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Le Black est-il l'avenir du Noir ?

  Culture & Loisirs, #

 

par Éric Mukendi

Né à Kinshasa du temps du Zaïre, Éric Mukendi est arrivé en France en 1985, aujourd'hui, il enseigne le français dans un collège en banlieue parisienne.

 

À quoi cherche-t-on à échapper quand on emploie un anglicisme de manière aussi visible ?

 

Les mots qu'on emploie ou qu'on choisit de ne pas employer, parlent pour nous et nous trahissent souvent au moment où l'on cherche le plus à leur échapper. " Elle sort qu'avec des Blacks " chantait l'artiste française Anaïs, il n'y a pas si longtemps. Et l'anglicisme ne surprenait personne puisque tout le monde a déjà entendu parler de cette catégorie d'hommes : " le beau Black ". Ce syntagme sonne déjà comme un cliché. Pourquoi " black " et " pas " noir " ?

Personne ne dira d'un pantalon, d'un chien, d'une chemise de couleur noire qu'il ou elle est " black ". Personne ne dit non plus " white ", " jew " ou " jewish ", " yellow " ou " asian " pour désigner un Blanc, un juif ou un Asiatique dans la langue de Molière. Mais le mot " black " pour désigner un être humain à la peau noire est très répandu dans la presse, la littérature contemporaine, les médias, les conversations, aussi bien dans la bouche des Blancs que des Noirs.

L'image du Noir américain victorieux

Quand on interroge spontanément quelqu'un qui dit " Black ", il répond souvent qu'il y a quelque chose de péjoratif à l'emploi du mot Noir. En somme, on dit " Noir " et on a peur que les braves gens entendent : " sale " Noir. Pourquoi ?

 

Alors qu'avec " Black ", on l'image du Noir américain victorieux, le champion, la star auréolée de succès, on a Michaël Jordan, Will Smith, Michaël Jackson, Barack Obama. La manière dont on nomme les gens et celle dont les gens se nomment n'est pas anodine. On peut le voir aux États-Unis, où le mot " nigger " peut faire scandale. Les rappeurs " blacks ", que l'État désigne comme " africain-américains ", s'en donnent à cœur joie et s'invectivent à coup de " nigger " le long des interludes de leurs albums, mais dans la vie publique et sociale, employer ce terme vous classe... ou plutôt vous déclasse.

 

Aujourd'hui celui qui dit " nègre " a de fortes chances d'être pris pour un raciste

Dans les Antilles, on est expert quand il s'agit de distinguer les différentes teintes de la peau noire et certains gardent jalousement leur titre, qui le chabin qui le quarteron. Au Brésil, beaucoup de descendants d'esclaves noirs ne se reconnaissent pas comme tel. En France, fort heureusement la situation est beaucoup moins tendue. Plus nuancée. Aux États-unis, Barack Obama est noir, en France il serait socialement un métis. Jusqu'à la première moitié du siècle, on disait " nègre " avec des connotations positives pour ce qui relève du monde de l'art et des artistes, à tel point qu'un courant de lettrés noirs prenait pour nom la Négritude.

" C'est le blanc qui crée le nègre "

Aujourd'hui celui qui dit " nègre " a de fortes chances d'être pris pour un raciste. Va-t-on arriver au stade, où celui qui dira " noir " sera aussi forcément suspect ? Va-t-on tous se cacher derrière la " coolitude " venue d'Amérique ? Il est pourtant légitime de croire qu'il suffirait de nettoyer nos cerveaux de toutes les associations d'idées qui nous viennent à l'esprit lorsqu'on emploie mot " noir " pour désigner un être humain et aussi bête que cela paraisse, le problème sera réglé et un " noir " ne sera plus qu'un être humain.

 

Les intellectuels français reprochent souvent aux membres des diasporas africaines de se penser en tant que Noirs et non pas en citoyens, comme le souhaiterait un Éric Zemmour, ou en prolétaire, comme le voudrait une certaine doxa marxiste. C'est qu'ils ont du mal à imaginer une chose évidente : on est une couleur que là où on est une minorité. " C'est le blanc qui crée le nègre " disait Frantz Fanon. Dans les rues de Kinshasa, de Bamako ou de Dakar, le " noir " n'est pas une couleur. C'est le blanc qui en est une. Alors dans les rues de Paris, on veut bien être un Noir, tout simplement.

Éric Mukendi



Source : www.jeuneafrique.com


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