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Culture & Loisirs, # |
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Lorsque l'on pense à la communauté rasta, on pense à la Jamaïque ou à l'Ethiopie. Or c'est au Ghana que l'on compte le plus de rastas en Afrique.
Reconnu pour sa tolérance, le pays fait figure d'exception et attire les adeptes de Jah venus d'Afrique, des Etats-Unis et de Jamaïque. Stable politiquement, viable au niveau économique, le Ghana représente un bon compromis entre l'idéologie rasta du retour en Afrique -la Terre Mère- et des préoccupations plus terre-à-terre de qualité de vie. Ainsi Rita Marley, veuve du grand Bob, a elle aussi choisi le Ghana comme pied-à-terre africain et passe une partie de l'année dans le pays. Le rastafarisme est né en Jamaïque dans les années 1930 au moment du couronnement comme empereur d'Ethiopie d'Hailé Sélassié, incarnation de Jah (Dieu) sur Terre et descendant du roi Salomon, le roi d'Israël, mentionné dans la Bible. Il a pris sa source dans les idéologies politiques panafricaines, notamment défendues par les Jamaïcains Alexander Bedward et Marcus Garvey, qui entendaient rendre leur fierté aux Noirs par la remise en valeur de leur identité africaine, et leur rapatriement des Caraïbes et des Etats-Unis vers le continent.
Pourtant, les rastas sont paradoxalement mal acceptés et parfois rejetés en Afrique, où leur mouvement est souvent caricaturé. Leur végétarisme intrigue. Leurs cheveux et leurs barbes jamais coupés, les "dreadlocks", symboles ostentatoires de leur dévouement à Dieu, tout comme leur consommation de marijuana, fumée pour s'élever vers Dieu, sont les obstacles majeurs à leur intégration dans la plupart des sociétés africaines. Au mieux, ils sont vus comme des fumeurs de marijuana oisifs et marginaux, au pire assimilés aux fous et aux sans-abris qui parcourent les rues africaines tous débraillés.
Des champs de cannabis dans la région Volta
De fait, les hommes aux dreadlocks sont souvent salués dans les rues des villages où ils sont installés et peuvent pratiquer leurs activités artistiques, en particulier la musique reggae, dans un climat de tolérance. Vouant un culte important à la nature, sacrée dans le rastafarisme, les rastas s'installent généralement dans les montagnes, au bord de la mer ou des fleuves. Trois régions abritent principalement les rastas du Ghana. La région Volta d'abord, frontalière du Togo à l'est du pays, réputée pour ses nombreux champs de cannabis. Les rastas sont aussi implantés dans les forêts autour de Kumasi, deuxième ville du pays, notamment pour des raisons spirituelles. Ce sont des membres de l'ordre Bobo Shanti, crée en 1958 en Jamaïque par le prince Emmanuel et nommé en référence au peuple Ashanti habitant cette région de l'ouest du Ghana. Cet ordre, le plus radical des tribus rastas, est particulièrement attaché au retour en Afrique et s'attribue un lien avec les Ashantis ghanéens. D'autres ordres du mouvement rasta sont présents dans le pays, comme les 12 tribes (celui auquel Bob Marley appartenait), One Force ou les Nyahbinghi. Enfin, autour d'Accra, la capitale ghanéenne, les rastas ont élu domicile dans plusieurs villages. Rita Marley célèbre l'anniversaire de son mari au GhanaA une heure de route au nord d'Accra, loin de son agitation, les luxuriantes collines d'Aburi accueillent même la "reine du reggae", Rita Marley en personne. Désireuse elle aussi d'effectuer son retour en Afrique et d'aider au développement du continent, la veuve du roi du reggae a choisi en 2000 le Ghana pour vivre une partie de l'année. C'est là qu'elle célèbre chaque année l'anniversaire de la naissance de Bob, le 6 février, avant de repartir en Jamaïque pour l'anniversaire de sa mort, le 11 mai. Elle a créé dans le petit village de Konkonuru, qui l'a sacrée reine, la Rita Marley Foundation, une fondation humanitaire.
Il est vrai que la fondation, le studio en ruines gardé par des barbelés et le bâtiment censé accueillir un restaurant et un magasin de souvenirs semblent laissés à l'abandon. Peut-être l'accueil tiède réservé aux rares visiteurs traduit-il aussi un certain malaise.
Située le long du Golfe de Guinée, sa plage de sable fin idyllique, avec ses concerts de reggae hebdomadaires, ses effluves de marijuana et ses nombreux restaurants "ital" (terme dérivé de " vital " qui désigne la cuisine végétalienne des rastas), attirent rastas et touristes.
Autour de la plage et des quelques hôtels du village rôdent d'ailleurs les "beach boys", plus intéressés par les touristes occidentales que par le mode de vie rasta défendu par Courage Man Jah.
Si Courage Man Jah espère qu'un jour son groupe familial deviendra célèbre, il se défend d'isoler ses enfants.
Qu'est-ce que le rastafarisme ? " Pour nous, il n'y a pas de - isme - .Ce n'est pas une religion mais un principe de vie." précise Courage Man Jah. Fidèle à la volonté d'universalisme du mouvement rasta, il estime que tous les Africains devraient l'adopter. " S'il y avait plus de rastas, il y aurait moins de guerres. " Toutes les photos ont été réalisées par Julia Küntzle et Paul Blondé.
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