Le mobile multi-usage
Service le plus développé aujourd’hui est le paiement mobile. Au Kenya – un modèle cité en exemple –, il est répandu auprès de 70 % des abonnés. Autre chiffre, Orange Money enregistre neuf millions de clients en Afrique et 60 millions d’euros échangés chaque semaine. Sur un continent où le taux de bancarisation est très faible – en moyenne 15 %, avec certains pays plus proches de 5 % –, ce dispositif permet de prépayer, transférer, payer ses factures, faire le plein d’essence, conserver, prêter de l’argent. La « e-money » est devenue le deuxième moyen de paiement dans nombre de pays. « Pratique quand des transferts d’argent en cash de la ville au village se font, par exemple, via les chauffeurs de bus avec tous les aléas que cela comporte », relève Fabrice André, directeur Qualité et RSE de la zone Afrique-Moyen-Orient pour Orange. 3 % peuvent être ainsi relevés sur chaque transaction. Bien entendu, le mobile peut également être un outil utilisé par les gouvernements auprès des populations – servant de carte d’identité, de dossier médical…
La santé justement, c’est vers ce secteur que se tourne aussi de plus en plus le mobile. Il est encore difficile d’en chiffrer l’ampleur mais « il y a là des opportunités pour améliorer la santé des populations en donnant accès aux informations aux moments nécessaires pour le suivi maternel et infantile, permettre à une maman de poser une question, réduire le taux de mortalité des femmes enceintes, etc. L’objectif est de faire accéder le plus grand nombre aux services de santé », poursuit Fabrice André. On peut par exemple envoyer des photos pour obtenir un diagnostic auprès des médecins qui se trouvent dans la capitale. L’Afrique étant le continent avec le moins de médecins au monde. Les possibilités de services se multiplient à l’envi. Et puis la « mobile money », rappelle-t-il, permet de mettre de l’argent de côté pour financer sa santé, même si c’est un ou deux dollars par jour, « c’est un outil qui va inventer un dispositif nouveau de santé ». Pour l’agriculture, premier secteur économique africain, il a été réfléchi à comment le mobile pourrait la rendre plus efficace avec des services d’informations sur les prix du marché, où se trouvent les denrées alimentaires les plus proches, vers quels marchés un agriculteur a intérêt à vendre. Tout comme il permet de bénéficier des services météo et de savoir quelles bonnes semences on peut utiliser et quand on doit irriguer son champ. Un capteur est pour cela relié dans la terre. Globalement, le mobile révolutionne la manière de commercer, assurant « une fluidité des marchés, permettant de négocier par SMS le prix des matières premières entre commerçants et particuliers ; avec le mobile, les pêcheurs sont directement reliés avec les marchands et ces derniers avec des clients plus éloignés », explique Jean-Michel Huet, directeur associé au sein du cabinet BearingPoint et auteur d’études sur l’impact du mobile dans les économies africaines.
Se redéployer
Les nouveaux usages du mobile permettent donc de pallier le déficit d’infrastructures, de personnels, de services publics et de faciliter les échanges d’informations, de services, d’argent. Mais pallier ces carences, n’est-ce pas se substituer aux investissements nécessaires pour qu’il y ait plus d’infrastructures ? « La téléphonie mobile ne remplace pas les investissements par les Etats. Il faut dix ou vingt ans pour former des médecins. » Jean-Michel Huet reconnaît d’ailleurs que le principal frein au développement du mobile demeure les pénuries d’électricité, nécessaire pour recharger les batteries, bien que celles avec cellules photovoltaïques pourraient se généraliser.
« Notre mission est d’investir sur place pour le développement des pays, de prendre appui sur les poumons de croissance. Plus l’Afrique a de potentiel, plus nous serons gagnants », poursuit Fabrice André. « Tous les deux ans, nous entamons un dialogue avec toutes les parties prenantes, pour connaître leurs attentes, il en remonte pour nous des sujets de business à moyen terme et des indications pour orienter nos investissements. » Ce qui incite l’opérateur à sortir du cadre de son métier historique, d’intégrer les besoins de secteurs en développement, et d’élaborer des solutions technologiques nouvelles, de se redéployer. « On peut appeler cela le mobile pour le développement, nous réfléchissons à comment nous pouvons investir, mieux couvrir certaines zones, nous regardons en quoi les mobiles peuvent accélérer les secteurs en développement. » Dernier indicateur, une progression de 10 % de la pénétration du mobile dans un pays amène un gain de 0,7 % de PIB.
Source: http://www.forbesafrique.com/Le-mobile-un-accelerateur-de-developpement_a1420.html