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L'"or gris" attise les convoitises en Afrique

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Les sacs de ciment s'empilent dans le petit magasin de construction de Selif Kabore à Dassasgho, dans l'est de Ouagadougou. Retranché derrière son comptoir, le patron conseille ses clients sur les vertus des producteurs burkinabés. Diamond Cement, Cimaf, CimBurkina, CimFaso... ils sont quatre à se partager le marché national. " Quand j'ai ouvert mon magasin, en 2009, il n'y en avait qu'un, Diamond Cement. Nous manquions de ciment, c'était compliqué ", explique l'homme d'affaires entre deux coups de téléphone.

Aujourd'hui, Selif Kabore croule sous la marchandise. Car, comme d'autres pays d' Afrique subsaharienne, le Burkina Faso est devenu le terrain de jeu d'industriels déterminés à s'imposer dans un marché en pleine émergence : " l' or gris ", comme on nomme le ciment dans le milieu. " Pendant les cinq prochaines années, sa consommation au Burkina Faso devrait augmenter en moyenne de 12 % par an ", assure Joseph Zerbo, directeur général de l' industrie burkinabée. Une estimation liée à l'urbanisation galopante du pays.

Manège à quatre

De telles perspectives n'ont pas laissé les industriels indifférents. Les cartes ont été rebattues en mars. A quelques jours d'intervalles, CimFaso, Cimaf et CimBurkina ont inauguré leurs cimenteries dans une zone devenue le centre névralgique de la construction burkinabée : Kossodo. Un parc industriel immense, au nord de la capitale, où les chemins de terre côtoient les routes bitumées en construction, le long d'une voie ferrée.

Au départ, seuls deux groupes devaient rejoindre l'indien Diamond Cement sur le marché national : Cimaf, appartenant au magnat de l' immobilier marocain Anas Sefrioui, et CimBurkina, propriété du groupe allemand Heidelberg. Mais Inoussa Kanazoé, un homme d'affaires burkinabé qui détenait près de 20 % de CimBurkina, a voulu sa part du gâteau. En 2014, il a créé sa propre cimenterie, CimFaso.

Treize ans après l'implantation de Diamond Cement, premier groupe étranger à avoir manifesté ses intérêts pour le Burkina en rachetant le groupe Cimat, tombé en faillite en 2002, le marché national est en proie à la concurrence. Il ne manque que le géant du Nigeria Dangote Cement, qui a multiplié l'ouverture d'unités de production dans des pays voisins du Burkina. " On s'est retrouvé à quatre avec une capacité de production totale de 2,5 millions de tonnes par an pour un marché qui en a consommé 1,3 million de tonnes en 2014 ", s'étonne Ousmane Diallo, le directeur général de Cimaf.

Au Burkina, la demande en ciment croît mais elle n'absorbe pas encore la capacité de production des quatre groupes. Alors les producteurs burkinabés exportent. " Avant l'implantation des nouvelles cimenteries, la production nationale était déficitaire. Nous importions du ciment depuis le Togo et le Sénégal. Aujourd'hui, le pays exporte, principalement dans la sous-région ", se félicite Joseph Zerbo.

Concurrentiel à tout prix

La surproduction actuelle inquiète moins le directeur général de l'industrie et le patron de la Cimaf que le coup d'Etat qui a secoué le pays et freiné l'activité économique le mois dernier. " Mais nous aimons nous implanter là où nos concurrents peuvent trouver cela compliqué. Conquérir des marchés dans des pays pauvres, enclavés ou encore instables ", explique Ousmane Diallo. Dans les locaux de Cimaf encore en construction faisant face à sa cimenterie flambant neuve, le directeur général clame son amour de la compétition.

Pour le cimentier, la concurrence débute dès la naissance du projet, au stade du recrutement. " Nous voulons engager les meilleurs dirigeants, les meilleurs techniciens, quitte à aller les chercher dans les grands groupes, avoue en souriant celui qui s'est lui-même fait débaucher alors qu'il travaillait pour l'un des géants mondiaux du secteur, le suisse Holcim. La plupart de mes collègues viennent des grands groupes. Tout se joue à ce niveau-là. " Ou presque.

Car pour survivre dans un marché où l'offre est supérieure à la demande, il faut surtout faire la différence au niveau des prix. Lorsque en mars dernier, le marché s'est ouvert, Ousmane Diallo assure qu'ils ont baissé. Selon le directeur général de la Cimaf, le prix moyen est ainsi passé de 140 000 francs CFA (213 euros) la tonne de ciment fin 2014 à près de 117 000 francs CFA (178 euros) aujourd'hui.

Mais au Burkina Faso, comme dans d'autres pays africains enclavés, la marge de manœuvre des cimentiers pour baisser leurs prix est restreinte. Leurs coûts de production sont plus élevés que dans les pays côtiers, qui acheminent plus facilement le clinker. Cette matière première nécessaire à la production du ciment est peu présente en Afrique de l'Ouest. Aussi est-elle souvent importée depuis le bassin méditerranéen par voie maritime. " Transporter une tonne de clinker coûte entre 35 000 [53 euros] et 40 000 [61 euros] francs CFA, cela impacte le coût de production, assure Ousmane Diallo. On pourrait encore baisser le prix de la tonne de ciment de 1 000 [1,50 euro] ou 2 000 francs CFA, mais guère plus. "

Au lieu de se lancer dans une guerre des prix, les cimentiers burkinabés se sont alignés. Chez les revendeurs du pays, les prix des sacs de ciment sont quasi les mêmes, qu'importe la marque : 6 000 francs CFA (9 euros) les 50 kilos. " Nous ne pouvons pas fixer nos marges comme bon nous semble, explique Ousmane Diallo. Si un concurrent décide de faire 10 % de marge, nous sommes obligés de suivre. "

La logistique est le principal problème des cimentiers implantés en Afrique. Mais l'inconvénient est minime, comparé à la manne économique que représente le développement du ciment sur le continent. Dans les cinq prochaines années, la consommation moyenne de ciment en Afrique subsaharienne devrait croître de 5 % par an, selon la Société financière internationale (SFI), l'institution de la Banque mondiale chargée d'aider au développement du secteur privé.

Dangote Cement, la naissance d'un géant

Une croissance qui a attiré vers l'Afrique des géants de l'or gris tels que le Français Lafarge ou l'Allemand Heidelberg Cement. Et des perspectives qui ont aussi conduit le Nigérian Dangote Cement à sortir des frontières de son pays natal. Aliko Dangote, l'homme le plus riche d'Afrique, s'est construit un véritable empire du ciment en à peine dix ans. Sa capacité de production est désormais vertigineuse : 34 millions de tonnes en 2014. " Dangote a investi 7 à 8 milliards de dollars dans le ciment ", ajoute Michel Folliet, responsable du département matériaux de construction à la SFI. Et ce n'est qu'un début : en 2020, Dangote Cement espère pouvoir produire 100 millions de tonnes par an.

En août dernier, le groupe a signé un contrat de 4,34 milliards de dollars avec l'entreprise chinoise Sinoma International Engineering pour la construction de nouvelles cimenteries. Cameroun, Ethiopie, Kenya, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Zambie... Les nouvelles usines augmenteront la capacité de production du groupe de 25 millions de tonnes. Face au développement d'un mastodonte pareil, difficile pour les concurrents de rivaliser.

Lafarge-Holcim en principal concurrent

La fusion entre le Français Lafarge et le Suisse Holcim, effective à l'été 2015, a permis à ce nouveau géant d'augmenter sa force de frappe. Lafarge-Holcim est actuellement le cimentier le plus présent en Afrique subsaharienne avec des activités dans une douzaine de pays. Mais il devrait vite être dépassé par Dangote Cement. " Probablement en 2016 ou 2017 ", prédit Michel Folliet.

" Dangote a préempté une bonne part des capacités de production sur les cinq prochaines années ", ajoute l'analyste. A court terme, le marché du ciment semble donc être verrouillé par le Nigérian, mais il n'a pas gagné la guerre. " En dix ou vingt ans, la consommation de ciment en Afrique devrait doubler, assure l'analyste. Tout le monde pourra encore jouer, mais pas forcément sur le podium. "



Source : www.lemonde.fr


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