Par Emmanuelle Courrèges

À 30 ans, Laurence Chauvin-Buthaud est l'une des rares créatrices d'origine africaine à s'être fait une place sur la scène de la mode parisienne. Les plus grands magazines internationaux, de Elle à Marie-Claire, ont référencé sa marque dans leurs pages. Vendue à Paris et sur plusieurs sites de e-commerce, finaliste de la première étape du concours Vogue Talent organisé par le Vogue italien, sa ligne de vêtements pour hommes est 100 % made in Abidjan.

L'Afrique entre en jeu par le wax

Si, il y a quelques saisons, le wax a connu ses heures de gloire, que certains jeunes créateurs qui en ont fait depuis leur marque de fabrique, Laurence Chauvin-Buthaud l'utilise depuis ses débuts, en 2002. À l'époque, elle vient de terminer le cours à Berçot, l'une des meilleures écoles de mode de Paris. Pendant quelques mois, elle assiste l'animatrice Mademoiselle Agnès sur l'émission de mode Habillé(e)s pour l'hiver sur Canal+, puis travaille, durant un an, pour Louis Vuitton. " J'assistais la personne qui faisait le lien entre les studios et les usines. Ça m'a énormément appris, toute la chaîne de la fabrication d'une pièce, mais aussi la notion du temps dans cet univers. " Mais le monde du luxe, si l'on veut faire carrière, impose une bataille sans relâche. À 22 ans, la jeune femme, née à Yaoundé d'un père français installé à Abidjan et d'une mère camerounaise, aspire à autre chose. " C'est là que l'Afrique est entrée en jeu. Si j'ai utilisé du wax, ce n'est pas parce que c'était à la mode ou parce que ça pouvait créer un style, c'est juste que c'était ce qui m'était le plus familier. " C'est son père, partenaire de l'usine textile Seritex, qui lui suggère de venir lancer sa première collection à Abidjan. Là, aux côtés de monsieur Bamba, un vieux modéliste qui sait l'écouter, elle dessine ses premiers modèles - des matières plastiques twistées avec du wax, des robes années 50 en pagne avec des cols claudine. " Je faisais le tour des boutiques parisiennes avec ma bicyclette pour vendre mes collections. À l'époque, j'arrivais à en vivre ", dit-elle. Mais c'est à Londres que son destin de styliste bascule. Dans la City, on aime l'audace et les couleurs. Et parce que le vestiaire masculin en manque singulièrement, les hommes lui demandent de faire la même chose pour eux.

La City... et puis naît la marque Laurence Airline

Avec le fidèle monsieur Bamba, Laurence Chauvin-Buthaud crée son atelier à Abidjan. Laurence Chauvin devient la marque Laurence Airline. " Parce que depuis toujours, je suis entre deux pays, dans un avion, mais aussi parce que l'air, c'est ce qui relie les mondes. " Et en ces temps de sinistrose ambiante, sur fond de crise économique, son style métissé séduit. Les coupes, modernes, ôtent au wax son côté traditionnel. Avec ces touches d'Afrique, subtiles et rock, mélangées à d'autres imprimés, des pois, des rayures, les dandys sont séduits. À Abidjan, Laurence forme une dizaine de personnes. C'est une des choses qui lui tient le plus à cœur. Qu'une équipe de production, professionnelle et efficace, puisse répondre à la demande, mais aussi qu'un atelier africain puisse façonner une marque vendue à l'international. À Paris, Christina, Zohaer et Philippe, respectivement modéliste, directeur marketing et directeur artistique, façonnent l'image Laurence Airline. Le show-room parisien devient le rendez-vous des rédactrices de mode. Plus de dix ans après ses débuts, Laurence revient à ses premières amours : fin juin, elle présentera une collection printemps-été 2016 pour la femme. L'avenir ? Assombri cette année par un incendie dans son atelier abidjanais, celui-ci est pour l'instant fermé. Mais la créatrice a d'autres tours dans son sac. Qui pourraient bien nous épater...