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L'autre capitale de la photographie

  Culture & Loisirs, #

Tous les deux ans, depuis 1994, les amateurs de photographies se tournent vers le Mali où se tiennent les désormais réputées Rencontres de Bamako. Et pourtant, dans la Côte d'Ivoire voisine, une scène artistique dynamique et éclectique affirme sa vitalité depuis maintenant une dizaine d'années. D'où la question : et si Abidjan était l'autre capitale du huitième art ? L'occasion de découvrir ou redécouvrir des figures locales de la photo.

Paul Kodjo, le doyen

1994, le monde de l'art découvre Seydou Keïta à la Fondation Cartier à Paris et Malick Sidibé à Bamako lors des premières Rencontres africaines de la photographie. Les critiques - occidentaux - en sont convaincus : voici les " pères de la photographie africaine ", précieux observateurs du Mali de l'indépendance. Et pourtant, les deux Maliens ne sont pas les seuls à immortaliser les " folles nuits " africaines. À la même époque, Philippe Koudjina Ayi sillonne les dancings de Niamey, Jean Depara ceux de Kinshasa et Paul Kodjo suit au plus près la vie politique et culturelle ivoirienne.

Né en 1939 à Abidjan, Paul Kodjo s'est formé, entre autres, en France à l'École ABC et au Conservatoire indépendant du cinéma français. Il ouvre en 1968 un studio à Paris. Et se fait rapidement connaître. De retour en Côte d'Ivoire en 1970, il travaille pour Ivoire Dimanche, où il publie des photos-romans. Il fonde une agence, couvre l'actualité ivoirienne, suit le président Houphouët-Boigny dans ses déplacements...

Il est alors le témoin privilégié du " miracle ivoirien ". Aujourd'hui installé au Ghana, Paul Kodjo a confié la totalité de ses négatifs au photographe ivoirien Ananias Leki Dago. " Une lourde responsabilité ", confie ce dernier qui a entrepris, avec le soutien du Goethe Institut d'Abidjan, un vaste travail de restauration et de préservation du travail du pionnier de la photographie ivoirienne. Une œuvre qu'il espère pouvoir exposer à Abidjan et présenter à la fois dans un documentaire et un livre... s'il parvient à trouver les fonds nécessaires. Un travail de mémoire primordial.

Ananias Léki Dago, le nomade

Qu'il arpente le continent africain ou qu'il s'évade en Europe, l'initiateur des Rencontres du Sud (le mois de la photographie d'Abidjan) aime abolir les frontières et se situer là où on ne l'attend pas. Son Leica M6 immobilise les flous et met en lumière les ombres, joue le plus souvent avec le noir et le blanc pour dessiner un univers esthétique tranchant et révéler la souffrance de ceux mis à la marge. L'œil aguerri, Ananias Léki Dago s'intéresse aux détails, aux incongruités. Au Mali en proie à la folie islamiste, il découvre d'inattendues croix formées par les pousse-pousse des travailleurs de peu ( Bamako Crosses). À Soweto, dans ces lieux de vie que sont les anciens bars clandestins de l'apartheid, il repère la solitude des âmes assoiffées d'une vie meilleure (Shebeen Blues). Au Liban, il s'intéresse à la minorité noire ( Hoch El Abid), tout comme il s'attache aux migrants subsahariens en France ( Blanc-Mesnil noirs).

En 2008, il suit l'opération Licorne dans son pays ( Embedded). Aujourd'hui de retour en Côte d'Ivoire après plus d'une décennie d'absence, à 44 ans, Ananias Léki Dago vient de réaliser une résidence d'artiste dans le sud-ouest du pays, mise en place par le conseil régional de La Nawa. Un livre sur la " boucle du cacao " devrait paraître prochainement. Il a également lancé un vaste programme de restauration des négatifs du père de la photographie ivoirienne, Paul Kodjo.

Paul Sika, le peintre

Avec ses clichés aux couleurs saturées ou plus rarement pastel (Lilian'appeal) et ses mises en scène dignes d'un David LaChapelle, Paul Sika a su retenir l'attention du faiseur de tendances Kanye West, qui en 2009 publiait l'un de ses clichés sur son blog. Difficile de rêver meilleure promotion ! Depuis, le jeune Ivoirien né en 1985 a été qualifié de " prodige du multimédia " par le New York Times. Sa technique : le " photomaking ", un néologisme inventé par cet ingénieur en informatique, fan de cinéma, pour décrire son travail réalisé sur Photoshop.

Chaque cliché est minutieusement retouché sur ordinateur pour y apporter un maximum de lumières et de couleurs. Ses personnages sont toujours savamment installés dans de joyeuses saynètes pour donner une image autre des quartiers populaires. Les poses sont exagérées, provocatrices, les visages rayonnants ou défiants.

Franck Abd-Bakar Fanny, le passionné

En 2013, il représentait son pays lors de la Biennale de Venise, aux côtés de Frédéric Bruly-Bouabré, Tamsir Dia et Jems Koko-Bi. Et pourtant, Franck Abd-Bakar Fanny n'est pas un artiste professionnel. Homme d'affaires avisé qui partage son temps entre New York et Abidjan et a inventé un système de navigation (GPS) adapté aux villes africaines, il a fait de la photographie un hobby que l'autodidacte qu'il est maîtrise parfaitement. Ses clichés sont des tableaux savamment composés, très conceptuels, jouant avec les couleurs, les noirs et les blancs, mettant en lumière les lieux de nuit, lieux de vie, illustrant la société de consommation ou interrogeant l'urbanisation actuelle. Sa série Another Day With You est l'une des pièces de l'exposition itinérante " La Divine Comédie ", conçue par l'incontournable Simon Njami et rassemblant les travaux de 55 artistes issus d'une vingtaine de 20 pays du continent (actuellement présentée au Smithsonian National Museum of African Art, à Washington).

François-Xavier Gbré, l'archiviste

Le travail de ce Franco-Ivoirien ne se donne pas d'emblée. Il s'apprivoise, demande que l'on prenne le temps d'observer attentivement l'image. Complexe, il invite à relire le passé et le présent à la recherche du multiple et de l'entre-deux et ne cesse d'interroger un monde en mutation.

Enfant du nord de la France, une région industrielle décimée, où il est né en 1978, François-Xavier Gbré s'intéresse aux friches urbaines et aux chantiers qui bousculent les capitales africaines en plein développement, Abidjan ( Fragments), Bamako ( Mali Militari)...

Observateur de l'évolution de notre monde, il aime déceler le passage des hommes, les traces qu'ils laissent dans l'architecture. La présence humaine n'est jamais montrée, toujours suggérée. Tout est dans le détail. Procédant de la sorte, François-Xavier Gbré se fait l'archiviste du continent.

Joana Choumali, la relève

Moins connue que ses confrères masculins il y a encore peu, la jeune femme était l'une des révélations de l'exposition " AAA - Abidjan Arts actuels " organisée en 2013 par la Fondation Charles Donwahi pour l'art contemporain pour révéler quatre artistes ivoiriens destinés à "s'imposer sur la scène culturelle".

Formée à Casablanca (Maroc), Joana Choumali (40 ans) y présentait Hââbré, The Last Generation, une série remarquée sur les scarifications (actuellement en tournée en Europe), qui donnait la parole aux dernières personnes encore flétries dans leur chair par cette pratique rituelle et qui dessinait une esthétique saisissante en jouant avec l'image (positif/négatif).

Avec Joana Choumali, la photographie se fait sociale et apporte une vision humaniste, qu'elle s'intéresse aux petites mains d'Abidjan qui travaillent pour ces " grands quelqu'uns " qui les ignorent ( These Invisibles), aux femmes africaines qui se battent au quotidien pour exister et se faire respecter ( Resilients ; Nappy) ou au laborieux vécu des aveugles, victimes de discriminations dans de nombreuses sociétés africaines ( De l'ombre à la lumière).


Source : afrique.lepoint.fr


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