Devenez publicateur / Créez votre blog


 

J. Owono: "L'Internet gratuit de Facebook n'est pas une aubaine pour l'Afrique"

  Société, #

C'est l'un des hommes les plus influents et les plus riches du monde. La semaine dernière, Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, a fait sa première tournée en Afrique. Il s'est arrêté au Nigeria et au Kenya. Officiellement, il est venu à la rencontre des startup africaines. Mais en réalité, le jeune tycoon américain vise un milliard de nouveaux clients. Explications de l'avocate Julie Owono, du bureau Afrique de l'ONG «Internet sans frontières». Elle répond aux questions de RFI.

 

RFI : Pourquoi cette première tournée africaine de Mark Zuckerberg ?

Julie Owono : La tournée africaine de Mark Zuckerberg coïncide certainement avec son objectif et son projet actuel qui est celui de participer à la connectivité du prochain milliard d’internautes du monde à travers notamment son service, le service de sa société Free Basics qu’on appelle aussi Internet.org. L’idée de ce service est de fournir internet gratuitement aux plus démunis de la terre, ce qui parait de prime abord excellent et très louable. Pourtant nous pensons que l’enfer est pavé de bonnes intentions et dans le cas de Free Basics il y a au moins deux tromperies sur lesquelles il faut insister. La première c’est que Facebook ne propose pas un accès gratuit à internet à travers Free Basics, c’est à dire un accès à tout le savoir créé et constitué par l’humanité jusqu’à présent, mais simplement à Facebook, d’une part, et surtout à d’autres sites de base que Facebook aura présélectionné. La deuxième chose sur laquelle nous pensons qu’il y a tromperie, c’est évidemment la question de la gratuité. Il y a un adage bien connu qui dit que si un produit est gratuit, c’est que c’est vous la marchandise. Et en l’occurrence, effectivement, la question des données personnelles de ceux qui utilisent Free Basics se pose. Quand vous souscrivez ce service-là, vous acceptez que Facebook partage vos données personnelles avec des tiers. Or, on ne sait pas qui sont ces tiers. Tout ceci concourt à dire qu’évidemment, Free Basics n’est pas une bonne aubaine pour les pays africains. Et d’ailleurs, on se souvient que plus tôt cette année cette même proposition avait été refusée par le gouvernement indien, après que celui-ci ait été convaincu par une note des membres de la société civile, qui se sont tous accordée à dire qu’aussi bien sur le point de la vie privée - les données personnelles - que sur la question de la neutralité du net, c’est-à-dire le fait de ne pas choisir quel contenu sera délivré à un utilisateur d’internet, sur ces deux points-là l’entreprise Facebook ne proposait pas un service qui corresponde à l’architecture et à la philosophie d’internet.

Alors je crois que sur ce fameux produit Free Basics, qui est censé être gratuit, les produits Google comme YouTube ne sont pas gratuits. C’est ça ?

Ce qui n’est absolument pas surprenant puisque Google et Facebook se mènent une guerre commerciale en ce moment sur le continent africain, qui est effectivement le continent où l’on espère facilement connecter le prochain milliard.

Vous dites que Facebook et Mark Zuckerberg veulent obtenir les données personnelles d’un milliard de nouveaux internautes africains, sans doute de partager ces données personnelles avec des annonceurs publicitaires, mais est-ce que Facebook et Zuckerberg ne font pas déjà cela pour des centaines de millions d’Américains et d’Européens ?

Oui, mais en Europe par exemple, désormais il y a eu un règlement européen qui prévoit, qui impose à ces entreprises-là – en tout cas, ça a été l’objet de discussions – que les données personnelles des Européens soient stockées dans des serveurs qui sont situés dans l’Union européenne. C’est la première chose. Et la deuxième chose c’est que l’Union européenne impose à ces opérateurs économiques américains de respecter la législation en vigueur sur la protection des données personnelles. C’est ce même mouvement-là qui devrait être impulsé sur le continent africain et qui malheureusement n’existe pas pour l’instant puisque toutes ces entreprises-là viennent, signent des contrats, rencontrent les chefs d’Etat comme ce fut le cas de monsieur Zuckerberg avec monsieur Buhari, le président du Nigéria, sans qu’à aucun moment ces questions-là ne soient posées. Or, la question des données personnelles ce n’est pas simplement une question qui concerne l’individu. Ça concerne l’Etat dans son ensemble et ça concerne in fine des questions de souveraineté. Quand vous laissez à une entreprise privée le pouvoir de savoir ce que vos citoyens pensent, ce qu’ils mangent, où ils vont, avec qui, pourquoi… Vous imaginez bien le pouvoir que ça donne à une entreprise privée, qui de fait se retrouve beaucoup plus puissante que l’Etat.

Mais Julie Owono, quand on a le choix entre le fait d’être connecté grâce à Facebook et le fait de ne pas être connecté du tout, est-ce que la première solution ne s’impose pas ?

Evidemment, pour une personne qui n’a pas d’autre solution, bien sûr, on ne peut pas la blâmer. Ce n’est pas du tout ce qu’on est en train de faire. Au contraire, on est plutôt en train d’essayer de convaincre ceux qui ont la capacité d’agir sur la question de la connectivité en Afrique puisque c’est de ça véritablement dont il s’agit. C’est vraiment la question de la connectivité de tous les citoyens sur le continent africain, quelle que soit leur situation sociale. Et ça, ce n’est pas de la responsabilité de Facebook. Je suis désolée, ce n’est pas à Facebook d’aller connecter des citoyens en Afrique, comme ce n’est pas à Facebook de le faire en France. C’est à l’Etat de prendre sa responsabilité, la puissance publique.

Le 1er septembre dernier, pendant la visite de Marc Zuckerberg à Nairobi, devait décoller de Cap Canaveral une fusée qui devait mettre en orbite un nouveau satellite en partenariat avec le Français Eutelsat, un satellite qui devait connecter Facebook avec l’Afrique. Manque de chance, la fusée a explosé au décollage. Est-ce que cela contrarie les projets du jeune prodige de Facebook ?

Non, je ne pense pas que ça les contrarie. On a vu que sa visite a été saluée dans pratiquement toute la presse spécialisée et non spécialisée d’ailleurs, d’Afrique et son projet Internet.org donc Free Basics, est déjà disponible dans plus d’une vingtaine de pays et certainement peut-être d’autres seront convaincus. Donc ce n’est pas la chute de sa fusée qui va contrecarrer ces entreprises, mais c’est la prise de conscience de nombreux consommateurs, de nombreux citoyens africains, sur les questions de données personnelles, de neutralité, et évidemment pour les Etats de souveraineté.


Source : RFI


PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE

Pas de commentaire

Pas de commentaire
 
celine
Partagé par : celine@Republique Dominicaine
Fan de la culture black
VOIR SON BLOG 127 SUIVRE SES PUBLICATIONS LUI ECRIRE

SES STATS

127
Publications

11129
J'aime Facebook sur ses publications

637
Commentaires sur ses publications

Devenez publicateur

Dernières Actualités

Pas d'article dans la liste.