Le cyclonomade agenais, Jacques Sirat effectue le tour du monde à vélo depuis juillet 2011. Il poursuit sa découverte du continent africainet en ce moment du Lesotho.

Le mauvais état de la piste auquel s'associe un vent violent semblent vouloir m'empêcher de pénétrer plus à l'intérieur du royaume du Lesotho. Je suis lessivé, vidé de mes forces, frigorifié malgré l'effort. J'avance tel un automate n'effectuant même pas de pause pour m'alimenter.

Parfois, quelques parois rocheuses me protègent un peu plus d'Eole... à mon tour je souffle alors un peu. Je croise de jeunes bergers encagoulés et emmitouflés dans des couvertures. Celles-ci laissent souvent apparaître en dessous de vieux vêtements déchirés. Le Lesotho me dévoile son extrême pauvreté, encore plus criarde en période hivernale. Quelques "Rondavel", huttes aux murs de pierres et au toit de chaume, apparaissent. Pas d'électricité ni d'eau courante. À l'intérieur, c'est le vide, le noir et la fumée générée par un timide foyer qui au centre de la pièce donne plus l'impression de chauffer que de le faire réellement.

Les jours qui suivent ne vont être que montées et descentes. Où que se porte le regard, je ne vois que sommets pelés, et paysages grandioses. Pas la moindre clôture, tout est sauvage et libre. J'emprunte "la route des montagnes" en quête d'un maximum d'authenticité.

Un directeur d'école avec qui je partage un café me confirme que beaucoup de garçons ne sont pas scolarisés car ils gardent les animaux, contrepartie de l'absence totale de clôtures.

Parfois, devant une hutte, un gamin nu comme un vert en dessous de sa couverture me suit d'un regard ébahi. Dans un hameau, je pose ma tente à côté de la hutte de Blandine, une vieille femme de 77 ans qui exerce son autorité pour éloigner la foule de curieux.

Au petit matin mes bidons d'eau ne sont que glace et le café chaud ne m'a jamais été aussi goûteux et bienvenu.

À partir de Thaba Tseka apparaît un ruban de bitume qui va me mener jusqu'à la capitale. Le Lesotho me fascine de par ses paysages et me bouleverse de par la rudesse des conditions de vie dans le froid de l'hiver qui ne fait pourtant que débuter. Les mots pour décrire ce que je ressens me semblent tellement impuissants et loin de la réalité. Il est une évidence qu'à une autre période de l'année la traversée du pays doit paraître plus douce. Mais je suis certain que dorénavant, lorsque je ressentirais la morsure du froid, je repenserai à tous ces bergers croisés sur ces hauteurs pour qui l'hiver n'a vraiment rien de doux.

C'est en piteux état que j'arrive à Maseru, la capitale. Le froid vif des hauteurs, les pistes ou routes en dents de scie, puis une intoxication alimentaire, ne m'ont nullement facilité la tâche.

Mais comment pleurer sur mon sort sachant que les dizaines d'enfants bergers croisés tout au long du parcours, ne disposent, eux, que d'un peu moins de 40 ans d'espérance de vie.

Ce sont ensuite mes retrouvailles avec l'Afrique du Sud.

En 1867, un jeune garçon trouva un joli caillou qu'il utilisa pour jouer aux osselets. Ce diamant baptisé Euréka déclencha dès lors une véritable ruée. Quatre ans plus tard, trois autres sont découverts au sommet d'une colline. Des centaines d'aventuriers, d'horizons divers, vont alors affluer vers ce lieu qui verra la naissance de la ville de Kimberley.

Les mineurs creusent pendant des années et progressivement la colline fait place à un trou immense : le "Big Hole".

A son apogée Kimberley devient même la première ville électrifiée d'Afrique.

Aujourd'hui, le plus "Grand Trou" jamais creusé par l'homme (215 mètres de profondeur dont 41 mètres d'eau), attire quelques visiteurs, sud-africains pour la plupart. Kimberley est devenue une petite ville paisible où flottent encore dans l'air quelques vestiges de sa gloire passée.

Je me dirige à présent vers la Namibie voisine et ses immensités désertiques.