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La jeune démocratie sud-africaine à l'épreuve des inégalités sociales

  Politique, #

 

Le présent est-il voué à être le temps du doute ? Il y a vingt ans, le 27 avril 1994, les premières élections multiraciales en Afrique du sud avaient été la meilleure nouvelle de la planète. Quatre siècles d'oppression, un racisme épanoui dans l'absurde, la violence au quotidien pouvaient donc être remis en cause. Un président noir allait être élu. L'apartheid était démantelé. Le miracle, bien sûr, avait son revers. Et les grands personnages qui l'animaient, comme Nelson Mandela, n'étaient après tout que des hommes.

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Deux décennies plus tard, l' Afrique du Sud ne cesse d' enterrer ses anciens de " la lutte " (de libération). Nelson Mandela s'en est allé juste à temps pour ne pas être mêlé à un anniversaire où ses deux familles, biologiques et politiques, se déchirent. Le Congrès national africain (ANC) voit son hégémonie remise en cause, tandis que le pays se demande si tout cela appartient à la logique du temps, ou à son effet d'usure.

Entre le " jour de la liberté " (anniversaire du 27 avril) et les élections générales, le 7 mai, il n'est pas certain que se déroule une introspection nationale approfondie. Il a fallu qu'intervienne une suspension du procès d'Oscar Pistorius - l'athlète sud-africain qui a tiré sur sa petite amie, voici un an -, pour qu'on se souvienne de l'imminence de l'anniversaire.

LE " CŒUR LOURD " DE DESMOND TUTU

Il y a vingt ans, le 27 avril 1994, le pays était au bord de la guerre civile. En un an, on avait compté 3 800 morts. L'extrême droite espérait encore empêcher le scrutin dans un bain de sang. Elle avait échoué à décourager les électeurs. La guerre civile n'avait pas eu lieu.

 

Le pays, peu à peu, s'est stabilisé. Bien sûr, il a fallu établir des mythes pour rendre habitable ce pays aux esprits empoisonnés. Le plus éclatant d'entre eux, celui de la " nation arc-en-ciel ", avait été forgé par Desmond Tutu, alors archevêque du Cap et déjà Prix Nobel de la paix. Aujourd'hui, l'archevêque émérite, âgé de 82 ans, n'a rien perdu de sa liberté de ton. Depuis le Cap, il annonce " le cœur lourd ", qu'il ne votera pas pour l'ANC. Il appelle, pour la première fois, les électeurs noirs à cesser d' être " du bétail électoral " en votant automatiquement pour l'ANC. D'autres grandes figures de la lutte, à commencer par Ronnie Kasrils, ancien ministre, ex-haut responsable de la branche armée de l'ANC, appelle à voter " non ou nul ". Le taux d'abstention devrait être la première mesure, timide, du mécontentement populaire.

" N'écoutez pas quand ceux qui étaient des révolutionnaires vous disent aujourd'hui de voter nul. Ces gens sont perdus ", a aussitôt répliqué le président de la république, Jacob Zuma. Le chef de l'état, qui sait qu'il sera réélu (par l'ANC) pour un second mandat, incarne justement l'une des raisons de cette campagne pour le " non ". Il est empêtré dans un nouveau scandale, celui des frais de " mise à niveau de sécurité " de sa résidence privée dans le Kwazulu-Natal, où environ 15 millions d'euros ont été dépensés en travaux extravagants (piscine, clinique privée, bunker, poulailler...). Le scandale fait l'objet d'une procédure publique menée par Thuli Madonsela, en charge de la fonction officielle de Protection publique - laquelle tient tête à l'ANC, preuve de la solidité de cet aspect de la démocratie sud-africaine.

PAIX SOCIALE AU RABAIS

Cela ne suffit pourtant pas à remonter le moral national, chez les exclus du " miracle ". Depuis le début de l'année, près de cent manifestations pour obtenir de meilleurs services publics ont eu lieu. Et encore ne sont comptées que celles qui ont attiré l'attention par leur caractère violent. La révolte des pauvres menace, mais n'éclate pas. Jusqu'ici, une forme de paix sociale au rabais a été achetée par les allocations sociales (quinze millions de bénéficiaires).

 

Mais le secret de l'ANC, consistant à prétendre mener une politique " révolutionnaire ", alliée à la centrale syndicale et au Parti communiste sud-africains, tout en prenant le plus grand soin du capital et en creusant les inégalités, est éventé. Un nouveau parti, les Combattants de la libération économique (EFF) de Julius Malema, le tribun populiste expulsé de l'ANC en 2013, le crie sur tous les toits.

Il y a vingt ans, le " compromis historique " qui avait rendu possible la fin du pouvoir blanc, était schématiquement celui-ci : l'ANC héritait du pouvoir politique, mais le capital, à peu de choses près, restait entre les mêmes mains. L'élite noire bien connectée politiquement était invitée au banquet des riches et les pauvres à la patience.

NATIONALISER SANS COMPENSATIONS

Pour mettre un terme à cet état de fait, EFF propose de nationaliser sans compensations les mines, les banques, et les terres des Blancs. " Le développement du bien être économique des opprimés aura lieu aux dépens des riches. Point final ", a expliqué Dali Mpofu, l'un de ses responsables. Ce projet va à l'encontre de la Constitution de 1996 qui protège toutes les minorités - y compris, en un sens, les riches. Mais ces promesses parlent tout particulièrement à la jeunesse sans espoir. Le parti pourrait obtenir jusqu'à 10 % des voix le 7 mai.

 

EFF n'est pas le seul à se sentir des ailes. L'Alliance démocratique (DA), d'Helen Zille, s'efforce de gommer son image de " parti des Blancs ", et espère flirter avec les 20 % de voix. Mampela Ramphele, ancienne compagne de Steve Biko, et femmes d'affaires enrichie par le secteur minier, a créé sa propre formation, Agang, il y a un an.

L'ANC est-elle sur le point de vaciller sur ses bases électorales ? Lors du dernier scrutin, le parti a recueilli 65,9 % des voix (contre 69,7 % en 2004). Cette fois, des sondages la créditent d'environ 61 % d'intentions de vote. Une baisse encore dénuée de conséquences. " Car une grande partie des débats politiques qui devraient avoir lieu dans l'espace public entre les différentes formations politiques se déroulent en réalité derrière les portes closes de réunions de l'ANC ", note, désabusé, le journaliste politique Stephen Grootes.



Source : www.lemonde.fr
En savoir plus : www.lemonde.fr/afrique/article/2014/04/26/la-jeune-democratie-sud-africaine-a-l-epreuve-des-inegalites-sociales_4407848_3212.html


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