Devenez publicateur / Créez votre blog


 

La population guinéenne voit passer les trains de bauxite sans en profiter

  Business, #

Pour ces quelques poteaux électriques posés récemment par la compagnie minière russe RusAl (Russki Alumini) au fin fond de la brousse guinéenne, un jeune homme est mort en octobre 2008. Pendant cinq jours, le village de cases de Mambia s'était soulevé, bloquant la voie ferrée par laquelle la bauxite extraite de la mine à ciel ouvert de Débélé, plus haut dans la montagne, est acheminée jusqu'à Conakry, à 150 kilomètres de là.

Les villageois exigeaient leur raccordement au réseau électrique et protestaient contre la pollution de la rivière. L' armée et la gendarmerie ont ramené l'ordre à leur façon, tirant, pillant, passant à tabac. Quatorze mois plus tard, en ce jour de décembre écrasé de chaleur, le calme règne à Mambia. Les magasins au bord de la route qui conduit à Kindia ont été reconstruits et les poteaux électriques plantés. Quelques poteaux : un rêve pour tant de villages guinéens, dans ce pays parmi les plus pauvres du monde. Si pauvre - 160 e sur 177 au classement du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) - et tellement riche.

Le pays regorge de bauxite. Premier exportateur mondial et deuxième producteur derrière l' Australie, la Guinée détiendrait plus d'un tiers des réserves mondiales de ce minerai qui, une fois transformé, devient alumine puis aluminium. La Chine en est particulièrement friande. Il y a aussi du fer, de l' or, des diamants et des ressources pétrolières découvertes off-shore. Un trésor largement inexploité.

Mais de ces richesses, les habitants de Mambia ou d'ailleurs n'en voient guère la couleur. Sauf le rouge des quelque 10 000 tonnes de minerai expédiées quotidiennement par le rail, et celle de ces quelques poteaux électriques. "Il y a trop de corruption, pas assez de valeur ajoutée créée en Guinée. Plus de 50 % de la population (sur 10 millions d'habitants) vit dans un état d'extrême pauvreté", explique le doyen de l'université Sonfonia de Conakry, Ahmadou Oury Koré Bah. La bauxite quitte le pays par minéraliers, en vrac. Le seul site de (première) transformation en alumine est une unité hors d'âge, contrôlée par RusAl mais héritée d'une unité créée par Péchiney, notamment, un an avant l'indépendance de l'ancienne colonie française en 1958.

Au bout de la piste qui mène aux installations minières de Débélé, on rappelle que la situation fut encore pire sous le régime de Lansana Conté (au pouvoir de 1984 à décembre 2008). "La tonne de bauxite était achetée dix dollars, neuf étaient versés sur les comptes à l'étranger du général-président", rappelle un des 500 employés de la Compagnie de bauxite de Kindia (CBK) RusAl. "Et avant, c'était quasiment de l'esclavage. Les Russes nous donnaient un pain et une boîte de sardines par jour", ajoute-t-il. Cela va mieux. Mais la prudence impose tout de même l'anonymat. Non loin, deux Russes - sur les cinq encore présents sur le site - s'engouffrent dans un 4×4. RusAl, leader mondial de l'aluminium, a pris la mine en location-gérance en 2001.

"Retraite dangereuse"

Les équipements et la terre sont aux mains des Guinéens. "Techniquement, on peut se passer d'eux, mais on manque d'hommes pour la gestion", concède un cadre guinéen. Gestionnaire et premier client, RusAl contrôle donc l'essentiel. Sous la chaleur écrasante, des familles végètent toujours dans des caravanes en tôle rouillées amenées par les Russes pour y loger, alors, les travailleurs célibataires. A force de luttes sociales, les salaires ont augmenté, mais ne dépassent guère les 100 euros, y compris pour l'encadrement guinéen. "Dans ce contexte, la retraite est dangereuse. Où loger une fois qu'on a quitté les logements de la mine ?", s'inquiète un ancien.

 

Au-delà de la voracité des compagnies minières, l' environnement politique pose question. Le patron de RusAl en Guinée, Anatoly Pantchenko, doit encore se rappeler ce jour où il a été humilié publiquement par le tout nouveau chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara. Dès son accession au pouvoir, "Dadis" avait promis de renégocier "tous les contrats miniers", désavantageux pour le pays. En ce jour d'avril qui fait suite à des manifestations sociales sur un autre site de RusAl, Dadis éructe devant les caméras contre Anatoly Pantchenko, colosse ukrainien soudainement recroquevillé sur sa chaise. "Escroc international. Tu ne fais que des mensongeries !"

L'homme fort de Conakry depuis le 23 décembre 2008 a fait saisir le passeport du représentant de RusAl en Guinée ; l'a menacé de procès, de nationaliser les avoirs russes dans le pays. L'Ukrainien partira définitivement quelques semaines plus tard. Mais sous la pression de Moscou, "Dadis" fera marche arrière. Comme souvent durant ses onze mois au pouvoir, durant lesquels le volontarisme du militaire ne généra que chaos, jusqu'à ce 3 décembre et la tentative d'assassinat contre lui par son aide de camp. A Mambia, RusAl creuse toujours la montagne.



Source : www.lemonde.fr


PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE

Pas de commentaire

Pas de commentaire
 
Maria
Partagé par : Maria@
VOIR SON BLOG 19 SUIVRE SES PUBLICATIONS LUI ECRIRE

SES STATS

19
Publications

774
J'aime Facebook sur ses publications

36
Commentaires sur ses publications

Devenez publicateur

Dernières Actualités

Pas d'article dans la liste.