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Imaginer la rue Hitler, Paris 10ème ... Plus de 150 ans après l'abolition de l'esclavage, les traces urbaines perdurent

  Société, #

" 49 rues honorent des personnes qui ont participé à la traite des Noirs, bien que la loi ait qualifié ces actes de crime contre l'humanité. ", déclarait à Totem Karfa Diallo, président de l'Association Internationale Mémoires & Partages, en mars 2014. Adjoindre à ces panneaux de voirie des explicatifs historiques est, depuis 2009, l'une de leurs revendications. En ce 10 mai, qui marque les commémorations de l'abolition de l'esclavage, petit tour d'horizon de nos villes du littoral.

Les ports de Nantes et Bordeaux drainaient 60% du morbide commerce triangulaire français, au XVIIème siècle. Ces villes ont oeuvré pour mettre fin à la dissimulation de leurs exactions passées: à Bordeaux, un grand espace du musée d'Aquitaine y est dédié depuis 2009, qui montre l'essor d'une ville adossé à un commerce aussi florissant que meurtrier. La hausse de fréquentation du musée témoigne de son intérêt historique.

 

A Nantes, le Mémorial de l'abolition de l'esclavage, inauguré en mars 2012, remet en perspective l'exploitation de l'homme par l'homme, rappelant que l'ONU dénombre aujourd'hui encore pas moins de 27 millions d'êtres humains réduits en esclavage. Le Havre porte un projet similaire.

Nous avons pu joindre Karfa Diallo, en séjour à Dakar dans l'un des sièges de son association, qui nous signale sa présence à La Rochelle le 20 mai prochain : une statue en l'hommage de Toussaint l'Ouverture y sera inaugurée, dans la cour intérieure d'un hôtel particulier d'anciens armateurs.

Effets de contraste

Ces efforts municipaux ont un résultat paradoxal: les actes des négriers sont dénoncés dans des musées et, non loin de là, les mêmes personnages sont immortalisés par des rues qui portent leur nom.

Serait-il plus simple de construire un monumental mémorial de béton et de verre que de changer des plaques métalliques à quelques intersections?

Karfa Diallo n'est pas vindicatif, il prône avant tout le dialogue et réfute la polémique : " C'est un héritage encombrant dont aucun élu n'est caution. Il faut replacer ces honneurs dans le contexte de l'époque. " Il soutient même que débaptiser les rues serait contre-productif, avec le risque de taire un passé qu'il ne faut pas nier, mais plutôt prendre en compte pour avancer ensemble. Ce qui n'enlève rien à sa combattivité : " La mémoire doit être respectée. Sur la question de rendre la signalétique urbaine exemplaire, nous ne lâcherons pas ". Ce qui suppose, à minima, d'ajouter au bas des rues concernées des panneaux de re-contextualisation historique.

Marik Fetouh, adjoint au maire de Bordeaux depuis 2014, nous donne son point de vue : " Il y a un travail historique à réaliser, au niveau universitaire notamment. Dans le cas de la cour Gutenberg (famille d'armateurs), on doit s'assurer de quel membre de la famille il est question, par exemple ". Si la mairie ne s'est pas engagée à revoir les plaques de rues, elle tient régulièrement un " Conseil Consultatif de la Diversité ", où ces questions sont abordées ; l'association Mémoire&Partages y participe parmi d'autres. Marik Fetouh ajoute : " L'étude historique doit se faire en amont, en aval restera un travail de consensus. " Mettre à disposition du public un condensé d'histoires complexes, en quelques lignes, suppose des choix qui requièrent délibérations, on le conçoit.

Caricatural fut le choix fait pour la rue Guillaume Grou, à Nantes. Cet armateur qui a affrété des navires remplis d'esclaves durant la moitié du XVIIIème siècle, y est présenté comme le " Fondateur de l'Hospice des Orphelins ". En face de cette "bio" scandaleusement tronquée, nous avons réalisé un montage d'une autre version :

Une simple plaque contient péniblement les horreurs de ces armateurs. Remettre une plaque sans mention des actes de pseudo-bienfaiteur de Guillaume Grou, ne serait pas un acte superflu. Malheureusement, la ville de Nantes n'a pas trouvé le temps de nous exprimer sa vision.

Les esclavagistes ne sont pas seuls à peupler étrangement les noms de rues, ainsi d'Adolphe Thiers, homme d'État protagoniste du massacre de la "Semaine Sanglante" à Paris en 1871. Son nom se retrouve dans de nombreuses villes comme Grenoble, où le collectif des "contreplaquistes" a payé d'un procès, en 2007, sa manifeste indignation.

 

Nos villes recèlent un gisement de controverses historiques. Les agrémenter de panneaux explicatifs grand format, au bas des rues, serait un acte de décence, de mémoire et de pédagogie. Et n'enlèverait rien à l'intérêt de nos déambulations urbaines, petits ou grands.


Source : www.totem-world.com


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alioum
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