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La saga africaine de Total

  Business, #

En fêtant ses soixante ans d'implantation en Angola, le groupe a mis en exergue qu'il était la première major présente sur un continent dont la géographie pétrolière change à toute allure.

 

Le Moët & Chandon coule à flots au Palmeras Club de Luanda. Les chaises sont habillées de tulle, façon mariée. Les fleurs sont au milieu des tables. Le ministre du Pétrole est là. Christophe de Margerie, le PDG de Total, a rencontré le matin le président angolais, Dos Santos.

 

Tous ceux qui ont dirigé cette filiale, une des plus importantes de Total, ont été conviés et sont pour la plupart venus. Les festivités se sont déroulées tout au long de l'année écoulée et, ce soir de fin mars, c'est le bouquet final des célébrations des soixante ans de Total en Angola.

Si l'anniversaire se carillonne ainsi, ce n'est pas seulement parce qu'il s'agit d'une des implantations les plus anciennes du groupe : " Jusque-là on pensait qu'au-dessous du Sahara il n'y avait pas de pétrole ", se souvient, enthousiaste, Jean-Pierre Amaury. Aujourd'hui octogénaire, il a le premier, en 1953, sous sa casaque Fina, planté le drapeau du groupe sous ces latitudes. Certes, des documents de 1893 avaient déjà évoqué des " suintements " d'hydrocarbures sur la côte gabonaise, mais ce n'est qu'en 1962 que le premier gisement sera découvert et exploité par Elf Gabon, rebaptisé " Total Gabon ". Mais, si, aujourd'hui, le cinquième pétrolier mondial met à Luanda les petits plats de morue dans les grands, on n'est pas une ancienne colonie portugaise pour rien, c'est pour mettre en exergue sa saga africaine.

 

Cela n'a pas toujours été le cas. Pour les investisseurs, la plus forte exposition chez les majors à une Afrique instable était perçue comme un risque. " Aujourd'hui, c'est devenu à leurs yeux un signal positif ", se réjouit Momar Nguer, le patron du marketing pour l'Afrique, présent aux 1res Rencontres économiques à Casablanca organisées par Le Cercle des économistes. Le décollage du continent noir qui est passé par là ne peut que doper les affaires de la major la mieux placée en Afrique, d'autant qu'elle détient aussi le premier réseau indépendant de stations-service.

L'heure est aux défis

Si l'Afrique représente 20 % de la production mondiale d'hydrocarbures, elle apporte 30 % de la sienne à Total. Elle est aussi au coeur de la nouvelle stratégie du groupe lancée par Christophe de Margerie : " Compte tenu de la demande qui ne cesse de croître, nous avons dû accélérer le développement des ressources ", dit aujourd'hui le PDG depuis 2010 et qui devrait l'an prochain être reconduit jusqu'en 2018. C'est d'abord à sa politique d'exploration que le groupe a voulu mettre un moteur.

 

" Big Moustaches " a beau apprécier la campagne normande, lui qui, depuis quarante ans, embrasse émirs, rois africains et oligarques russes pour Total, aime encore plus l'action. Il en était convaincu, le groupe ne pouvait plus se contenter de jardiner autour de ses champs terrestres ou marins. En effet, sur ces zones maintes fois quadrillées, il ne pouvait plus trouver que de petites choses. Un tel rythme " pépère " ne risque pas de suffire à satisfaire l'appétit d'énergie mondial quand, en plus, il faut compenser l'usure naturelle des puits. Rien que pour la compenser, il faut trouver l'équivalent de cinq fois la production quotidienne de l'Arabie saoudite d'ici à 2030. Bref, Total doit prendre plus de risques et attaquer des zones inconnues où les risques d'échec sont plus grands mais où les chances de trouver " du très gros " sont accrues.

 

Le voilà parti à la chasse aux " éléphants ", ces réservoirs d'au moins 500 millions de barils. Depuis que Petrobras a mis la main, au large des côtes brésiliennes, sur un véritable troupeau estimé à plus de deux ans de consommation mondiale, dissimulé sous 2.000 mètres d'eau et 5.000 mètres de sel, la profession rêve et Total avec elle.

 

Le pétrolier français dépose ses cartes de visite aux quatre coins de la planète, en achetant des permis d'explorer, en forant - son budget d'exploration est passé de 500 millions en 2005 à 2,8 milliards de dollars -, il a également acquis un permis d'explorer dans ce supposé très fructueux champ brésilien de Libra. Il forait 45 puits par an, il en est à 60, un forage coûte 150 millions de dollars. L'Afrique reste pourtant au coeur de sa stratégie, tant la carte pétrolière du continent est en train de changer. En trois ans, Total a lancé des recherches dans 15 nouveaux pays dans le monde, et en Afrique se lance en Ouganda, en Côte d'Ivoire, en Afrique du Sud, au Mozambique, au Kenya, au Ghana, en Mauritanie... L'heure est aux défis. Au large du Congo, le groupe investit 10 milliards de dollars, dans un champ dont le potentiel est estimé à près de 500 millions de barils, le même niveau que celui dont il vient de décider le développement plus au nord, au Nigeria, par 1.750 mètres de fond. Margerie a promis de passer sa production quotidienne à 3 millions de barils en 2017 et 2,6 en 2015 (contre 2,3 aujourd'hui).

Gisement miraculeux

 

L'Angola a beau être la fille aînée du groupe par son ancienneté, elle reflète, aussi, sa stratégie rénovée faite d'audace et de technologie. Sur l'offshore profond, le groupe joue la course en tête. A 1.200 mètres de fond en moyenne, les plates-formes " classiques " posées sur leurs tabourets d'acier ne suffisent plus. Elles ont été remplacées par d'énormes navires-usines capables de traiter 200.000 tonnes de pétrole par jour et d'en stocker 1 million, des outils à 10 milliards pièce, qui vont pomper le pétrole à quelque 100 kilomètres du rivage. Pionnier dans cette technologie, Total a décroché pour ses innovations plusieurs prix à Houston, le Festival de Cannes de l'or noir.

 

C'est en Angola qu'elles ont vu le jour, pour exploiter le gisement miraculeux du " bloc 17 ", le " golden block " découvert par Total au large de Luanda, ou plutôt par Elf dans les années 1990, ce qui fut une des raisons non négligeables de l'intérêt de Total pour Elf et se termina par la fusion de 2000. Le champ de Girassol fut le premier du bloc 17 mis en exploitation, c'était alors une première mondiale pour cette taille et cette profondeur. Suivirent Dalia, puis Pazflor. Un navire gigantesque y règne sur un réseau sous-marin de 600 kilomètres carrés, six fois Paris, et une véritable usine sous la mer à 800 mètres de fond : " A ces profondeurs, nous travaillons avec une précision comparable à celle du spatial ", relève Jacques Marraud des Grottes, le directeur Afrique de l'exploration.

 

Le prochain saut technologique, Total s'apprête à le faire dans le bassin de la Kwanza, pour vérifier entre 5.000 et 7.000 mètres sous la surface de la mer, si l'on pourrait trouver l'équivalent des découvertes faites au Brésil, dans ce miroir géologique des côtes brésiliennes puisqu'il y a 100 millions d'années les continents étaient accolés. Une première réponse est attendue en 2015. De toute façon, la première huile ne verrait pas le jour avant 2023.

 

Cette course en avant de la technologie est une obligation pour les majors, les compagnies nationales des pays producteurs s'arrogeant la partie plus " facile " des explorations. L'acceptabilité des projets par les populations et gouvernements locaux est donc un autre " défi ". Il passe par la création d'écoles, le soutien aux associations, chaque année 9.000 bourses sont distribuées à des étudiants africains, en Angola, le groupe rapatrie le plus d'emplois et de fabrication locale possible. " L'angolanisation n'a cessé de progresser ", insiste João Amaral, le directeur adjoint de Total en Angola.

 

Mais cela a un coût, un mot jusque-là incongru dans ce monde de " superprofits ". L'an passé, il a fait brutalement son apparition dans les comptes et les discours sur la baisse des bénéfices. Sur le projet géant de Kaombo, Total a amené l'Angola à revoir ses prétentions en matière de main-d'oeuvre locale (voir les " Echos " du 15 avril). " Comment continuer avec des augmentations de coûts de 10 % chaque année, quand le prix du baril est stable ? " s'interroge Christophe de Margerie. L'exploration coûte de plus en plus cher, l'évaluation sismique d'une zone vaut 150 millions d'euros, les fournisseurs dont les carnets de commandes sont pleins ne font pas de cadeaux. Quant aux pays hôtes, ils font flamber les prix des permis d'explorer (des milliards contre 15 millions de dollars dans les années 1990). Ils ont aussi la taxe facile, surtout quand, comme en Angola, ils tirent plus de 60 % de leurs revenus du pétrole. La planète a encore du pétrole pour cent ans, mais tout le problème est de savoir à quel prix.

Sabine Delanglade

 

 

Résultat net 2013 : 8,4 milliards d'euros (- 20 %).
Chiffre d'affaires : 189,5 milliards (- 5 %)
Cinquième major mondiale
97.000 collaborateurs
Production : 2,3 millions de barils/jour
Budget d'exploration : 2,8 milliards de dollars
Plus de 40 % de la trésorerie de l'amont viendra en 2017 des nouveaux projets.
Leader de l'offshore profond :
60 % des découvertes ces cinq dernières années sont venues de l'offshore profond. Celui-ci fournit 10 % de la production de Total et 25 % des profits de sa division amont (exploration-production).
L'Afrique :
Elle est la première région du groupe Total. 75 % des salariés sont locaux. 78 % des dépenses d'éducation du groupe sont consacrées à l'Afrique.

Source : www.lesechos.fr
En savoir plus : www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/energie-environnement/actu/0203441906346-la-saga-africaine-de-total-665316.php


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