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Les heures chaudes des hipsters de Joburg

  Mode & Beauté, #

Le soleil se couche à peine sur cette journée de printemps austral. Une foule dense s'agglutine à Diepkloof, un quartier huppé de Soweto. On se bouscule, certains crient, d'autres dansent déjà, la bière à la main, sur un rythme sourd émanant d'un immense entrepôt réaménagé en boîte de nuit. Les vigiles qui gardent jalousement l'entrée n'hésitent pas à tirer au taser les plus téméraires.

C'est dimanche, il est 17 heures, bienvenue au Zone 6 en état de siège. Une frénésie inhabituelle semble animer la foule. On murmure qu'un trio de stars est en train de se faire photographier à l'intérieur. Pour comprendre l'origine de cette agitation, de cette impatience, il faut remonter, quelques jours plus tôt, quelques kilomètres plus au nord. Dans un quartier appelé Maboneng...

Situé à l'est de la ville de Johannesburg, Maboneng (" Place de la Lumière " en langue suthu) grouillait encore d'immeubles abandonnés, d'échoppes et shebeen (bars clandestins) en 2008, lorsque Jonathan Liebmann, promoteur immobilier s'y intéresse. Dans cet environnement, les vidéos d'un jeune homme appelé Russell Grant, alors âgé de 25 ans détonnent. Installé pendant des mois dans un building en réfection, Russel's Bedroom dévoile une vie de quartier insoupçonnée qui séduit les investisseurs et futurs propriétaires.

Barbe rouge et tresses vertes

En quelques années, les immeubles mal famés sont transformés en lieux arty. Naquit ainsi Le Main Street Life qui se développe autour d'appartements, d'un hôtel, le 12 Décade Hôtel, d'un cinéma indépendant, The Bioscope, tenu par Russell lui-même, et du complexe Arts On Main. Dessiné par Enrico Daffonchio, Arts On Main est un ensemble d'anciens hangars transformés en galerie, cafés, restaurants et marchés abrités, où s'animent les dimanches " jobourgeois ".

Désormais, c'est là que jeunesse branchée, hipsters et autres faiseurs de tendances de la nation arc-en-ciel aiment à musarder ou se faire repérer. Les chasseurs d'images street fashion des grands magazines y guettent aussi les sartorialistes, ces artistes du style, popularisés par les blogs qui pullulent désormais en Afrique du Sud.

The Social Market est l'un des groupes qui incarne cette nouvelle vague. Sur les toits d'Arts On Main trône une vieille Citroën. La terrasse qui y est aménagée n'a d'yeux que pour Maitele Wave, 25 ans, étudiant à l'université de Pretoria. Barbe rouge et tresses vertes tombant sur une peau ébène, le créateur de The Social Market déambule au milieu de ce beau monde dans un style bohème afro-urbain. Avec ses deux complices, Sizo Dlezi et Thifhe Mudau, ils ont fait la route depuis Pretoria, capitale réputée ennuyeuse dont ils s'évertuent à redorer l'image depuis trois ans.

Le trio d'"I see a different you", à Johannesburg. Crédits : I SEE A DIFFERENT YOU

A l'image du Coachella aux Etats-Unis, ou du Piti Umo à Florence, The Social Market organise des journées événementielles tous les premiers dimanches du mois. Les amoureux de la mode se réunissent en plein air dans un lieu indiqué dans les réseaux sociaux du collectif et se montrent dans leur plus bel attirail, sans tabou, en privilégiant les styles les plus audacieux.

 

Et tout cela en musique, entourés d'artistes, de fripes en étale et de nourriture. Pendant ces journées, Pretoria se donne une seconde peau, plus mode, plus hype, plus attirante. Mais c'est à Maboneng qu'ils viennent puiser leur inspiration. " Nous sommes des rebelles de la mode ", lancent-ils sans détour. Coiffures osées, assemblage de vêtements insolites à partir de matériaux insoupçonnés, créativité et liberté est leur seule loi.

Un peu plus loin, le trio d'I See A Different You fait également figure d'habitués de Maboneng. De stars locales aussi. Les grandes marques se disputent leur concept pour en faire des campagnes publicitaires. Le principe est simple. Capturer une meilleure image des ghettos en s'appuyant justement sur ce côté brut. Un concept qui naît de leur blog I See a different you. Rendani Mukheni, 26 ans alias Justice, son jumeau Fhatwani - " Innocent " - et leur ami d'enfance Vuyo Mpantsha, 23 ans se mettent en scène dans le quartier où ils ont grandi, à Soweto. Une activité qu'ils commencent très jeune.

" Nous, on a choisi le positif "

" J'ai tout arrêté en seconde. J'étais un artiste, je le savais, je n'avais pas besoin de l'école pour en devenir un. Mais c'est Rendani qui a été le premier à s'acheter un appareil photo... ", se souvient Fhatwani (Innocent).

Toujours à trois ou avec d'autres artistes du style, ils présentent les coins secrets de Soweto dans des clichés d'un constant contraste entre le brut et le sophistiqué. Les trois garnements ont peu à peu transformé leur township en un studio privé mêlant dans leurs vêtements influence du " panstula " (danse née à Soweto pendant l'apartheid), fripes et lieux inexplorés dont raffolent les grandes marques. Leur succès est rapide...

" Il y a du positif et du négatif en tout. Nous, on a choisi le positif... Le plus important pour nous c'était de montrer d'où nous venons avec fierté. On voulait que nos photos changent la perception des gens sur l'Afrique. Au départ, il n'était pas vraiment question de nous... ", clame Vuyo avant de se raviser. Le plus réservé des trois venait de prendre la parole. S'engage alors une conversation plus passionnée. Les personnalités se dévoilent. Les alias tombent.

Quelques minutes ont suffi à faire tomber la barrière, si symbolique en Afrique du Sud, des noms de scène : " Ce ne sont pas nos vrais noms, on ne les aime pas vraiment mais c'était plus pratique à l'époque... " Une pratique courante sous l'apartheid pour éviter les rafles policières. Héritage que les artistes abandonnent désormais pour se dévoiler sous leur vrai visage.

La conversation s'achève par une invitation. Une séance photo, un dimanche, vers le Zone 6, au cœur de Soweto, loin de l'ambiance maîtrisée du Maboneng, au milieu d'une foule électrisée où seuls les tasers calment les ardeurs des fans venus les voir à l'œuvre.

Prisca M. Monnier (contributrice Le Monde Afrique à Johannesburg, Afrique du Sud)



Source : www.lemonde.fr


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