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Le wax est-il devenu le fossoyeur de l'art textile africain ?

  Mode & Beauté, #, .

Reconnaissable par ses motifs caractéristiques et surtout par ses couleurs vives et chatoyantes, le wax a longtemps été présenté comme un tissu africain, et encore aujourd'hui comme le tissu africain de référence.

 

S'il est commercialisé en Afrique depuis plusieurs décennies et porté de générations en générations dans plusieurs communautés, il est toutefois impossible de lui assigner une identité spécifique.

 

"Chaque personne lui donne l'identité qu'elle veut", déplore Marie-Jeanne Serbin-Thomas. Et c'est bien cela le problème car "le wax n'est pas du tout africain mais un produit d'exportation".

 

Fondatrice et directrice de publication du magazine Brune, Madame Serbin-Thomas est spécialiste en mode, experte de la problématique du textile en Afrique et surtout, elle est passionnée par le sujet.

 

"Il s'est imposé [le wax] en Afrique de même que les boissons gazeuses qui sont Américaines et qu'on voit partout dans le monde", rappelle la journaliste. "Il ne vous viendrait pas à l'idée de dire que ces boissons gazeuses de couleur caramel sont Africaines parce qu'on en consomme en Afrique. De même, les cubes alimentaires qu'on met dans les sauces en Afrique ne sont pas non plus africaines, elles sont souvent produites par des multinationales qui sont occidentales", argumente-t-elle.

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"Le wax n'est pas du tout africain"

 

L'africanité du wax, du fait de son origine, est d'ailleurs régulièrement débattue, et son usage remise en question.

 

L'histoire du wax a réellement commencé en Indonésie à la fin du XIXe siècle. Les Javanais produisaient du batik, un tissu de coton imprimé à la cire des deux côtés, fixant les couleurs et les rendant presque imperméable. D'où le nom : Wax (cire an anglais). De leur comptoir colonial, les colons anglais et hollandais ramèneront ce procédé ancestral avant de décliner la technique sur des motifs aux couleurs vives, l'objectif étant de conquérir le marché subsaharien.

 

Importé en Afrique par les Hollandais, adopté et distribué surtout sur la Gold Coast, ancienne colonie anglaise qui donna naissance à l'État actuel du Ghana, le wax s'est répandu dans toute l'Afrique de l'Ouest et centrale.

 

Dans les années 60, plusieurs pays africains ont commencé à produire du wax. C'est le cas notamment du Ghana, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire et du Nigeria.

Le wax 'made in Africa' est rare

 

De nos jours, une grande majorité des modèles - le Wax Hollandais - est en réalité créé aux Pays-Bas. L'entreprise néerlandaise Vlisco y conçoit et fabrique des tissus luxueux depuis 1846 pour le marché africain.

 

En parallèle, le 'made in China' provenant notamment de Chine ou de Thaïlande a fait son entrée depuis le début des années 2000. Le wax d'Asie, qu'on appelle souvent le wax chinois, est un tissu bon marché.

 

Mais sur le continent, le wax 'made in Africa' est rare. Il n'y a quasiment plus d'usines de production.

 

On entend pourtant beaucoup parler desimprimés wax comme étant 'les tissus emblématiques de l'Afrique subsaharienne', au détriment peut-être, comme le suggère Marie-Jeanne Serbin-Thomas, de la multitude d'autres tissus soulignant la richesse de la tradition textile africaine.

Le wax est-il devenu le fossoyeur de l'art textile africain ?

 

"Aujourd'hui, la vraie revendication identitaire ce sont les créateurs qui travaillent pour mettre en avant une pratique véritablement culturelle, artistique et non pas un produit d'importation, même s'il est complètement digéré par la population africaine", remarque Marie-Jeanne Serbin-Thomas.

 

Par ces mots, la journaliste rappelle que de nombreux créateurs aujourd'hui s'attachent à la valorisation de l'héritage culturel, mettant en valeur "des tissus traditionnels qui ont une signification, dont on peut lire l'origine, qui sont implantés véritablement dans la culture du pays et non pas imposés".

 

Le styliste d'origine camerounaise Imane Ayissi utilise des matériaux peu connus du grand public, estimant que le grand monopole du wax "tue le patrimoine africain". Dans sa dernière collection, on retrouve entre autres du raphia teint au Cameroun, du faso dan fani, le tissu à rayures du Burkina Faso, du kenté, tissu de soie et de coton fabriqué au Ghana et en Côte d'Ivoire et de l'indigo.

 

A travers son discours mais surtout à travers ses designs, le grand créateur montre que l'Afrique a ses propres tissus qui méritent d'être connus et valorisés.

 

Mais quoi qu'on en dise, le wax est tendance. Ou est-ce plutôt quela tendance est au wax.

 

Ce tissu de coton coloré séduit de plus en plus les créateurs, les marques et les consommateurs du monde entier. Depuis quelques années, le tissu ciré s'invite aussi bien sur les podiums des maisons de luxe tels que Burberry ou Dior que sur les étagères et catalogues de marques prêt-à-porter.

Pourquoi cet imprimé coloré séduit-il autant ? Que doit-on savoir pour se faire une opinion ?

 

Entré dans les usages au rythme des cérémonies sociales - mariages, enterrements, baptêmes et autres célébrations sociales-, le wax s'est rapidement implanté en Afrique.

 

L'importance que chaque communauté lui a attribué au fil du temps, ses différents motifs, ses couleurs et la manière de le porter confèrent à cette étoffe une valeur sentimentale pour certains, culturelle pour d'autres, identitaire ou même politique. En effet, chaque tissu confectionné raconte une histoire, un usage particulier ou même parfois un souvenir d'enfance...

"Le tissu appartient à celui qui se l'approprie"

 

Le wax n'est pas Africain ? Et alors ? "C'est du passé, c'était avant. Aujourd'hui on se l'est approprié puisqu'on en porte plus que les Hollandais", se défend Aweni, jeune créatrice de la marque Woen-Ilga. "Le tissu appartient à celui qui se l'approprie".

 

Ce qui compte pour la jeune entrepreneure béninoise, ce n'est pas l'origine du tissu mais l'usage qu'on en fait et le lien tissé au fil des ans.

 

"Je connais des créatrices africaines qui sont contre l'utilisation du wax et qui utilisent des tissus africains et refusent d'utiliser le wax parce que c'est Hollandais", ajoute-t-elle. "Moi par exemple mes dérivés ne viennent pas d'ici [d'Afrique] mais le fait que je sois Africaine, que j'utilise de la main d'œuvre africaine, je n'ai pas forcément besoin que le tissu vienne d'Afrique aussi".

 

Aweni aime le wax, c'est ainsi et pas autrement. Il faut dire que la jeune femme a baigné dedans toute sa vie. La créatrice de la marque Woen-Ilga se souvient qu'enfant, elle courait déjà parmi les pagnes dans la boutique de wax de sa mère, au Bénin.

 

"Pendant mes week-ends ou congés, j'allais à la boutique l'aider donc j'ai toujours été dans le wax".

 

"Je suis née dans le wax", se remémore la jeune femme de 28 ans.

 

En grandissant, Aweni s'est inspirée du wax, et en a même fait son métier.

 

"J'ai grandi au Bénin dans une ville Yoruba, où chaque dimanche il y a un mariage. Et pour chaque mariage il faut confectionner des tenues en wax et chaque personne doit acheter le même motif".

 

Depuis la création de sa marque de prêt-à-porter en wax et dérivés en 2011, Aweni a progressivement diversifié ses modèles pour les rendre plus accessibles.

 

"Nos parents le portaient pour des évènements particuliers et choisissaient des modèles extravagants. On ne nous avait pas inculqué cette idée que le wax pouvait être porté tous les jours. Avec notre génération, on a pu moderniser le wax et fabriquer des tenues de tous les jours", dit-elle.

 

"C'est grâce aux réseaux sociaux que j'ai pu me lancer car la plupart des clientes venaient de la France, d'Europe et des États-Unis", se réjouit la jeune femme.

 

Et du fait de la popularité de ses comptes en ligne, Aweni a gravi les échelons jusqu'à l'ouverture en 2014 d'une boutique au Bénin et la création de son propre site Web en début d'année.

 

Autodidacte dans l'âme, celle qui avait débuté en vendant des robes confectionnées à la main, emploie aujourd'hui, grâce à ses créations en wax, neuf employés.

 

A travers les plates-formes de vente et la promotion via les réseaux sociaux, la révolution digitale a accéléré l'expansion de nombreux autres designers et créateurs sur le continent et au-delà.

"Il ne faut pas condamner ceux qui vivent du wax. Tout le monde doit manger"

 

C'est le cas de Marianne Sodogandji, fondatrice de la marque Eldior Sodeck.

 

Basée à New York, la jeune béninoise de 29 ans se passionne pour tous les motifs africains aux accents très modernes.

 

"J'ai eu à utiliser du Bazin du Sénégal et ça a vendu comme des bonbons, donc je ne pense pas qu'il y ait une préférence pour le wax. Le wax est plus accessible, il est partout, on en trouve à tous les prix. Mais le Bogolan par exemple, ça coute très cher car c'est plus rare".

 

Pour la styliste, la création africaine ne se résume pas à ses origines ou ses provenances. Comme beaucoup de créateurs à travers le monde, elle considère que créer c'est évoluer et s'adapter.

 

Marianne Sodogandji propose ainsi des vêtements combinant des tissus traditionnels et des impressions graphiques modernes.

 

"Personnellement j'utilise le wax, j'utilise le Kanvo, j'utilise le tissu teinté, j'utilise du lin et du coton du Bénin, donc j'utilise aussi les matériaux africains " affirme Marianne.

 

La jeune femme déplore que lorsque les gens abordent la question du wax, ils ont du mal à relativiser. Il est si rare de trouver "un juste milieu ou une position d'entente", déplore-t-elle.

 

Elle estime pourtant qu'il faut savoir faire la part des choses entre l'émotionnel et la réalité commerciale, et qu'il faut avant tout tenir compte de la réalité économique des personnes impliquées dans le commerce du wax.

 

"Si on arrête d'acheter le wax, ça va affecter les producteurs en dehors de l'Afrique mais ça va aussi affecter nos mamans qui le vendent. Même si c'est en extra, ça nourrit une famille".

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Légende vidéo,

" Les femmes rondes ... On veut juste être libres ".

 

 

Au Bénin comme dans d'autres pays, le wax a aidé et continue d'aider de nombreux commerçants à nourrir leur famille. Ghanéennes, Togolaises et Béninoises, ce sont surtout les femmes qui ont joué un rôle central dans sa distribution dans les années 60 à 80. Ces 'Nana Benz', négociantes en tissus, redoutables femmes d'affaires, ont marqué un tournant historique en popularisant le wax.

 

"Je suis pour le consommé local, surtout au Bénin car j'ai grandi là-bas. Mais il ne faut pas condamner ceux-qui vivent du wax. Tout le monde doit manger", dit-elle ajoutant que "ces dames du marché, des tatas, des cousines avec qui j'ai grandi, ne sont pas forcément toutes lettrées, elles n'ont pas forcément de grands diplômes mais le commerce du wax les as aidé à se faire un futur".

 

En grande pragmatique, Marianne semble dire "Relativisez, prenez du recul mais au lieu d'argumenter, proposez une solution". La sienne ? "Au lieu d'utiliser le wax, utilisez le Kanvo du Bénin !".



Source : BBC News Afrique


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Victoire
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