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Le Point Afrique Actu : le Soudan du Sud vers la paix ?

  Politique, #

Par Agnès Faivre

On ne savait plus vraiment s'il viendrait. Mais le chef rebelle sud-soudanais Riek Machar a fini par quitter son refuge de Magak, en Éthiopie. L'avion de l'ONU qui l'amenait à Juba, capitale du Soudan du Sud, a atterri à 15 h 45 ce mardi 26 avril. La suite est racontée par le site d'infos anglophone Sudan Tribune : " De l'aéroport, il a filé droit au palais présidentiel, où l'attendait son principal adversaire et partenaire de paix Salva Kiir. Il a immédiatement prêté serment comme vice-président de la plus jeune nation du monde. "

Machar prête serment comme vice-président

Riek Machar est nommé vice-président du Soudan du Sud. Ou plutôt, il le redevient, recomposant ce tandem très éprouvé aux côtés de son " principal adversaire et partenaire de paix " selon la formule de Sudan Tribune. Salva Kiir l'a en effet déjà nommé vice-président en 2005. Après 56 années de lutte pour l'autodétermination, le Soudan du Sud vient alors d'arracher un accord sur son autonomie à Khartoum. Six ans plus tard, le 9 juillet 2011, naît le 54e pays africain. Riek Machar en devient le vice-président. En juillet 2013, toutefois, il est limogé par Salva Kiir. Puis, le 15 décembre, des combats éclatent entre les gardes présidentielles des deux têtes de l'exécutif. S'ensuit un conflit qui fera des dizaines de milliers de morts et plus de 2,3 millions de déplacés, sur un territoire qui a déjà connu deux guerres civiles depuis l'indépendance du Soudan en 1955.

Le président Salva Kiir s'excuse pour la guerre

" Je présente encore une fois nos excuses au peuple sud-soudanais pour la situation que nous, dirigeants, avons créée ", a déclaré mardi, lors de la prestation de serment, le président Salva Kiir. La scène est rapportée dans un autre article de Sudan Tribune intitulé " Le président du Soudan du Sud appelle à la coopération avec Machar. " Dès ce mardi, chacun semblait aussi afficher ainsi sa bonne disposition à appliquer l'accord de paix d'Addis-Abeba signé 17 août 2015, et qui articule notamment un cadre de partage du pouvoir. À commencer par la mise sur pied d'un gouvernement de transition, d'une durée de 20 mois, et censé aboutir à des élections. " Nous reconnaissons qu'il y a encore des questions irrésolues dans l'accord, mais nous promettons de régler ces questions à l'amiable. C'est le seul choix pour soulager notre peuple de la souffrance imméritée due au conflit armé qui leur a été imposé ", a poursuivi Salva Kiir.

La formation d'un nouveau gouvernement de transition

Ce jeudi 28 avril, deux jours après l'arrivée de Riek Machar à Juba, un gouvernement d'unité nationale a été formé. Conformément à l'accord de paix d'Addis-Abeba, il se compose de 16 ministres pro-Kiir et de 10 ministres pro-Machar. Sudan Tribune en livre la liste ici. Le camp de Riek Machar sera aussi représenté par 70 députés à l'Assemblée nationale - qui comptait 170 membres en 2010. " Décrit par les analystes comme le vice-président le plus puissant de l'histoire de l'Afrique, qui va partager le pouvoir avec le président, avoir 10 ministres, des législateurs au Parlement national, gouverner des États producteurs de pétrole et commander une partie de l'armée et de la police, Machar a appelé les partenaires de la paix à mettre en oeuvre l'esprit et la lettre de l'accord de paix ", note Sudan Tribune.

D'" importantes réformes " attendues

" Le premier test de la coopération au sein du nouveau gouvernement sera de s'attaquer au nombre d'États que devrait avoir le pays ", avance Sudan Tribune. En octobre 2015, Salva Kiir a en effet annoncé la création de 28 États, au lieu des 10 figurant dans le texte de l'accord de paix. D'autres occasions d'éprouver cette nouvelle coopération ne tarderont cependant pas à surgir, tant les chantiers abondent. " La chute actuelle des cours du pétrole a poussé le Soudan du Sud au bord de l'effondrement économique. Même si les parties mettent pleinement en œuvre l'accord de paix, les défis économiques ne seront pas surmontés sans d'importantes réformes et une aide internationale ", estime le chef des opérations de maintien de la paix à l'ONU Hervé Ladsous dans les colonnes de Sudan Tribune. S'agissant de l'aide internationale, les États-Unis annoncent une enveloppe de 86 millions de dollars, destinée aux victimes du conflit. Il s'agit ici de pallier aux besoins humanitaires de ces populations, en matière de soins médicaux, de nutrition, d'eau potable, ou encore de formations à l'agriculture. L'aide humanitaire américaine se chiffre à 1,6 milliard de dollars depuis décembre 2013.

Un État à construire

Outre la situation humanitaire, les défis auxquels est confronté ce jeune État sont aussi sécuritaires, économiques, sociaux ou institutionnels. À travers ses reportages sur le terrain, Radio Tamazuj pointe le besoin criant d'action publique. À Kuei, village de 4 000 habitants perdu dans les vastes marais de l'État de Jonglei, dans le Nil supérieur, un volontaire a décidé de s'occuper des enfants. " L'école primaire moderne de Kuei n'a ni mur, ni toit, mais un enseignant et 200 élèves ", peut-on lire sur le site de Radio Tamazuj. Le gouvernement semble avoir oublié cette localité, sans école aux alentours, où le maître fait la classe sous les arbres, et quand il pleut, dans l'église. Dans cet autre article, Radio Tamazuj nous apprend que 61 médecins de l'hôpital de Juba entraient dans leur 5e jour de grève ce mercredi 27 avril. Leurs salaires n'ont pas été versés depuis le mois de décembre. Comment l'État va-t-il se positionner alors que la promesse de stabilité politique s'accompagne d'un retour des populations déplacées dans certaines régions ? " Il appartient maintenant au président Kiir et au Dr Machar de mettre leur ego de côté et de faire tous les efforts pour amener le Soudan du Sud sur les rails ", estime le quotidien kényan The Nation dans son édito intitulé : " Faites réussir l'accord de paix. "

La cohabitation de deux frères ennemis

L'étrange binôme Salva Kiir - Riek Machar, prêtant serment mardi la main sur le coeur - l'un en chemise colorée, l'autre en costume sombre -, et s'excusant auprès de son peuple pour les atrocités commises, est-il digne de confiance ? Le premier, toujours flanqué de son chapeau de cow-boy, offert par le président américain Georges W. Bush himself en 2006, a passé la plus grande partie de sa vie les armes à la main, à combattre le régime de Khartoum. Il hérite du pouvoir à la mort du leader de la rébellion sudiste John Garang, en 2005. Le second, ingénieur de formation, rejoint le maquis soudanais dans les années 80. Mais au sein de l'armée populaire de libération du Soudan (SPLA), il s'oppose à John Garang. Et à Salva Kiir. Les dissensions entre les deux chefs sud-soudanais sont à la fois politiques et ethniques : Kiir est Dinka, Machar est issu d'une branche du peuple Nuer. Ces deux guerriers sauront-ils déposer les armes ? Pour le quotidien burkinabè Le Pays, les deux hommes, mus par une " méfiance réciproque " et " une guerre féroce d'ego " sont " les deux maux dont souffre véritablement le Soudan ". Et de rappeler que Riek Marchar a tardé à rappliquer à Juba car, selon le gouvernement, il " aurait exigé de rentrer avec 200 hommes et un arsenal comprenant des missiles à visée laser et des mitrailleuses lourdes ". L'idéal, poursuit Le Pays, aurait été de " neutraliser " les deux hommes qui " ont pris en otage tout le pays ", et " de permettre à une troisième personnalité qui a la carrure d'un homme d'État d'émerger ".

" Le plus dur reste à venir "

Un Soudan du Sud " pris en otage " par des leaders " cupides " et " égoïstes ", c'est aussi l'opinion exprimée par John Prendergast, cofondateur de l'ONG américaine Enough Project, dans les colonnes de Sudan Tribune :

" Le plus dur reste à venir " prévient Le Pays, à propos de la cohabitation Kiir-Machar et de l'application de l'accord de paix d'Addis-Abeba. " Chaque camp va vouloir s'attribuer la part du lion ", déplore le titre burkinabè, qui doute de la capacité des deux dirigeants à respecter leurs engagements. " On l'a déjà vu en Côte d'Ivoire où Laurent Gbagbo, alors président de la République, prenait du plaisir, le soir venu, à malmener les accords que lui-même avait pourtant signés le matin ; roulant ainsi, tel un boulanger, tout le monde dans la farine. " " Riek Machar à Juba : un espoir exagéré ", titre quant à lui Le Djely. Outre les querelles de pouvoir et les rivalités ethniques entre Dinka et Nuer, le site d'infos guinéen liste un obstacle d'ordre à la fois sécuritaire et politique, sur lequel pourrait achopper le processus de paix : " Dans le sillage de cette guerre civile des plus meurtrières, des milices tribales se sont constituées autour d'objectifs et d'enjeux aussi bien locaux qu'indépendants des intérêts des deux grands camps rivaux ", note-t-il.

Une formidable opportunité économique

Le ton est plus enthousiaste dans cet éditorial du site d'info kényan The Est African : " C'est le moment du Soudan du Sud, il faut le saisir ! ", enjoint-il dans son titre. Le billet rappelle la récente intégration du Soudan du Sud au sein de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC), officialisée ce 15 avril 2016, soit quelques jours avant la formation d'un gouvernement de transition. Il pointe ainsi le fait que le pays est à un moment charnière de son histoire, et invite " les Sud-Soudanais dans la souffrance " à saisir cette opportunité pour se projeter vers l'avenir. " Quoi de mieux pour le Soudan du Sud que d'adhérer à l'EAC, qui offre la fraternité, le commerce, l'intégration et le développement économique ? ", interroge-t-il. " Le retour de Machar pourrait annoncer un nouveau commencement " renchérit The Monitor. Le quotidien ougandais salue les efforts de l'Igad, l'équipe de médiation des pays est-africains qui appuie le processus de paix au Soudan du Sud, et affiche l'optimisme. " L'arrivée du Dr Machar à Juba est un petit pas, dans ce qui sera un long chemin ardu, vers la réparation de la confiance brisée. Il se pourrait que tout dégénère rapidement. Mais il se pourrait aussi qu'il maintienne le cap. L'espoir est que le Soudan du Sud puisse se joindre à la table des nations libres, sans être entravé par son histoire sanglante. " Avec l'intégration du Soudan du Sud, le bloc des pays de l'EAC compte désormais 162 millions d'habitants, souligne le chercheur ougandais Martin Luther Munu dans The Monitor. Il évoque des " opportunités formidables " dans les échanges, et notamment avec l'Ouganda, qui a déjà triplé le volume de ses exportations vers le Soudan du Sud entre 2012 et 2014. Il reste cependant, précise-t-il, à " développer les infrastructures douanières " et à " faire de la sécurité au Soudan du Sud une priorité. "



Source : Le Point Afrique


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