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"Le clan Bongo, une histoire française" : Y'a bon Banania ?

  Politique, #

Diffusé le 6 juillet dernier, le documentaire de France 2, "Le Clan Bongo, une histoire française", est indubitablement destiné à l'opinion hexagonale et comporte des aspects nourrissant la caricature du noir grand enfant et incapable de bien de choses : le fameux "Y'a bon Banania", symbole d'un certain paternalisme colonialiste. Il n'y a véritablement pas de quoi s'en réjouir, plutôt de quoi s'énerver, à la Robert Mugabe.

Après la diffusion, sur France 2, du documentaire " Le Clan Bongo, une histoire française", on pourrait paraphraser le réalisateur noir américain Spike Lee déclarant, au sujet de " Bird" le film de Clint Eastwood sur le saxophoniste Charlie Parker : " c'est la vision étriquée de la vie d'un artiste noir par un metteur en scène blanc". Le documentaire de France 2 n'en est pas si éloigné. À bien des égards en effet, le film a laissé les Gabonais sur leur faim, donnant très souvent l'impression d'un rabâchage, sinon de remâché. Là où on s'attendait à un focus sur le " clan Bongo ", les réalisateurs ne se sont appesantis que sur Omar et Ali Bongo, subsidiairement sur Pascaline Mferri Bongo.

 

Choses vues, entendues et ressassées

L'on relève, à l'analyse primesautière, que les personnes ressources et témoins de l'enquête ne sont autre que Pierre Péan et Robert Bourgi. Deux personnalités controversées ayant eu maille à partir avec l'entourage ou avec l'actuel occupant du palais du bord de mer. Si le premier est connu pour ses écrits sur l'Afrique et sur le Gabon avec des révélations à scandale, le second était quant à lui le chantre et artisan de la Françafrique, l'entremetteur aujourd'hui éconduit entre Omar Bongo et les hommes politiques français. Dans le documentaire ici en question, il n'a d'ailleurs pas hésité à clamer son aigreur d'avoir été écarté par Ali Bongo. Leurs témoignages relevaient du déjà entendu et les Gabonais estiment n'avoir rien appris de nouveau de leur part.

 

Si on ne saurait dire qu'on n'y a rien appris, on devrait reconnaitre que les révélations du film de Donatien Lemaître et Laurent Dy rejoignent ce que la presse gabonaise relève régulièrement au point de le normaliser, sinon le banaliser. Les Gabonais se doutaient bien, en effet, que la Fondation à laquelle Ali Bongo devrait céder sa part de l'héritage d'Omar Bongo, " officiellement, ...n'a pas encore été créée". Ils ont découvert que leur président a obtenu son bac à l'issue d'un petit lobbying téléphonique, que " depuis que les juges français s'occupent de ses affaires, Ali Bongo s'est détourné vers l'Asie et passe ses weekend à Londres où il fait des affaires" ; qu'il paye près de 23 millions de francs CFA pour une répétition avec le London Philharmonic Orchestra ; que pour sa passion de l'automobile, 29 bolides et grosses cylindrées ont été acquis pour 9,7 milliards de francs CFA ; qu'une villa a été achetée à Londres pour plus de 26 milliards de francs CFA ; que plus de 665 millions de francs CFA ont été dépensés en une année pour la grande toilette de Sylvia Bongo, la Première dame ; que 8% des revenus du pétrole vont directement dans les poches du clan en plus de la " commission commerciale " de 10 millions de dollars que touchait son prédécesseur de père ; que les violences postélectorales ont fait 27 morts ; que sur un quart seulement de procès-verbaux compulsés par les reporters plus de 3300 abstentions ont été enregistrées dans le Haut-Ogooué lors de la dernière présidentielle...

Bref, des choses et d'autres, même s'il y quelques nouveautés, souvent déjà traitées par la presse gabonaise et occidentale qui donnent donc une impression de remâché pour tout observateur attentif de la vie politique gabonaise. Si bien que l'on se demande à quel public était destiné ce film documentaire ?

Pour qui roulait la production ?

Visiblement tourné un peu avant la présidentielle française, le film visait indubitablement l'opinion française, plus particulièrement les nouveaux occupants de l'Elysée. " Si Macron s'interrogeait sur la nécessité de recevoir Ali Bongo, il a désormais la réponse ", estime, après avoir regardé le documentaire, un éminent membre de l'écurie Jean Ping.

 

Le timing du documentaire laisse en tout cas songeur : il est diffusé dans un contexte où, depuis le 26 juin dernier, une juge d'instruction française a décidé d'enquêter sur les éventuels "crimes contre l'humanité", relatifs aux violences postélectorales au Gabon en 2016 et où la présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, est sous le regard de la justice française à travers deux plaintes. Toutes choses qui laissent penser à un acharnement, ainsi que cette dernière l'a déclaré sur RFI : " l'objectif visé (par ces plaintes) est d'affaiblir Mme Mboratsuo et même de porter atteinte à la stabilité des institutions du Gabon ".

Relevant une phrase de la voix narrative du documentaire (" depuis que les juges français s'occupent de ses affaires, Ali Bongo s'est détourné vers l'Asie et passe ses weekend à Londres où il fait des affaires"), Laure Patricia Manevy, journaliste au bimensuel gabonais La nouvelle République, voit du "business", des affaires capitalistes, derrière cette attaque médiatique. Elle n'en veut pour preuve que la critique sibylline contre Olam, au moment où a lieu, dans le film, l'inauguration de l'usine d'huile de palme d'Awala. D'ailleurs, la multinationale singapourienne est, ces derniers temps, en guerre larvée contre Bolloré pour avoir grignoté une partie du fromage de ce dernier dans le port d'Owendo.

La diversification de l'économie et des partenaires du Gabon serait-elle mal perçue à Paris ? Le documentaire est en tout cas à charge. Un peu comme si les réalisateurs faisaient un remake de " Mobutu Roi du Zaïre", nulle part Ali Bongo n'a réalisé quelque chose de bon. Les enquêteurs ont choisi de ne présenter les aspects contestables et détestables d'Ali Bongo. Les mêmes médias savent pourtant (ils l'ont souvent fait) montrer les petits progrès et les victoires engrangées. " Pourquoi n'avoir choisi de montrer que le côté sombre de la pièce ?", s'est-interrogé un téléspectateur. Et un autre de lire, sur son téléphone portable, des mots attribués au président Zimbabwéen, Robert Mugabé : " A chaque fois que les pays africains francophones veulent se développer et s'affranchir des contrats abusifs signés contre leurs peuples, la France intervient en utilisant sa justice et ses médias. Et comme on nous a appris à consommer d'abord européen, les fils de ces pays soutiendront le colonisateur et mèneront la bataille contre leurs dirigeants et leurs propres intérêts ".

L'émission aura indubitablement battu les records d'audience au Gabon, tant elle aura largement été promue et annoncée par les médias français (France 24, Le Monde, etc.). Et, si les 9 milliardaires qui, selon Jean-Luc Mélenchon, " possèdent tous les quotidiens, tous les grands hebdos, toutes les chaînes d'info en continu et les grandes chaines privées" étaient dans le coup ? Il a été écrit, en France : " Emmanuel Macron, un putsch du CAC 40". Et si quelque chose de tel se tramait au Gabon ? Le film de Donatien Lemaître et Laurent Dy se termine sur une phrase qui donne à réfléchir : " Ali le sait : le pays gronde et rien ne dit qu'il pourra terminer son mandat. Après un demi-siècle de pouvoir, les Bongo pourraient bien voir le trône leur échapper ". Un avertissement? 



Source : Gabonreview.com | Actualité du Gabon |


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