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La sécurité alimentaire de l'Afrique passe par l'agriculture familiale

  Société, #

L'Année internationale de " l'agriculture familiale " en 2015 aura au moins permis de montrer que personne ne parle vraiment de la même chose en utilisant cette expression. Pour beaucoup, l'agriculture familiale est le fait de paysans minifundiaires paupérisés, vulnérables à bien des titres (accès limité à la terre et aux moyens de production, enclavement, etc.). Cette représentation est malheureusement une réalité. La majorité des pauvres du monde vit dans les campagnes et les moins bien nourris sur cette planète sont paradoxalement les paysans eux-mêmes. Mais, cela ne veut pas dire que la vulnérabilité de ces paysans est la seule raison d'en faire les bénéficiaires des programmes de développement.

La question mérite d'être posée différemment. Nourrir les quelque 9 milliards d'individus qui devraient peupler la planète en 2050 impose de disposer de 60 % de produits agricoles en plus. Il faut réduire les pertes certes, mais aussi produire plus et mieux. Notamment au Sud, où la demande en aliments et en emplois est la plus importante.

Quels sont les modèles productifs capables de répondre à ce défi ? Quels sont ceux qui ont montré une forte capacité de croissance de productivité du travail et des rendements par unité de surface ? Quelles entreprises agricoles seront capables de porter une intensification agricole qui devra aussi être écologique ?

Produire mieux et plus

L'histoire de nombreux pays, notamment européens, asiatiques ou africains, montre que les agriculteurs familiaux sont les candidats idéaux pour relever un tel défi. Pourquoi ? Parce qu'une agriculture écologiquement intensive, capable de produire plus et mieux par unité de surface se pratique 24 heures/24 et 7 J/7 : les animaux d'élevage les plus productifs ne donnent pas naissance à leurs jeunes au milieu d'une pampa livrés à eux-mêmes, mais doivent être surveillés et accompagnés par un éleveur averti et disponible ; l'irrigation efficace se pratique la nuit ; l'intervention à temps sur une culture touchée par une maladie ne se réfléchit pas en termes de jours ouvrés, etc.

La capacité de l'exploitation agricole familiale à mobiliser les membres de plusieurs générations d'une famille plus ou moins élargie, sa capacité à auto exploiter, en cas de nécessité, explique la puissance économique de cette forme de production.

Amartya SEN (Prix Nobel d'économie, 1998) avait montré cet " avantage économique " des exploitations familiales lié à leur rapport particulier au travail, dès 1964.

C'est pourquoi, l'augmentation massive de la taille des exploitations et, surtout, leur passage à un mode entièrement patronal (investisseur absent, régisseur, salariés) s'accompagne souvent d'une extensification de la production : cultures moins exigeantes en travail et en surveillance, animaux plus rustiques mais moins productifs, plantes semées à plus grand écartement pour limiter les interventions en cas de maladies, etc. Cela conduit souvent à produire moins par unité de surface en employant moins d'actifs agricoles... et finalement à étendre les surfaces cultivées au détriment des ressources naturelles.

Une étude récente montre qu'en Afrique, contrairement à la situation européenne où développement a été synonyme de diminution progressive du nombre d'actifs agricoles et de leur contribution au PIB, un autre modèle émerge dans lequel la croissance démographique dans les campagnes est concomitante avec une croissance relative du revenu des ruraux par rapport aux urbains.

En effet, l'Afrique se distingue de l'Europe en ce qu'elle dispose encore d'espaces et de ressources sous exploités. Des fronts pionniers avancent. Mais la mise en valeur de nouveaux espaces agricoles ne passe pas nécessairement par la création de vastes exploitations agro-industrielles. Elle est le fait d'exploitations agricoles familiales qui se modernisent, s'agrandissent et essaiment par l'installation de jeunes agriculteurs qui créent de nouvelles exploitations familiales, de tailles suffisantes pour être viables, rentables et générer des revenus conformes à leurs espérances en tout cas meilleurs que ceux qu'ils pourraient espérer en rejoignant les villes. Cela est vrai le long des grands fleuves Niger et Sénégal par exemple, où cette dynamique est permise par les périmètres irrigués, mais aussi dans des régions de l'Ouest de l'Ethiopie, du Nord du Mozambique ou de la Zambie. Bien entendu, cette évolution ne se fait pas toujours dans les meilleures conditions tant les régions concernées manquent d'infrastructures et tant les agriculteurs bénéficient de peu de soutien.

Rompre avec une vision misérabiliste

Pour soutenir cette dynamique en marche, fondée sur la généralisation d'une agriculture familiale productive, il faut absolument rompre avec une vision misérabiliste de l'agriculture familiale. Il faut, enfin, considérer les exploitations familiales comme des unités économiques à fort potentiel de croissance.

L'agriculture familiale n'est donc pas une image d'Epinal qu'il faudrait chercher à conserver comme un reliquat de nos traditions, c'est au contraire la forme managériale la plus à même à se transformer et à s'adapter pour relever les défis d'un développement durable et équilibré des territoires ruraux africains. Changeons de vision et mettons à son service les politiques agricoles et les politiques de développement territorial. Notre avenir commun en sera meilleur.



Source : www.lemonde.fr


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kevin
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