous chocolatiers, c'est une sorte de message subliminal. L'argent... N'est-ce pas à cause de l'argent qu'il y a tant de guerres dans notre monde actuel ? Aussi, j'expose des faits en tant que comédienne. Une telle a épousé un Français, l'autre, un Canadien, ... Je raconte simplement ce qui peut se passer et si, par la suite, cela peut faire réfléchir, tant mieux.

Quel message souhaitez-vous faire passer à travers ce spectacle ?

Je ne sais pas si je peux parler de message à proprement parler. Mais je sais que ce spectacle peut arriver à réconcilier des peuples. En Guyane, une femme est venue me voir après la représentation, les yeux embués de larmes. Elle m'a dit que j'avais réussi à la réconcilier avec l'Afrique. Elle disait qu'elle avait toujours cru que les Africains avaient vendu le peuple aujourd'hui guyanais. Après m'avoir vu sur scène interpréter cette dame de fer africaine, elle m'a confiée qu'elle y avait vu sa propre grand-mère. Elle s'est reconnue à travers les différents personnages. J'en ai eu la chair de poule. J'étais vraiment contente. Il y aussi des gens qui me disent que grâce à moi, ils sont retournés au pays. Mettre en avant l'Afrique du terroir, celle que l'on ne voit pas à la télé, c'est ce que porte " Amou Tati, la dame de fer ". Je suis contente d'avoir créé ce spectacle parce que cela a été une façon de saisir ma chance. J'invite les jeunes à faire de même. En créant, on inspire les autres. Sur scène, je montre une Afrique dynamique et inventive à travers tous les personnages que la " dame de fer " côtoie.

Vous faites également votre bonhomme de chemin au cinéma dans des films comme " Les rayures du zèbre " ou " Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? ". Direz-vous que vous êtes une actrice française ou ivoirienne ?

Je suis une actrice tout court. Mais si l'on me met dans la case des actrices africaines, cela me fait tout autant plaisir. Être une actrice africaine implique d'avoir tant de rôles à jouer. On ne se rend pas compte à quel point l'Afrique est vaste et multiculturelle. Il faudrait plusieurs vies pour incarner une Africaine. On a tendance à oublier que l'Afrique est un continent. Parfois, on me demande si cela ne me dérange pas de souvent décrocher des rôles de femmes africaines. J'en suis plus que fière ! Est-ce que l'on poserait cette question à une comédienne européenne ?

Le spectacle connaît un franc succès. Quels projets menez-vous en parallèle ?

Je suis actuellement en tournage dans un film avec Julie Gayet qui évoque le harcèlement entre jeunes adolescents. Je viens tout juste de recevoir le prix de la meilleure actrice au Festival du film de Montréal pour mon rôle dans " Danbé, la tête haute " (diffusé sur Arte en France ndlr). Je travaille sur un long-métrage consacré à Marie Sery Kore, l'une des figures de la lutte pour l'indépendance en Côte d'Ivoire. J'en suis la co-scénariste et devrais interpréter le rôle titre. C'est un projet qui me tient particulièrement à cœur. J'ai aussi l'intention d'écrire un nouveau spectacle.

* Actuellement, à l'Apollo Théâtre, dans le 11e arrondissement de Paris, tous les jeudis à 21 heures.



Source : afrique.lepoint.fr


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