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Société, # |
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Cannes a son festival de cinéma, Saint-Malo ses Etonnants Voyageurs qui attirent chaque année plus de 60 000 visiteurs le week-end (de trois jours) de l'Ascension. Cette année le festival malouin a célébré dans son écrin de pierre ses 25 ans : l'âge de la maturité. 200 écrivains étaient au rendez-vous. Si Michel Le Bris, le romancier, essayiste et créateur du festival, peut être fier de son bébé, force est de reconnaître que rien ne fut simple au départ. Pugnace, le Breton aime les défis et l'histoire des Etonnants Voyageurs est pleine de coups du sort, d'obstacles divers et de coupes budgétaires. Mais il était dit que la ville de François-René de Chateaubriand ne pouvait qu'attirer les contrebandiers de l'imagination : ces écrivains revenus du bout du monde ou qui viennent tout juste de quitter leur table de travail. Plumes de talentCette année encore, l'Afrique était présente par ses plumes de talent. Les nouveaux se bousculent au portillon, à l'aise dans leurs baskets. Ils sont magnifiques à voir et à écouter à l'instar de l'Ivoirien Gauz, auteur d'un récit tonique (Payé Debout, Ed Le Nouvel Attila), ou du Congolais Fiston Mwanza Mujila qui a signé Tram 83, un premier roman remarqué aux éditions Métailié. Et si hier Ananda Devi, Alain Mabanckou, le regretté Moussa Konaté ou votre serviteur jouaient les piliers à Saint-Malo, ils sont rejoints aujourd'hui par Sami Tchak, Ousmane Diarra, Yahia Belaskri ou Wilfried N'Sondé. Pour nous tous, le passage par Saint-Malo reste une étape indispensable. Le lieu idéal pour nouer des contacts, rencontrer des journalistes ou des éditeurs avant de se retrouver un beau jour, comme par magie, à Port-au-Prince, à Marrakech ou Brazzaville. Il ne serait pas excessif d'affirmer que les Etonnants Voyageurs est le plus grand festival de littérature en France, qu'il a acquis une visibilité internationale avec le réseau Word Alliance regroupant les plus festivals au monde ou qu'il a réussi sa mission d'explorer la diversité des genres, des sensibilités, des espaces et des goûts. La poésie, la bande dessinée, le film documentaire, la photographie et le conte ont désormais toute leur place dans ce festival jadis dévolu à la littérature aventureuse et au roman noir. Femme de coeurA Saint-Malo, il peut vous arriver un tas de choses imprévues, savoureuses le plus souvent. La semaine dernière, il m'a été donné de déjeuner en toute simplicité avec un ministre de haut rang qui est aussi et même surtout une femme de cœur et de caractère, je veux parler de Mme Christiane Taubira. Libre de ses mouvements, elle est venue seule, sans escorte ni conseiller. J'ai échangé avec elle de bons vieux souvenirs haïtiens tout en évoquant la mémoire d'Aimé Césaire. Quelques minutes plus tôt, j'avais entendu dans la foule des gens lui lancer 'Madame, on vous aime'. Je la croyais repartie comme ses collègues Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, et Annick Girardin, Secrétaire d'État au Développement et à la Francophonie. Je suis très surpris de la retrouver, quelques heures plus tard, assise sagement au côté du maire de la cité malouine pour écouter Laurent Gaudé, Yanick Lahens ou votre serviteur parler de leur dernier roman. Cette grande dame en quittant discrètement la grande salle où se tient le Café littéraire, le devoir l'appelant, m'a fait un petit signe des plus chaleureux en soufflant dans la paume de sa main comme si nous étions deux potes de lycée renouant après une longue absence. Il y a des jours comme ça où la grâce accompagne mon pas claudiquant sous le ciel d'albâtre de la cité des pirates. De part en part, une fée a traversé la grande salle : elle s'appelait non pas Morgane mais Christiane.
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