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Le Nigeria gère mal les prix du pétrole, admet l'ex-ministre des finances

  Politique, #

Quel bilan économique tirer des années Goodluck Jonathan ? Le Monde Afrique a rencontré Ngozi Okonjo-Iweala, la ministre des finances sortante. Si l'université américaine Yale a récemment décerné à l'ex numéro deux de la Banque mondiale un doctorat honoris causa pour l'ensemble de ses réalisations, certains économistes nigérians lui reprochent cependant de ne pas avoir anticipé les conséquences de la baisse des cours du pétrole, dont la première économie africaine tire 70 % de son budget.

Akinwumi Adesina vient d'être élu directeur de la Banque africaine de développement, il était jusque-là ministre de l'agriculture du Nigeria. C'est un peu aussi votre victoire ?

Absolument, mais c'est surtout la victoire de notre pays. Cela faisait 35 ans que le Nigeria cherchait à obtenir cette place. Adesina a une vision, de l'énergie, il est passionné, il a tout ce qu'il faut pour prolonger l'excellent travail accompli par Donald Kaberuka. Je tiens à souligner l'importance de ce processus électoral, l'Afrique montre la voie en organisant des élections transparentes pour la Banque africaine de développement.

 

En 2014, le Nigeria est devenu la première puissance économique d'Afrique. Pourtant la majorité des Nigérians les plus pauvres ont vu leurs conditions de vie se dégrader. C'est un échec ?

Je comprends qu'ils aient ce sentiment, c'est naturel et ils ne sont pas les seuls dans le monde. Nous devons améliorer la qualité de notre croissance car c'est cela qui permet de réduire les inégalités. L'économiste français Thomas Piketty parle très bien de ces inégalités. Notre revenu par habitant a augmenté, mais il y en a certains bien plus riches que d'autres donc c'est la pauvreté relative qui choque les gens, ils se sentent moins bien lotis. Mais il est possible de résoudre ce problème d'inégalités et d'améliorer l'inclusion.

Comment ?

Nous avons commencé à le faire en faisant bénéficier les plus pauvres d'une sécurité sociale. 500 000 dollars ont été affectés à la création un système d'aides conditionnés qui a déjà été expérimenté au Brésil et au Mexique. L'idée est de s'adresser à une mère de 5 enfants en lui proposant des transferts d'argent conditionnés de 5 000 nairas. Par exemple, si elle inscrit un enfant à l'école, elle reçoit un transfert. Si elle fait vacciner ses enfants, elle en reçoit un autre. On a déjà mené des phases pilotes dans 8 Etats et ça a très bien marché. A Kano, le taux de scolarisation a augmenté de 10 %. J'espère que le nouveau gouvernement va continuer dans cette voie, avec les bailleurs de fonds qu'on a déjà convaincus. Nous avons aussi créé des programmes pour stimuler l'emploi dans les secteurs porteurs comme l'agriculture ou la construction de logements. Les Nigérians ne veulent pas être assistés, ils veulent travailler. 1,8 million de personnes arrive sur le marché de l'emploi chaque année.

Ces derniers jours le pays a été paralysé par une pénurie d'essence liée à un litige financier entre le gouvernement et les fournisseurs de carburant. Vous partez en laissant le souvenir d'une grave crise, ça ne vous pèse pas ?

Cette crise a été orchestrée pour ternir l'image du gouvernement. On se demande bien par exemple pourquoi il y a eu une pénurie de diesel alors qu'il n'y a aucune subvention pour le diesel. C'est le carburant le plus important, car quand il n'y a plus d'électricité, on en a besoin pour alimenter les générateurs. Alors les banques ont fermé, les ascenseurs ont cessé de fonctionner... En arrêtant de livrer le diesel sans raison valable, le pays était au point mort.

 

Oui mais il y avait bien des problèmes de subventions pour l'essence.

Ça c'est un autre problème. Nous subventionnons l'essence tout au long de l'année, et les comptes avec nos fournisseurs sont rarement à zéro avant la fin de l'année fiscale. En 2015, on a fait l'effort de payer plus tôt parce qu'on sentait les fournisseurs inquiets [à cause des élections - NDLR]. Entre novembre 2014 et aujourd'hui, on a payé 500 milliards de nairas (2,3 milliards d'euros). Il ne nous restait plus que 200 milliards de nairas à payer (920 millions d'euros). Mais ils ont commencé à demander à ce qu'on compense la baisse du cours du naira sur le dollar en nous réclamant quasiment un milliard de dollars supplémentaire, c'était si énorme !

Pénurie d'essence le 25 mai à Abuja. Crédits : REUTERS

Si j'avais payé cette somme sans prendre le temps de vérifier, on m'aurait accusée d'avoir organisé une fraude, car on sait qu'il y a beaucoup d'arnaques autour de la vente de carburant, malgré nos efforts pour faire le ménage. On s'était mis d'accord pour attendre que la banque centrale se prononce, car c'est elle qui est en charge des politiques de taux de change, mais le lendemain une fois de retour à Lagos les fournisseurs ont arrêté leurs livraisons ! Pourquoi ? Si toute l'économie du pays a été suspendue, ce sont aux fournisseurs à qui il faut faire des reproches, pas à nous.

 

Vous aviez tenté de mettre fin à ces subventions en 2012 car elles sont liées à une corruption massive, mais le gouvernement a fait marche arrière face à la colère de la population. N'auriez-vous pas dû mettre votre démission dans la balance ?

Pourquoi aurais-je dû démissionner ? Le président Goodluck Ebele Jonathan a été le seul assez courageux pour tenter de mettre fin à ces subventions, mais il y a eu un énorme tollé. Nous avons été complètement bloqués par les syndicats et par l'opposition, celle qui est aujourd'hui au pouvoir et qui disait à la population qu'on voulait la faire souffrir. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut arrêter les subventions. Je pense que ce gouvernement va s'en occuper, et nous serons derrière lui.

Certains économistes vous reprochent d'avoir mené une politique fiscale trop lâche quand le cours du baril était vraiment haut, et aujourd'hui votre budget a été revu à la baisse...

C'est complètement faux. Notre déficit budgétaire est de moins de 2 % de notre PIB, ce qui est rare ! Ce que les économistes nous reprochent et là où ils ont raison, c'est de ne pas avoir assez économisé quand le prix du baril était élevé. C'est moi qui ai créé l'Excess crude account (ECA - compte pour l'excédent de brut, un fonds utilisé pour stocker les revenus de la vente du brut quand ils dépassaient un certain montant, NDLR), quand j'étais dans le gouvernement du président Obasanjo, justement pour qu'on puisse faire des économies quand les cours étaient hauts. On a pu mettre de côté entre 18 et 22 milliards de nairas à l'époque, ce qui nous a permis de ne pas trop souffrir de la baisse des cours en 2008.

Quand je suis revenue, et que j'ai vu qu'il n'y avait que 4 milliards dans l'ECA, j'ai prévenu plusieurs fois qu'il fallait faire des économies. Je me suis battue pour mettre de côté presque 9 milliards de nairas en 2012, mais j'ai été attaquée par les gouverneurs, qui disaient avoir besoin de cet argent dans leurs Etats. Alors on a dû partager car la Constitution n'est pas très claire à ce sujet sur la gestion des finances de l'Etat. Maintenant ils réalisent que tout ce que je disais à l'époque était vrai.

Dans son discours d'investiture, le président Buhari a expliqué que l'économie se portait très mal, qu'en pensez-vous ?

Il a raison, notre économie est confrontée à de grosses difficultés. J'avais prévenu que quand les cours du brut baisseraient, nous aurions des soucis et qu'il faudrait se serrer la ceinture. Mais à l'époque l'opposition m'a accusée de vouloir mener une politique d'austérité, et aujourd'hui ils réalisent que je disais la vérité.

Notre économie est confrontée à de grosses difficultés

Si on la dirige bien, l'économie du Nigeria a les atouts pour se sortir des problèmes. D'abord parce que notre agriculture se porte bien. Nous pouvons aussi peut faire comme l'Angola, et vendre aux enchères des blocs pétroliers. Et nous pouvons aussi miser sur la diversification. Mc Kinsey nous a aidés à identifier les secteurs qui ne dépendent pas du pétrole. Cette chute des cours du pétrole est une chance pour nous aider à nous diversifier. Je voudrais aussi rappeler que notre dette est de 10,7 % du PIB, c'est l'une des plus faibles au monde.

Comment expliquez-vous que la commission pour les crimes économiques et financiers (EFCC) ait abouti à si peu de condamnations alors que la corruption mine le pays ?

La corruption est un problème et on doit s'y attaquer. Mais ces dernières années on a fait des progrès. En 2003, nous étions les avant-derniers du classement de Transparency International avec juste devant le Bangladesh. C'était terrible ! Ce n'est pas encore du tout satisfaisant, on ne va pas s'en vanter, mais des résultats sont là. Donc on doit continuer sur cette voie, mais le vrai problème c'est l'impunité. L'EFCC a arrêté des gens, les a fait inculper, mais les dossiers avancent trop lentement en justice.



Source : www.lemonde.fr


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